Chapitre 39

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Effy


Nos entraînements ont fini par porter leur fruit. C'est ce que je me dis pendant qu'Omar me fait virevolter dans ma chambre. Je maîtrise enfin les pas de cette danse beaucoup trop codifiée. J'adore danser, j'ai toujours vu ça comme un exutoire. Mais ce que j'aime c'est quand la musique s'introduit dans chaque partie de mon corps et qu'elle en prend le contrôle. La valse c'est tout l'inverse.

Il ne faut pas se laisser envahir, la grâce est le maître mot. Mais le problème ce n'est pas tant le côté formel de cette danse mais le tournis qu'elle me donne à chaque fois. Après une énième pirouette, je suis obligée de m'arrêter. La pièce tourne autour de moi et Omar doit me stabiliser pour ne pas que je tombe à la renverse.


-On va s'arrêter là, dit-il à bout de souffle.

-Non il faut que j'y arrive sans avoir envie de vomir.


Je replace mes bras autour de son corps frêle mais il les retire et se recule.


-C'est bon tu t'en sors très bien et si je dois tourner encore une seule fois c'est moi qui vais te vomir dessus.


J'aimerais insister mais je ne le fais pas. Omar a déjà passé la semaine à me faire danser et même si il prétend le contraire je sais qu'il n'en peut plus de passer ses journées à m'entendre râler sur la tenue de ses bras. De toute manière l'heure qu'affiche mon réveil me prévient que je n'ai plus le temps. Si j'arrive habillé, maquillé et coiffé sans être en retard ça tiendra du miracle.


-Il faut que je me prépare tu as de la chance.


Omar pousse un soupir de soulagement et s'effondre sur mon lit. Je pars chercher le paquet que m'a fait livrer Hélios dans la matinée et le pose dessus. J'hésite un instant avant de l'ouvrir. Je n'ai toujours pas réussi à le faire depuis ce matin. Je sais que c'est une robe de haute couture, sûrement très chère et ça me met extrêmement mal à l'aise. J'aurais aimé avoir les moyens de m'acheter ma robe seule. Mais mon maigre salaire m'aurait uniquement permis d'acquérir une robe de friperie au rabais que j'aurais fini par me faire rembourser. Je ne veux pas faire honte à Hélios, c'est la seule raison pour laquelle j'ai accepté. Omar ne se pose pas autant de questions que moi et poussé par son impatience il lève le couvercle à ma place. Je découvre alors un tissu bleu marine brodé de perles argentés. J'ose à peine faire glisser mes doigts sur le satin. Omar prend une nouvelle fois les devants et le sort à ma place.


-Je ne peux pas porter ça, c'est beaucoup trop jolie !


Je me dirige vers mon armoire et commence à farfouiller dedans à la recherche de quelque chose qui ne semble pas crier « Eh regardez tout le monde j'ai eu cette magnifique robe après m'être envoyé en l'air avec le prince !», mais Omar m'arrête.


-C'est hors de question ! Viens avec moi, m'ordonne-t-il.


Il prend ma main dans la sienne et me conduit devant le miroir. Je me laisse faire sans broncher mais j'ai du mal à supporter mon reflet dans la glace. Mon corps maigrichon me fait honte. J'ai une petite poitrine, quasiment pas de hanches et des jambes de fillette. J'aimerais plutôt enfiler un sac poubelle et aller me cacher là où personne ne pourra voir à quel point je suis fade. Omar ne dit rien, toujours derrière moi, et regarde mon reflet lui aussi. Il fait alors glisser un masque autour de mon visage et réalise un nœud avec le ruban. Je regarde mon reflet à nouveau et d'un coup tout semble aller mieux. Cachée derrière ce déguisement je me sens plus à l'aise. Omar me sourit dans le miroir et j'en fais de même. Il part alors chercher la robe et me la passe autour de la tête en la faisant glisser le long de mon corps. Je n'aime pas que l'attention soit concentré autour de moi mais je ne laisse rien paraître. Il me fait un clin d'œil en resserrant le corsage dans mon dos et je lui souris timidement. Il se recule enfin et m'observe dans tous les sens.


-Tourne un peu pour voir, me demande-t-il.


Sans réfléchir à ce que je fais j'attrape le jupon et comme ces filles ridicules dans les films je me mets à tourner pour faire voler le tissu. Ça me fait rire. Qui aurait cru que la vielle droguée que j'étais finirait par se rendre dans un bal royal habillé comme une princesse ?

Je continue de tourner en riant aux éclats et lorsque je m'arrête je découvre un Omar aux yeux larmoyants.


-Qu'est-ce qui t'arrive ? je demande en me moquant.


Une larme roule sur sa joue et je comprends qu'il est sur le point de craquer. J'ai déjà vu Omar passer par tous les états mais c'est la première fois que je le vois comme ça. Il ne dit rien et me regarde, un sourire timide aux lèvres et des larmes aux coins des yeux. Je le prends dans mes bras et ses mains rêches se mettent à caresser mon dos nu tandis que ses larmes inondent mon épaule.


-Je suis tellement désolé Ef'.

-Pourquoi tu es désolé ?


Je me détache et le regarde perdue.


-De t'avoir poussé à retourner chez Tyler.

-Ce n'est pas toi qui l'a fait, j'étais condamnée à y retourner.

-Je voulais que tu saches que je suis revenu te chercher après ça. Mais Tyler est arrivé et...


Il se remet à pleurer et sa tristesse commence à faire écho à la mienne.


-..Je l'ai vu te lever la main dessus mais je n'ai pas réussi. La seule chose que j'ai eu le cran de faire c'est de courir au commissariat..


Je ne suis pas surprise. En vérité j'ai toujours su qu'il y était pour quelque chose.


-Pourquoi tu ne me l'as jamais avoué ?

-Tu veux que je te dise la vérité ?


Je fais signe que oui de la tête et il hésite un instant en mordillant sa lèvre.


-J'avais peur que tu finisses par retourner avec et que tu lui répètes.


J'ouvre la bouche et me prépare à répondre mais aucun mot ne sort. Je me contente de baisser les yeux honteuse. Omar pose un doigt sur mon menton et relève mon visage.


-Je n'ai plus peur maintenant.

-Et pourquoi ? je demande au bord des larmes.


Il se recule et étouffe un rire.


-Tu vas nier encore longtemps que tu es amoureuse d'Hélios ?


Je suis gênée et me mets à me ronger les ongles.


-Je ne sais pas si on peut appeler ça de l'amour. On est pas censé se poser autant de question quand on est vraiment amoureux non ?

-Ou peut-être que ton cœur est trop abîmé pour accepter que quelqu'un puisse lui faire du bien.



Je déteste penser ça, ça arrive trop souvent, mais Omar a raison.

Nos âmes tourmentéesWhere stories live. Discover now