De crocs et de sang

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De retour dans le salon, les deux délégués sont préparés à toute éventualité là-bas, déterminés et Dante Stein les couve d'un regard d'aîné, ce genre d'attention que les anciens ou les parents portent aux plus jeunes. Adaline a bien conscience que, malgré la guerre interne entre les élèves et les difficultés de leurs études, Yezajia s'est constitué abri et toit au-dessus de leurs têtes, les séparant des conflits entre Aerador et Fedgarth. Ce n'est pas pour rien que les familles sont soulagées à chaque début d'année de laisser leurs enfants dans l'enceinte de ce château. Elle distingue aussi la lassitude et le poids qui pèse sur cet homme. Qui qu'il soit et quoi qu'il ait vécu, il a souffert, il est tombé, il a échoué, mais il s'est relevé et il est ici, dorénavant entre les mains de la Princesse qui n'abandonne jamais personne derrière elle.

D'une main, elle propage une sorte d'ombre invisible et de l'autre, elle ouvre un portail. En d'autres termes, elle fait en sorte que Steros ne soit pas avertie par ses protections magiques de leur départ. Tout le monde s'y engouffre les uns après les autres et ils atterrissent dans une forêt sombre et lugubre, où la pluie s'abat avec fracas. En moins de trois secondes, ils sont trempés, tremblants et les apparences pas moins pittoresques que des chiens mouillés. Adaline remarque en un éclair que Wanda, elle, paraît ne pas subir les dégâts de l'eau. Ses cheveux noirs se fondent sur ses épaules rigides et elle avance avec dignité, le menton haut et droit. Elle ne bat même pas des cils et laisse les gouttes s'y déposer sans que cela ne la contrarie. La jeune femme est foudroyée par un constat : pourquoi la Générale serait-elle contrariée d'un peu de pluie, quand elle a sûrement combattu dans des tempêtes et des ouragans ?

Elle prend les devants et les guide par-delà cette forêt sinistre, à l'orée, vers une cité de plus différentes des leurs, en Aerador. Ils n'observent pas des amas de maisons, ni des établissements à trois ou quatre étages, ni pavés au sol, ni odeurs de viandes rôties et de légumes grillés.

Ils admirent plutôt une douzaine de cercles entourant un château. Devrait-on dire le château. La demeure millénaire du Roi Soran. Adaline a lu des faits à son propos. Horribles. Des crimes et des actes qui datent de plusieurs centaines d'années, bien avant la création de l'Aerador ou de Fedgarth, un peu avant l'installation des Faes là où ils vivent aujourd'hui, près des frontières des Sorciers. Elle connaît la géographie du monde sur le bout des doigts et sait donc exactement où ils sont. Le territoire de ces immortels est localisé au centre du continent principal, sur une île piégée par un immense lac. Impossible d'y accéder à pied. Pas de pont. Il faut prendre un bateau ou se téléporter. Mais, dans les deux cas, si l'on ne vous veut pas ici, vous ne réapparaîtrez jamais.

Cette île, nommée le Havre Brumeux, égarée sur le Lac du Beau Minuit, est le repère des Vampires. Elle est suffisamment grande pour tous les accueillir. Ils se reproduisent peu et vivent des millénaires ; par conséquent, il n'est pas nécessaire pour eux d'étendre leurs terres et ils n'en ont pas l'envie. Eux peuvent travers les eaux sans pont, n'ayant pas l'utilité de respirer et pouvant marcher sous la surface ou courir si vite qu'ils l'effleurent à peine. Le château de Curdingham est le cœur de toute cette structure symétrique, une bâtisse des pierres les plus anciennes de ce monde, sur une dizaine d'étages, avec plusieurs annexes et rajouts qui lui donnent des airs de colosse. Autour de lui, une douzaine de cercles parfaits aux manoirs alignés.

Curdingham, du nom du premier monarque. Soran, le nom du dernier monarque en vie, le fils de Curdingham. Deux générations qui règnent depuis toujours sur le Havre Brumeux. Il pleut souvent dans le coin, une raison pour laquelle ils ont sélectionné ces terres pour y exister. Le soleil est masqué le plus clair de l'année. Ils franchissent le Lac du Beau Minuit que pour attaquer et se ravitailler. Ils ont signé des traités avec la plupart des peuples. Grâce à eux, les Vampires ont juré de saigner les êtres vivants d'autres espèces, sans les tuer. Ils débarquent avec des gourdes, des bassines parfois. Ils toquent aux portes des mortels et prennent ce dont ils ont besoin. Contrairement aux croyances, l'Histoire a démontré qu'ils ne massacrent pas et n'aiment pas les tueries. Ils boivent goutte après goutte le sang acquis, et avec modération afin de tenir plusieurs mois sans ressortir. Les Sorciers sont une des rares exceptions. Ce qui n'interdit pas aux suceurs de sang d'attaquer Fedgarth autant qu'ils le désirent.

La Dame de la MortTempat cerita menjadi hidup. Temukan sekarang