Chapitre 35

24 1 0
                                    

Effy

J'ai toujours fait en sorte de tenir toute personne étrangère à distance. Je déteste l'idée de savoir que quelqu'un est assez proche de moi pour percevoir les fêlures de mon masque. Mais en découvrant la peinture qu'Hélios avait réalisé je n'ai pas eu d'autres choix que de l'accepter, il a vu mon âme. Il a découvert mes peurs, mes fragilités, mon incapacité à lutter avec un monde que je fais semblant de dominer. Et quand je me retrouve enroulée dans ces draps, je suis bien obligée de m'avouer qu'il n'est plus vraiment un étranger. Entre lui et moi il y une alchimie puissante qui me pousse à repousser mes limites toujours plus loin. La tête posée sur sa poitrine je sens son cœur raisonner pendant que ses doigts caressent paresseusement  mon bras. Á cet instant tout est vraiment parfait, je ne me suis pas sentie aussi sereine depuis une éternité..

-Tu voudrais bien être ma cavalière au bal ? souffle-t-il dans mes cheveux.

..Adieu la sérénité !

Mon corps se raidit instantanément. J'ouvre les yeux et revient sur terre. Ma condition ne sera jamais assez convenable pour le Prince d'Espagne et ce qu'on vient de vivre était juste un moment hors du temps. Je me détache et me redresse.

-Sa majesté n'appréciera sûrement pas de voir la femme de ménage au milieu de ses invités...

-C'est là tout le principe d'un bal masqué Miss singulière. Tu peux porter le déguisement que tu veux, dit-il en se redressant à son tour.

Son argument fait mouche mais pas suffisamment pour me convaincre que ce que je désire est inatteignable.

-Tu es la première personne à avoir posé les mots exacts sur ce que je ressens au plus profond de moi, continue-t-il. J'aimerais que tu sois là ... Non, j'ai besoin que tu sois là ! La couronne m'étouffe et il n'y a que quand tu es prêt de moi que j'ai l'impression de réussir à respirer. J'ai besoin de toi Effy.

Ses mots sonnent comme un appel à l'aide. Je ne peux pas les ignorer. Cet homme a été une bouffé d'oxygène dans ma vie au moment où j'avais la sensation que Tyler m'étouffait. Lui c'est son titre de prince qui glisse ses doigts autour de son cou. Je connais la douleur qu'ils causent lorsqu'ils se resserrent. Je ne veux pas qu'il est mal. Ce prince de malheur est devenu ma bouée orange dans une mer noire secouée par les tumultes de la tempête. Á mon tour d'être la sienne.

-Est-ce que je vais devoir apprendre à danser la valse ?

Le visage triste d'Hélios se métamorphose. Ses yeux pétillent, son sourire s'élargit et une fossette se dessine sur sa joue. Je ne l'avais jamais vu sourire comme ça. Ça me donne envie de l'embrasser et de refaire l'amour avec lui.

*

Je suis restée dans le lit d'Hélios jusqu'à ce que la nuit tombe. Mais on a fini par devoir se dire au revoir et je suis sortie par la petite porte. Pourtant je ne m'étais jamais sentie aussi grande.

« Le risque est beau » disait Platon. Et il avait tellement raison !

J'ai pris le risque de retirer mon armure et je ne sais toujours pas ce qui m'a poussé à le faire. La seule chose que je sais c'est que cet homme est bouleversant. Il a un œil attentif, une capacité à comprendre la peine des autres. Je crois que j'en suis tombée amoureuse ...

Ça a dû arriver en me rendant compte qu'il était bien plus triste que ce que son sourire ne le laisser penser. Je me suis reconnue en lui. Il a la même âme tourmentée que la mienne.

Mais je ne suis pas naïve. Cette histoire se terminera sûrement en un drame shakespearien et nous en ressortirons encore plus détruits qu'à l'arrivée. Pourtant ce soir je ne veux pas y penser. Je veux m'endormir avec son odeur et me laisser rêver au prince charmant.

Nos âmes tourmentéesWhere stories live. Discover now