L'Envol du Papillon

- Chapitre 33 -

J'avais très peu apprécié les propos de Timothy. J'avais été blessé qu'il puisse un jour imaginer le quitter alors que nous venions de nous donner l'un à l'autre.

Cependant, je ne lui en avais pas tenu rigueur. Il avait ses peurs, j'avais les miennes. Après m'être rhabillé, nous avions regagné le hall, et suivi les exclamations de la bande pour les rejoindre dans un salon où trônait un grand billard. Visiblement, la partie était serrée entre Harvey et Avery qui tentait de remporter la victoire pour son anniversaire. Harvey ne semblait pas vouloir céder, et Avery adoptait différentes tactiques. Il y avait là un véritable public composé d'Andrew, Rob et Benson.

Lorsque nous entrâmes, le silence se dressa au-dessus de nos têtes. Dérangeant, interminable, comme un long souffle de harassement.

— Vous étiez passé où ? demanda Andy l'air suspicieux.

— J...

— On a découvert une super grande bibliothèque ! devançai-je. Désolé, on s'est un peu perdu dans la contemplation de certains ouvrages... Vous faites une partie ?

— Ça se voit, non ? rétorqua sèchement Harvey.

— Vous voulez jouer ? proposa Avery.

— Non, merci... je ne suis pas très doué au billard... répondis-je en me tassant dans un coin.

Le rire d'Harvey résonna contre les murs.

— Ça m'aurait étonné...

Timothy haussa les sourcils, et le connaissant maintenant dans les moindres recoins, je perçus son agacement. La commissure de ses lèvres tressauta et ses épaules se tendirent sous sa chemise.

— Moi je veux bien, lâcha-t-il d'un ton calme.

Tous les regards convergèrent vers lui. Le visage d'Harvey se ferma, tandis qu'Avery s'avançait vers lui.

— T'es sérieux ?

— Oui. Je prends la suite du vainqueur.

Avery semblait content que l'un d'entre nous — à part Harvey — soit prêt à le défier. Il afficha un sourire satisfait, et lui tendit la main.

— Je marche !

— Et tu ne gagneras peut-être pas... c'est d'ailleurs mal engagé, riposta Harvey l'air moqueur.

— C'est ce qu'on va voir ! objecta Avery en saisissant sa queue pour se rapprocher du billard. Allez, joue au lieu de parler !

Timothy me rejoignit sur le grand canapé Chesterfield sur lequel j'étais installé à côté de Benson. Andrew s'était assis de l'autre côté et ne me jetait pas même un regard en coin.

La partie s'enchaîna entre Harvey et Avery, et la nuit nous enveloppa. La lune était haute dans le ciel et les étoiles perçaient les nuages pour s'étendre sur le manteau glacial de la Voie lactée. Je mordillai ma lèvre, mes yeux ne quittant pas le tapis où s'entrechoquaient les boules de couleurs. J'étais angoissé à l'idée que Tim prenne la relève et qu'il se place au centre de l'attention. Je craignais qu'on découvre notre proximité, que mon attachement à lui se lise sur mon visage et que la vérité explose. Avec ce que j'avais juré cette après-midi à Andrew dans la forêt, il ne m'aurait jamais pardonné. Pourtant, j'espérais encore retrouver une complicité fraternelle avec lui, et pouvoir lui faire part des changements qui avaient eu lieu dans ma vie.

Ce n'est que lorsque la victoire d'Harvey fut prononcée et que l'excitation éclata au sein du groupe, que je remarquai à quel point Rob était détaché. Ses yeux d'un vert sombre enchaînaient un ping-pong entre moi et Tim.