Chapitre 34

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Hélios

Voir Effy dans ma chambre s'apparentait jusqu'ici à un rêve. Je ne pouvais pas rester seul avec elle au palais et encore moins dans cette pièce. Mais elle est là. On est passés par les quartiers des employés, on a remonté l'escalier de service, on s'est cachés derrière un grand rideau quand mon frère et sa femme passaient dans un couloir. J'ai senti sa respiration s'accélérer à ce moment-là. Sa langue claquait contre son palais, comme lorsque j'avais réussi à la coincer contre les portes de l'ascenseur. C'était terriblement excitant et j'ai bien failli la prendre entre ces rideaux. Et maintenant qu'elle effleure du bout des doigts chaque objet de mon entre j'ai encore envie de la prendre, n'importe où. Mais je résiste et pars ouvrir mon coffre à secret, au pied de mon lit. Une couverture recouvre mes premières esquisses. En la retirant je retrouve un portrait de ma mère. C'est fou de voir comment malgré les années son regard n'a jamais changé, il est toujours aussi hypnotisant, avec toujours ce même don pour m'apaiser.

-Waouh ! lance Effy par-dessus mon épaule. Tu n'es pas un baratineur t'es vraiment doué !

Je me tourne vers elle et elle me sourit. Il y a presque un mois elle m'avait dit exactement les mêmes mots sans savoir à qui elle les adressait. La manière dont elle me regardait en ce temps-là me manque. Mais tout à l'heure au musée, elle avait ce même regard. Je n'étais plus un Prince.

Troublé je continue de fouiller dans le coffre jusqu'à trouver ma dernière toile du Cri que je lui présente. Elle pose une main sur mon épaule en gardant le silence. Les doigts sur son menton elle analyse chaque détail de la peinture avec un air concentré. Quelques minutes plus tard elle croise ses bras autour de sa poitrine et prend une grande inspiration avant d'ouvrir la bouche.

-Je ne m'étais jamais rendue compte à quel point la couronne pouvait être dure à porter.

Je suis scotché.

Pour la première fois quelqu'un prononce tout haut cette phrase qui hurle en moi depuis toujours. Je me relève et ses grands yeux bleus me donnent envie de craquer. Mais je ne fais rien, je veux qu'elle sache à quel point elle est devenue importante pour moi avant. Après elle aura toutes les cartes en main.

-J'ai quelque chose à te montrer.

Elle me regarde intriguée et sans rien expliquer de plus je lui prends la main. De l'autre je fouille dans ma poche et récupère une clef que j'enfonce dans la serrure de la petite porte qui se trouve au fond de ma chambre.

-Rassure-moi ce n'est pas le moment où je me rends compte que j'avais raison depuis le début, et où je découvre tous les cadavres que tu entasses dans ton armoire ? demande-t-elle en lâchant ma main.

J'explose de rire.

-Je te laisse découvrir par toi-même.

Elle semble hésitante mais entre malgré tout. Ses traits se détendent en découvrant que nous sommes juste dans mon atelier. Elle ne dit rien, ne touche à rien et déambule dans la pièce en ne sachant pas où poser ses yeux. Elle finit par me rejoindre à côté d'une toile recouverte d'un drap blanc. Je n'ai jamais eu honte de présenter mon travail, mais aujourd'hui c'est différent. C'est la première fois que je m'apprête à faire quelque chose comme ça. C'est facile de jouer, de séduire, de charmer mais quand on se prépare à dévoiler une partie de son cœur la difficulté monte d'un cran. Sa jambe qui trépigne d'impatience réussit à me donner le courage de faire ce que je n'ai jamais fait avant, lever mon propre voile.

Le tissu s'envole, je ne tourne pas la tête par peur de découvrir sa réaction. J'ai peur qu'elle est peur et qu'elle ne retourne dans sa carapace. Pas un mot ne sort de sa bouche et pendant un moment je me demande même si elle n'est pas partie en courant. Je tourne les yeux et alors je comprends qu'elle est bien là. Elle est là comme elle n'a jamais été là. Ses iris turquoises brillent et une larme roule sur sa joue jusqu'à rejoindre son sourire. Son vrai sourire, celui qui semble vouloir dire je vais bien, vraiment bien. J'avais joué tous les scénarios dans ma tête mais jamais je n'aurais pu prévoir celui-ci.

Nos âmes tourmentéesWhere stories live. Discover now