Une entrevue dans la Mort

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La Mort n'existe pas. Les Dieux non plus. C'est un pari que Wanda Creighton a fait aujourd'hui. 

Aucun Dieu ne dirige ce monde. Aucun Dieu ne veille sur les Sorciers. Les mythes rassemblent et unifient, mais les érudits connaissent la vérité. La Mort n'est pas une seule entité à part entière. 

Si les Sorciers remontent aux mythes fondateurs, rédigés par les plus anciens praticiens, il s'avère que trois grandes figures apparaissent dans de nombreux récits et si l'on paie attention aux détails, ces créatures millénaires s'apparentent à la Mort dans ses fonctions. Elles décident qui veut, qui meurt, interviennent parfois dans les existences mortelles et veillent à ce que la providence soit respectée. Les forces de l'ordre, les gardiens de la paix. Plus ou moins. Des êtres tellement insultés et bafouées dans leur rang qu'ils se sont tout simplement retirés. Ils n'ont pas abandonné leur oeuvre, bien sûr, mais ils ne l'accomplissent plus main dans la main avec le monde. 

Les Trois Morts.

Wanda Creighton a parié, et elle pense que cela en vaut la peine.

Pour l'instant.

Elle se souvient du baiser de Dante, la douceur de ses lèvres, la tendresse de son toucher, et puis le poison et l'inconscience. Elle se sait éveillée, yeux ouverts, et elle sent son corps. Elle peut se toucher les jambes, les mains, les bras, le visage. Cela ne signifie pas qu'elle est vivante ou qu'elle est dans un lieu où son enveloppe charnelle est. Cela veut seulement dire que son esprit a récrée un semblant de normalité et de sens dans un endroit qui en est dépourvu. Tout est sombre. Pas de lumière.

Jusqu'à ce que trois sources lumineuses apparaissent tour à tour pour son émerveillement. Trois femmes. La première, à sa gauche, jeune, très jeune, et à l'attitude encore plus immature que son apparence et surtout plus primitive. Animale. Elle est accroupie dans une étrange position, comme si elle ignorait comment se tenir debout. Une lueur bestiale brille dans ses orbes d'or, ses cheveux noirs hirsutes ruissellent sur ses épaules nues...sur son corps nu, en fait, puisqu'elle ne porte aucun vêtement. La deuxième, en face, est vêtue à la mode passée, une robe à volants qu'auraient portée ses ancêtres. Le physique est le même. La troisième, à sa droite, est vêtue exactement au temps moderne, d'une armure moulante de cuir noir. Il faut un unique coup d'œil à Wanda pour se voir en elles. Littéralement. Il n'y a que la couleur des yeux qui est altérée. Et la teinte des habits, d'un blanc frappant, pur, éthéré. Elles représentent le passé lointain et oublié, les souvenirs plus proches qui forgent une personne et le présent. Pas de futur. Elles sont incapables de le prédire. Et elles l'ont convoquée. Elle. Au bord de la mort, elles l'ont extirpée et placée là, dans cet interlude entre vie et trépas. Parce qu'elle a fait ce pari et qu'elle a prié des jours durant pour qu'elles soient assez intéressées par le sort du monde pour temporaliser le moment de sa chute. 

— Suis-je censée m'agenouiller ? Comment vous saluer ? Je ne voudrais pas être malpolie.

La plus primitive lâche un rire chaud et fou, tandis que la Mort à sa droite roule des yeux. Seule la femme face à elle ne bronche pas.

— Inutile. Nous te connaissons très bien, Wanda Creighton. Princesse héritière d'Aerador, en guerre avec celle qui se nomme Impératrice. Pourquoi ? 

Elles l'ont convoquée pour cette raison. Pour comprendre.

— Vous me croirez si je vous réponds que mon seul souhait a été de vous rencontrer à la fin.

— Pourquoi ? répète la Mort à sa droite avec animosité. 

— J'aimerais vous implorer de m'accorder une faveur.

La Mort à sa droite paraît agacée de tout et de tout le monde, en particulier du sort du monde et de Wanda Creighton. La primitive s'agite de son côté, bondissant sur ses pieds souples. La Princesse fait de son mieux pour ignorer la nudité de son propre corps, décontenancée par cette apparence. La plus bestiale lâche une flopée de mots compliqués qu'elle ne saisit pas et qu'elle ne peut traduire. Une langue plus ancienne que tous les royaumes existants. Celle qui lui fait face l'informe :

La Dame de la MortWhere stories live. Discover now