Chapitre 3

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Ian


Je lance ma chips en l'air et me rate brillamment. Elle retombe sur mon menton jusqu'à rouler contre mon t-shirt. 

Recommençons. 

La chips s'envole au-dessus de moi. Cette fois-ci, c'est un but pour Ian ! 

Je glousse en croquant dedans. Je crois que ce paquet au cheddar va être mon nouveau préféré. Il a un je ne sais quoi de plus dans le goût prononcé du fromage que mes autres paquets n'ont pas. 

Un soupir soulage ma poitrine. Mes yeux remontent le long du couloir jusqu'à la porte en face de la mienne. Ça fait si longtemps qu'elle est vide, la voilà maintenant occupée. C'est bizarre. J'ai toujours été seul ici et je m'en acclimatais. Je suis le genre de gars à qui, quand on pose la question du pourquoi je n'aime pas sortir, ma réponse est constamment la même : les gens. 

Bah, oui. C'est évident. Ils sont tellement jugeurs, observateurs et moralisateurs. 

 Je hausse une épaule et relance une chips avant de l'attraper avec mes dents pour la manger. Affalé sur ma chaise de bureau, les jambes étendues de tout leur long, je tournicote en réfléchissant. Parce que, oui, c'est vraiment étrange de n'être soudain plus accompagné de sa solitude. Une personne inconnue qui débarque dans ma safe place ? Bien sûr, avec plaisir ! 

C'est faux. J'avoue ne pas avoir bien pris la nouvelle quand j'ai reçu cet appel du directeur du laboratoire de planétologie de Houston. J'ai... comment dire, failli m'étouffer avec mon bretzel ? Quelque chose comme ça, oui. 

Je lève les yeux au ciel en y repensant. Il ne m'a pas vraiment laissé le choix aussi. Ils sont marrants les admin' avec leurs protocoles chelous et leurs expérimentations d'habitation à tout va. C'est même devenu une mode. Que ce soit pour une exploration spatiale ou pour améliorer les relations entre collègues scientifiques.

 LOL. 

Je vais leur montrer. Je vais la rendre tellement folle cette madame avec ses grands airs de madame-je-sais-tout. J'ai mon petit caractère et j'ai hâte de l'en faire profiter ! 

Tout en établissant un plan stratégique de pourquoi et comment, je profite de son confinement dans sa chambre pour vérifier les dernières données que j'ai collectées hier soir. J'observe la couronne du soleil, suce mes doigts pleins de sel et zoom l'image infrarouge. Je l'ouvre ensuite sur le logiciel et mesure la longueur de la dernière éruption solaire en date, avant d'entrer le nombre dans mon tableau Excel du mois. Elles sont assez imposantes en ce moment, dis donc.

C'est fascinant... Même si c'est mon travail quotidien, je ne me lasse jamais de cette sensation de puissance. Je suis subjugué par la beauté de notre univers et sa complexité. Comment s'ennuyer devant cette supériorité mystérieuse ? Les chiffres ont beau s'additionner et se diviser, il y a encore tellement à découvrir et à comprendre par-delà le ciel nocturne. 

Quelle chance j'ai de pouvoir presque toucher du doigt ces merveilles. J'ai le plus beau métier du monde. 

***

Lorsque notre astre orangé a déjà bien entamé sa descente, je troque ma blouse préférée pour rejoindre la cantine des ingénieurs. En passant devant la porte en face de ma chambre, je perçois le bruit de l'eau qui s'écoule. 

 Elle a eu beau avoir l'air pâle lorsque je lui ai annoncé notre cohabitation, elle semble s'acclimater doucement à sa nouvelle condition. On est peut-être loin d'avoir le luxe d'une cabine de croisière, mais je trouve nos studios bien équipés ! 

Les étoiles dans tes yeuxWhere stories live. Discover now