- Chapitre 1 -

173 15 5
                                    


Mai 2022

L'une des cafétérias du campus se tenait au bout d'une allée bordée d'arbres. C'est ici que je devais rejoindre Andrew. Nous étions nombreux à nous accorder une pause dans nos trépidantes journées de cours. Nous avalions quelque chose en vitesse avant de nous plonger à nouveau dans les révisions. Chacun de nous avait l'espoir d'acquérir les connaissances nécessaires à l'obtention du diplôme.

Le diplôme.

Nous y pensions tous, et développions une multitude de stratagèmes pour parvenir au bout de ces années qu'on décrivait comme exceptionnelles. Je me souviens que ma mère m'avait souvent narré que ses années universitaires avaient été les plus exceptionnelles de sa vie. Mon père n'avait pas démenti, la soutenant dans sa démarche à me vendre du rêve.

Alors comme beaucoup de lycéens américains, après l'obtention de mon diplôme, je m'étais dirigé vers la faculté. Elle était aussi vaste qu'elle me rendait perplexe. Je ne parvenais pas à me projeter dans vingt ans, ou à ce moment-là, pas suffisamment pour m'imaginer dans un cursus plus qu'un autre. Je connaissais mes goûts par cœur. Rapidement, j'avais donc mis de côté les options sportives qui ne me convenaient pas, ainsi que les sciences beaucoup trop complexes pour mon esprit soigné et littéraire.

Non, moi, ce qui me fascinait, c'étaient les livres.

Depuis mon plus jeune âge, j'étais un féru de lecture, et à l'adolescence, alors que mes camarades gardaient le nez collé à leur console, je dévorais parfois plus de dix romans en un mois. Je lisais partout où c'était possible. Durant le dîner, ce qui avait rapidement agacé mes parents qui n'étaient pourtant jamais parvenus m'ôter cette habitude. Je mangeais et je lisais, si bien que j'en oubliais facilement l'heure, plongé dans mon activité favorite et j'en devenais étourdi. Je lisais dans le bus, le métro, ou encore en marchant.

Je lisais aussi en cours, et j'avais développé cette faculté à lire en même temps que je notais les cours et écoutais mon professeur. Je lisais le soir à défaut de regarder la télévision et me couchais parfois extrêmement tard si l'histoire me captivait.

Naturellement, j'avais sélectionné la filière lettres classiques option Latin et Grec ancien. Étudier ce pour quoi je vivais du matin au soir me semblait le meilleur choix, même si je n'avais aucune idée de quel métier exercer dans l'avenir.

Le principal problème de cette passion dévorante, c'était l'isolement. Alors que les jeunes de mon âge sortaient en boîte, à des fêtes, se réunissaient pour manger ensemble, visionner un match de foot, ou encore jouer à la console ou discuter en partageant des bières, mes soirées, je les passais avec un public différent : Franz Kafka, Emile Zola, Agatha Christie, Jules Vernes, Emilie Dickinson, Gustave Flaubert... C'étaient eux, mes alliés. Dans la vie réelle, je n'en avais qu'un. Il survivait à mon caractère renfermé, à ma timidité, à mon imagination débordante et à mon mutisme. Je parlais peu et j'intériorisais beaucoup. Je donnais rarement de nouvelle, je ne m'intéressais pas aux autres et surtout, je ne répondais jamais au téléphone. Pourtant, ce seul et exceptionnel ami ne m'avait jamais quitté.

Andrew était resté près de moi toutes ces années, et depuis mes 7 ans, il partageait mon quotidien. De deux ans mon aîné, il m'avait accueilli pour mon entrée à l'école élémentaire, mais lorsque j'avais intégré Columbia, je m'étais senti abandonné et isolé sans lui. Andy, quant à lui, pratiquait la danse contemporaine au sein de la prestigieuse Juilliard School de Manhattan.

Andy était diablement doué et passionné, mais il cumulait également son emploi dans la pâtisserie familiale, et je savais qu'un jour, sa décision briserait une partie de ses rêves d'enfant.

L'Envol du PapillonKde žijí příběhy. Začni objevovat