La Dame de la Mort

La fureur des trois Morts

Wanda souffre effectivement, si bien qu'elle ne parvient pas à ouvrir les yeux dès son retour sur terre. En revanche, elle peut écouter et comprendre. Glaner des informations sur ce qu'il se passe. Mais, les sons ne la rassurent pas. Des coups de fouet. Des geignements étouffés qui se transforment en cris. Le torturé résiste, mais il connaît sa limite. Elle perçoit le déchirement de sa chair à chaque claquement...et elle identifie sans mal cette mélodie brisée. Rune. Elle était morte d'inquiétude à cause de son absence. Mabel a donc attendu de tuer la Princesse pour exhiber son prisonnier. Logique. Maintenant qu'elle a gagné la guerre, elle peut prendre son temps et s'amuser avec ses jouets. 

Aux sons meurtris se rajoutent des grognements de détresse. Draigh ou Dashiel. Ou les deux à en juger par la rapidité de l'enchaînement des coups de fouet. Ils se détestent et ils doivent se le répéter à chaque seconde de leur misérable existence. Ils frappent Rune et ils ne peuvent pas s'en empêcher, retenir leurs mains. Mabel leur ordonne de redoubler d'ardeur. Ils obéissent. Son cousin pousse désormais des rugissements déchirants. Se rajoutent également les pleurs et les supplications de Dahlia qui jure sans relâche de tuer l'Impératrice. Et se superpose à cela les rires lointains de la tyran. Tout à coup, la mélodie atroce s'arrête en deux derniers claquements violents. Dante s'est sûrement interposé, puisqu'il s'exclame à bout de nerfs :

— Vous avez déjà vaincu, Mabel ! Vous avez récupéré votre pitoyable serviteur que voici ! J'ai... J'ai tué Wanda ! Vous avez suffisamment fouetté Wyvern. Vous avez suffisamment fracturé la patience du Dahlia Noir. Pitié, Mabel. Ayez pitié. Pour une fois dans votre vie ! Et si vous célébriez votre victoire avec de la miséricorde ? Pour changer !

Un silence s'abat dans la pièce. Draigh et Dashiel doivent afficher des yeux larmoyants, suppliants. Le Dahlia Noir vibre sûrement de rage. S'ensuit un bruit lourd contre le sol lisse du palais. Rune s'est effondré et geint par terre, comme un animal agonisant. Wanda se rend compte de la sensation d'un liquide chaud sur sa main étendue. Elle a reçu le sang de son cousin. Il est assez proche pour qu'elle reconnaisse ses marmonnements. Discrets. Face contre terre. Dante les distingue peut-être aussi, et les frères tortionnaires, parce qu'ils commencent un manège dangereux pour couvrir l'incantation du blessé.

— La ferme, Dante ! Tu as perdu le droit de t'adresser à sa Majesté impériale !

— Oh, vous, taisez-vous ! Tout le monde dans ce fichu empire est au courant pour votre haine sans pareille pour cette garce ! 

Un combat pour la survie. Voilà ce qu'ils entreprennent. Dahlia pleure plus fort, ce qui ne lui ressemble guère. Si bien que Wanda n'entend plus l'incantation de Rune. Elle ne peut en deviner l'objectif. Il est lié par des fers pourtant. Il ne devrait pas être en mesure de lancer un sortilège puissant. Elle ne saisit pas vraiment la manœuvre et fait son possible pour se raccrocher au désordre ambiant pour ne pas sombrer sous la douleur du pouvoir ancestral qui l'embrase de l'intérieur. Elle ressent les tremblements de son corps et prie pour que Mabel ne s'en aperçoive pas avant qu'elle soit prête à agir.

— Mabel, autorise-moi à scalper ce scélérat ! s'enrage Draigh.

— Oui, ce sera un honneur et un plaisir pour nous ! renchérit Dashiel.

— Pourquoi ? riposte Dante. Parce que vous êtes jaloux de mes jours tranquilles en Aerador ? Oh, mes amis ! Vous verrez les femmes là-bas ! Elles sont toutes douces ou d'acier, rien de comparable avec nos monstres en guenille et toutes de saletés vêtues ! Là-bas, ils ont un concept formidable. Vous voulez savoir comment cela s'appelle ? De l'eau claire ! Vous êtes jaloux, parce que j'ai pu m'enfuir de cet Enfer, et pas vous !

— Assez !

Trop tard. Mabel, plus du tout divertie, intervient trop tard. Un mugissement fend l'air en dehors et Wanda n'a pas besoin de ses yeux pour comprendre. Surtout à l'acclamation de victoire de Dante.