- Chapitre 31 -

57 9 1
                                    


J'avais passé un long moment à feuilleter le carnet de Timothy, tentant de rapprocher les évènements dans l'ordre chronologique en lien avec ses citations et ses poèmes. J'étais sûrement stupide, naïf et incroyablement fleur bleue, mais je voyais une relation entre ce que nous avions vécu et ce que je lisais sur ce vieux papier recyclé.

Le 7 juillet : « Tu es le premier à faire battre mon cœur le matin, et le dernier le soir avant de me coucher. Je t'aime comme j'aime certaines choses brillantes et indéchiffrables, entre la clarté et l'obscurité, entre le soleil et la lune ».

Le 4 août : « T'aimer, c'est être troublé l'intensité de tes yeux, mais aussi la saveur de ton verbe »

Et le 1er septembre, jour de mon anniversaire : « Je t'ai imaginé, je t'ai rêvé, et tu es apparu. »

Je refermai l'ouvrage en remerciant intérieurement Timothy de m'avoir permis de toucher du doigt son jardin secret. Les yeux dans le vague, j'observai la sphère argentée et floue de l'autre côté de la fenêtre, lorsque deux coups furent portés contre ma porte. Elle s'ouvrit avec fracas.

— Hey, Noah !! Ben est allé chercher des pizzas, tu viens manger ?

— Oui, j'arrive...

Il s'apprêtait à partir, mais je l'interrompis.

— Oh euh, Andy ?

— Oui ?

Je me redressai pour scruter sa silhouette piégée dans l'entrebâillement. C'est ainsi que je voyais notre relation. Dernièrement, Andy avait un pied dans ma vie, mais il restait sur la rive d'en face, avec tous les autres, sans moi. Est-ce qu'il allait refermer cette porte comme celle de notre amitié si je me livrais à lui ?

— Est-ce que... ça te fait plaisir que je sois là ?

Son visage changea et une ride barra son front. Il entra puis vint s'asseoir à côté de moi.

— Bien sûr, pourquoi je ne serais pas heureux ?

— Je ne sais pas... je te sens différent.

Il fronça les sourcils.

— Différent ? Différent comment ?

Je haussai les épaules, fatigué de chercher ce que je pouvais faire de plus pour me rattraper de ce mauvais pas.

— Depuis notre dispute, tu n'es plus le même... je le perçois. Tu es distant, tu ne... tu ne me protèges plus comme avant, et... je me sens s...

— Fautif ? Coupable ? Incroyablement supérieur et arrogant ?

Une lame me lacéra l'âme. Était-ce là l'image que je renvoyais ? Quelqu'un d'arrogant, orgueilleux, hautain et rogue ? J'étais dans un trou noir d'affliction, et en dépit de mes efforts à me sortir de cet état, je restais malgré moi au fond de cet abîme.

— Je... Andy, je m'en veux de ne pas t'avoir répondu, ce jour-là, tu le sais, et j...

— Oui, et moi je suis encore blessé par ton comportement. Ça ne s'effacera pas aussi vite, Noah. J'ai accepté de passer l'éponge, mais ne me demande pas de te traiter comme avant, avec autant d'insouciance. Les blessures sont parfois longues à cicatriser.

Je baissai les yeux, et triturai mes doigts entre eux.

— J'suis là, Noah. Mais je n'ai plus envie d'être le seul à faire des efforts. Je veux que tu prennes en compte ma vie, mes amis et mes émotions.

— Mais c'est le cas je t'assure.

— Si tu le dis...

Il se leva et rejoignit l'entrée, comme si ma peine ne l'atteignait pas. Andrew Pittman avait enfilé le masque de l'indifférence. Il paraissait flegmatique et impassible. Je ne savais pas qu'il était doté d'une capacité si marquée à se détacher. Surtout de moi. Je pensais que nous étions liés par une forte relation, que rien ne pourrait détruire ce qu'il y avait entre nous. J'étais accablé de constater que mes efforts étaient vains. Malgré ma bonne volonté, rien ne s'arrangeait.

L'Envol du PapillonWhere stories live. Discover now