- Chapitre 19 -

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Lorsque j'ouvris les yeux, je ne reconnus pas le lieu où je me trouvais. J'avais affreusement mal au crâne et à l'estomac, et j'étais transpirant. Par bonheur, la pièce dans laquelle j'étais était sombre, car d'imposants rideaux occultant bleu nuit avaient été tirés. J'étais dans un lit, vraisemblablement dans une chambre, mais pas la mienne.

Je me redressai pour observer autour de moi, mes mains enfoncées dans le sommier. Le lit était immense, recouvert de draps blancs. La tête de lit était capitonnée en cuir de couleur bleu roi. Des liserés dorés en faisaient le tour, et de gros oreillers sur lesquels j'avais envie de m'étendre encore de nombreuses heures, étaient disposés çà et là. Je repoussai les draps et posai un pied sur le parquet noble et exotique. Tiens, il m'évoquait celui de chez Timothy.

Timothy !!

La soirée d'hier me revint en mémoire, morcelée. J'avais des bribes de souvenirs sans arriver à relier le tout en une frise chronologique. Cependant, je me rappelais avoir bu quelques verres en compagnie d'Andy. Je me revis dans la voiture de Timothy, passablement furieux. Il me criait dessus sans que je parvienne à me remémorer ses paroles. Puis le coup de frein, et le trou noir.

Je me frottai les yeux et me levai pour faire le tour de la chambre. Il était 14 heures, et j'étais en jean et en t-shirt. J'avais atterri chez lui et je me sentais humilié. Je m'étais conduit tel un gamin, et il avait dû supporter mon état d'ébriété. Je n'avais aucun souvenir de ce que j'avais pu débiter comme stupidités. Je n'avais que ma honte et mes regrets.

Après avoir pris mon courage à deux mains, je sortis de la chambre discrètement, sur la pointe des pieds, et longeai le couloir en observant les fleurs dans le vase, ainsi que les tableaux accrochés au mur.

— Lane !

Je m'immobilisai et rentrai le cou dans mes épaules. Je pivotai pour me retrouver nez à nez avec Timothy. J'ouvris la bouche avant de la refermer. Il avait les cheveux en bataille, un pantalon de lin beige, un t-shirt blanc et il était pieds nus. Son visage semblait encore boursouflé de la nuit et ses yeux plus petits que d'ordinaire. Je ne m'étais pas non plus regardé dans le miroir, je ne devais pas avoir fière allure. Lui était sublime, même au réveil.

— Timothy...

— Est-ce que tu as pu te reposer ? questionna-t-il en glissant une main gelée sur mon front.

J'étais quoi, un rat de laboratoire ? Il me prenait pour une expérience ? Et pourquoi avait-il les doigts glacés alors que je suai comme un cochon ?

— Je, euh... je ne m'en souviens pas.

— D'accord. Est-ce que tu as faim ?

— Un peu... mais... qu'est-ce que je fais ici ?

Son regard s'assombrit et il détourna les yeux en enfonçant les mains dans ses poches.

— Tu ne te rappelles de rien ?

Je grimaçai en rougissant.

— Seulement quelques flashs.

— Hmm...

Il me jaugea un instant, puis me frôla.

— Suis-moi.

J'obtempérai et le talonnai jusqu'au salon. En journée, il était clair et lumineux. Les rideaux étaient retenus par des cordelettes dorées dont retombaient des pompons. Timothy m'invita à m'asseoir à la grande table rectangulaire en acajou, et sur laquelle était disposé un imposant petit-déjeuner.

— Sers-toi, fais comme chez toi.

Il saisit une théière anglaise en porcelaine ornée de fleurs roses, et se versa une tasse qu'il porta à ses lèvres en croisant les jambes, l'attention rivée sur moi. Je n'osais pas bouger, comme un enfant qu'on réprimande après une bêtise. J'étais pourtant un adulte révolu, j'étais libre de mes agissements, et je n'avais rien à lui devoir. Il était un des auteurs pour lesquels j'œuvrais durant mon stage, et à aucun moment je n'avais le souvenir de l'avoir appelé et lui avoir demandé de m'héberger cette nuit.

L'Envol du PapillonWhere stories live. Discover now