Chapitre 31

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Effy

Une chose est sûre mes rendez-vous avec mon psychologue ne m'avaient pas manqué. Le Docteur Gonzalves, une femme toujours trop souriante, trop polie et surtout trop dans l'empathie pour être honnête m'avait assuré qu'une rechute n'était pas grave et que j'avais bien fait de retourner la voir. Mais je ne sais pas, je ne suis pas convaincue. Ma main ne tremble plus et je n'ai pas fait de rêves bizarre depuis ma « soirée dérapage », pourtant j'ai quand même l'impression que l'épée de Damoclès plane constamment au-dessus de ma tête. Ça a été tellement facile la dernière fois ... Il a suffi que je me mente à moi-même en me persuadant que je pouvais relever la pente seule. Alors que si j'ai fait le choix de rester seule c'est uniquement parce que je savais comment ça finirait. J'ai toujours trouvé tellement plus facile de se défoncer plutôt que d'affronter mes problèmes .Aujourd'hui tout semble se dérouler comme dans un conte de fée mais j'ai quand même la trouille de voir la vilaine sorcière réapparaître.

-Effy jolie !

Oh non pas déjà pitié.

Je ne me retourne pas, je ne bouge pas, je ne respire même pas. Il faut que je cours mais mes jambes semblent déconnectées, comme après un bon trip. Il y a du monde devant l'hôpital, des agents de sécurité à l'intérieur. Si il tente quoi que ce soit je pourrai toujours crier.

Après de longues secondes d'hésitation je trouve enfin le courage de me retourner. Je me retrouve alors face à Tyler et toutes mes peurs disparaissent. J'éclate de rire. La situation ne s'y prête pas et dans d'autres circonstances je me serais contentée de baisser les yeux en esquissant peut-être un léger rictus. Mais aujourd'hui je peux. Tyler a une tête à faire peur ! Avachi dans un fauteuil roulant je le découvre sous un nouvel angle. Un énorme hématome recouvre sa joue et des bandes strip ferment une coupure au-dessus de son œil droit. Son œil gauche lui est tellement contusionné qu'il est presque noir. Entre ça et son plâtre à la jambe on pourrait croire qu'il est passé sous un rouleau compresseur.

-Ça te fait plaisir hein ? ricane-t-il.

Il paraît tellement faible, tellement seul qu'il arriverait presque à me faire de la peine. J'ai bien dit presque.

-Qu'est-ce qui t'es arrivé ?

-Le karma Effy jolie.

-Il ne t'a pas fait de cadeau dis-donc.

J'essaie de paraître détachée mais j'ai beaucoup de mal à me retenir de sourire.

-Allez ne fais pas semblant ! Réjouis-toi, c'est le moment.

Je le regarde un instant en me demandant si c'est vraiment ce que je désire faire.

-Tu sais quoi Tyler, je n'en ai même pas envie en faite.

Il me regarde surpris puis il sourit. Un sourire que je n'avais pas vu depuis bien longtemps. Á l'époque c'était lui qui m'avait fait plonger dans les abysses de ses magnifiques yeux verts. Mais en le voyant aujourd'hui je n'ai plus l'incendie dans le ventre. Je trouve juste qu'il ressemble à un pauvre type, pas gâté par la vie, et pas par l'intelligence non plus.

-J'ai vraiment été un gros con hein ?

-C'est le moins que l'on puisse dire.

-Je vais me rattraper tu sais.

-Tu perds ton temps Tyler.

-Je t'aime Effy.

Ça y est il recommence à m'asphyxier !

Je tourne les talons tandis qu'il m'implore de rester. Il tente de me rattraper mais son fauteuil lui complique grandement la tâche. Je pourrais accélérer et faire comme si je ne le sentais pas juste derrière moi mais une voix dans ma tête me dit de m'arrêter. Il va falloir affronter tes problèmes cette fois-ci ma grande ! J'hésite un petit instant puis me retourne en gonflant ma cage thoracique. Je me plante face à lui prête à mettre un point final à notre histoire.

-Je ne t'aime plus Tyler. Et j'en viens même à me demander si je t'ai déjà réellement aimé. Il faut que tu arrêtes de faire comme si ce n'était pas le cas et que tu ailles de l'avant. Tu perds ton temps à t'accrocher comme ça et tu me gâches le mien. Il faut que ça s'arrête une bonne fois pour toute.

J'ai dit tout ça avec une voix très calme pourtant j'ai l'impression d'avoir hurlé une partie de toute la colère que j'avais en moi. Mes mots n'ont pourtant pas l'air d'avoir eu l'effet escompté. Tyler tire une longue bouffée sur sa cigarette et relève les yeux en me regardant bêtement. Ce mec est un crétin, il ne comprend rien.

Je lève les yeux au ciel et pars rejoindre l'arrêt de bus sans me retourner. Je dois aller travailler et je n'ai pas envie d'accorder une seconde de plus à cet abrutit. Il n'essaie pas de me rattraper mais m'interpelle quand même avant que je ne monte dans le bus.

-T'as toujours un bon petit cul Effy jolie !



Je ne me retourne pas, il n'en vaut pas la peine. En guise de réponse je me contente juste d'un beau doigt d'honneur. Il hurle alors au loup comme l'animal qu'il est.
Pauvre mec !

Nos âmes tourmentéesWhere stories live. Discover now