Que la traque commence

26 2 0
                                    

— Ravie que tu sois de retour. Je suis en retard pour Yezajia. Je lirai le rapport de Rune plus tard.

Wanda file à toute vitesse pour récupérer une arme. Elle a pris l'habitude de se rendre à l'école les mains vides, comptant sur sa magie, mais des choses se trament dans l'ombre. Elle pressent l'aube d'une nouvelle ère à Yezajia et elle n'aimerait pas tomber des nues quand de terribles révélations seront faites au mauvais moment. Elle préfère prendre avec un poignard qu'elle glissera sous son manteau afin que nul ne se doute de ses suspicions. Caedmon lui a rapporté d'étranges conversations entre les élèves, des sujets sombres et délicats que de jeunes gens ne devraient pas aborder. Elle flaire l'orage au loin. Cependant, Dahlia lui emboîte le pas avec un air gêné sur le visage. Elle l'aperçoit tout de suite et s'enquiert :

— Rassure-moi, la mission s'est-elle bien déroulée, au moins ? 

Et elle discerne également un léger rebond dans la démarche de son amie, de quoi attiser ses questionnements. Wanda se stoppe net et la dévisage, cherchant ce que peut causer son boitillement. Dahlia lui en est reconnaissante. La douleur tiraille à grandes peines sa cuisse.

— Ne t'inquiète pas pour les rebelles. Ils ont tous été neutralisés. Tu découvrirais dans le rapport que deux groupes se tiraient entre les pattes. Le premier et le plus ancien rassemblait des membres pour se soulever contre toi, afin d'abolir la garde du nord, ce qui signifie abandonner toutes les montagnes enneigées à Mabel. Le second, plus récent, était motivé par la même cause. La lassitude de la guerre. Une simple excuse dans leur cas pour désirer la servitude auprès de Mabel.

— Tu as donc amené les prisonniers aux cachots. Ou les as-tu laissés aux mains de Rune ? 

Dahlia tique, confuse.

— Quels prisonniers ? Ils sont tous morts.

Wanda comprend aussitôt et ravale un soupir.

— J'aurais dû deviner que tu désapprouverais. Ecoute, Wanda, malgré tout le respect que je te dois et toute ma gratitude, je te le répète, ton règne est faible. Tu n'imposes pas assez de mesures, tu offres le champ libre à ce genre de révolte futile. Il faut que tu durcisses tes lois. 

— Pour devenir un tyran similaire à Mabel ? Pour en revenir à ce que mes parents instauraient à l'époque ? Mon règne, mes lois. 

— Alors, ne m'en tiens pas rigueur si je couvre tes arrières. La guerre gronde au nord. Mabel serait enchantée d'apprendre, qu'en plus des crétins qui voulaient la servir, d'autres soldats étaient prêts à te trahir pour...quoi, au juste ? Céder le nord d'Aerador afin de rentrer gentiment chez eux ? Ce sont des soldats, bon sang ! C'étaient... Tu leur as accordé le choix, qui plus est. Ils se sont enrôlés dans les montagnes de leur plein gré. Ils n'avaient aucun droit de se plaindre et d'insinuer une seule seconde que tu devrais abandonner le nord. Ils faisaient honte à la gloire d'Aerador, une menace à ta souveraineté et Mabel aurait pris trop de plaisir à embraser cette mèche. Il fallait que leurs pensées meurent avec eux. Désolée si cela te dérange à ce point. 

Wanda encaisse et hoche de la tête une poignée de secondes, piégée dans ses réflexions. Elle se dirige instinctivement à l'armurerie pour son arme. Elle est en retard, elle doit se dépêcher. Dahlia marmonne des mots incompréhensibles dans son dos. Elles ne sont jamais d'accord sur ces points fâcheux. La Princesse se concentre – trop, selon son amie – sur le respect des lois, ce qui inclue les sanctions. Elle tient à ce que le châtiment équivaut au crime commis. Une révolte dans les avant-postes, tandis que la guerre s'apprête à basculer dans un tournant inconnu et périlleux, pour donner des terres supplémentaires à Mabel... Cela méritait-il la mort ? Elle aurait pu discuter, négocier, leur suggérer de nouveaux postes ou les payer. Surtout qu'elle connaît ses méthodes. La jeune espionne ne s'est pas montrée tendre avec eux. 

La Dame de la MortWhere stories live. Discover now