- Chapitre 37 -

39 8 0
                                    


Trois ans plus tard.

Je m'éveillai avec une migraine affreuse. Je rabattis la couverture sur ma tête en espérant ainsi me substituer au monde qui m'entourait et disparaître. Parce que dans mes rêves, la peau de Noah était toujours aussi douce.

Chaque matin, je me réveillai en ayant la désagréable sensation d'être vide, comme une coquille. J'avais froid, alors je m'enroulai dans la couverture pour masquer le monde autour de moi, l'occulter et étouffer avec, la souffrance qui gangrénait ma poitrine, chaque jour davantage.

Trois ans sans nouvelle. Trois ans d'absence, de vide et de manque. J'avais un trou béant au fond du cœur, je n'étais plus qu'une plaie suintante de regrets et d'amertume. J'avais perdu la seule personne qui était parvenue à me rendre heureux.

Pourtant je ne cherchais pas Noah. Je savais qu'il travaillait à vingt minutes de chez moi, et qu'il avait certainement un appartement dans l'Upper East Side, plus ou moins proche du mien. Par chance, New York était assez vaste et jamais nous ne nous croisions. Cependant, jamais il ne sortait de mes pensées.

Ce qui m'aidait à tenir le choc, c'était ce qu'il était devenu : un incroyable écrivain. Noah Lane avait percé parmi les auteurs, et s'était érigé au sommet de la littérature. Comme s'il avait pu en être autrement.

J'avais su dès les premiers instants passés en sa compagnie, que recelait en lui un fabuleux talent. Il suffisait qu'il prenne confiance en lui, qu'il s'ouvre au monde et à lui-même. Je lui avais donné toutes les clés, celles qu'il m'avait manqué à moi pour parvenir à trouver le bonheur. Je l'avais hissé à bout de bras jusqu'à l'apogée de son succès. Et lorsque ça avait mordu, j'avais laissé s'envoler mon papillon. Noah était sorti de sa chrysalide, et le monde méritait de le voir tel qu'il était ; incroyable et merveilleux.

Nous étions fin août. À vrai dire, nous étions le trente et un, la veille de son anniversaire, et je détestais savoir qu'il prenait un an de plus. J'avais la sensation de m'éloigner encore de Noah, alors qu'en réalité, notre écart ne se creusait pas, il restait le même avec le temps qui passe.

Je me levai et arpentai mon appartement, une tasse de thé noir à la main, puis je jetai un regard torve aux exemplaires de Mark qui trônaient fièrement sur ma bibliothèque. Est-ce que j'en étais satisfait ? Je l'ignorai. J'avais toujours écrit, peu importe ce que je pouvais ressentir envers mes écrits, j'avais cette nécessité que les idées quittent mon esprit pour s'échouer sur le papier. Une fois que c'était fait, je revenais rarement dessus, et j'oubliais l'histoire pour passer à autre chose.

J'avais sorti trois nouveaux tomes de Mark depuis ma séparation avec Noah. Je ne pouvais nier que mon écriture avait été salement influencée par mon histoire avec lui. Je peinais à trouver mes idées et à les formuler, pourtant, ça m'était égal. Du jour où j'avais posé les yeux sur lui, j'avais su que je me substituerais à lui. Que son talent et la nécessité qu'il soit connu de tous, valait que je m'efface. J'avais cédé ma place à Noah. Je lui avais servi la célébrité et le succès sur un plateau, et pour ça, j'en étais heureux. J'étais fier de ce qu'il était devenu aujourd'hui, et lorsqu'il apparaissait sur un rayonnage de librairie, je sentais mon cœur se réchauffer. Parce que je savais que toute cette souffrance valait le coup.

J'avais rencontré Noah à une séance de dédicace à Albertine, New York. J'étais à cette époque, quelqu'un de magistralement arrogant et suffisant. C'était ma façon à moi de me protéger. Je n'avais jamais été soutenu par mes parents où ma famille, et à l'heure actuelle, j'ai rompu tout contact avec eux. J'ai été traité de tous les noms, que ce soit concernant mes choix professionnels ou mon homosexualité. Alors j'avais fait ce que je croyais juste : je m'étais renfermé, et j'avais créé un personnage égocentrique, outrecuidant et rogue. Au même titre, j'avais créé le personnage de Mark qui ressemblait en tout point à celui que je désirais être.

L'Envol du PapillonWhere stories live. Discover now