Au bord du vide

Chapitre 29

Anja.

Ses yeux rencontrèrent les miens, et mes sourcils se froncèrent instinctivement. 

Qu'est-ce qu'elle fichait dans le bureau de Clive ? 

Décalant légèrement ma tête, je croisai le regard de Clive derrière Anja. Il était assis derrière son bureau, une expression énigmatique flottant sur son visage.

Je me reconcentrai sur Anja et lui adressai un léger sourire pour la saluer, mais je ne pouvais m'empêcher de me demander ce que tous deux fabriquaient dans ce bureau à cet instant précis. Anja, se tournant vers Clive, lança d'un ton ironique :

-Quand on parle du loup, il apparaît subitement, dit-elle, puis se retourna vers moi avec un clin d'œil. Je vais vous laisser. À plus tard, ma belle.

Elle glissa à côté de moi, un frôlement léger effleurant mon épaule, avant de s'évanouir dans les méandres des couloirs. 

Je me réorientai vers Clive, pénétrai dans son bureau et refermai la porte derrière moi. Je pris place en face de lui, je ressentis son regard, scrutateur, intense. Ce n'était pas juste de l'observation, c'était une évaluation, presque prédatrice, captant chaque infime nuance dans mes expressions.

Croisant mes jambes, je le fixai droit dans les yeux, déterminée à paraître insensible, indifférente à ses manœuvres. Il esquissa un sourire en coin, comme s'il savait exactement ce qui se tramait dans mon esprit, et lança d'un ton feint d'innocence :

-Bien dormi ?

Je détectai immédiatement la subtilité dans ses mots, la référence à la soirée précédente. Mais je choisis de jouer le jeu, répondant sobrement :

-Très bien, merci.

Clive, s'appuyant contre son fauteuil, plissa les yeux légèrement en ma direction, comme s'il évaluait ma réponse, puis poursuivit d'un ton calme, mais chargé de signification :

- À quel point souhaites-tu te venger ?

Sa question était directe, inattendue. Je me figeai, perplexe, cherchant à déchiffrer ses intentions.

 Pourquoi cette interrogation, et pourquoi maintenant ? 

Mon regard se planta dans le sien, cherchant des réponses dans ses prunelles verdoyantes, alors qu'il se penchait légèrement en avant, laissant planer un suspense oppressant dans l'air.

-Je ne comprends pas, répondis-je finalement, ma voix trahissant à la fois ma confusion et mon inquiétude.

Clive, ne détournant pas le regard, posa ses coudes sur la table, intensifiant encore l'échange de regards.

- Veux-tu réellement te venger de Vassili ? Es-tu prête à apprendre à te battre, à survivre, à tuer ?

Mon esprit vacillait devant la question. 

Étais-je prête à tuer ?

 À mettre fin à la vie de Vassili ? 

La réponse, dans un coin sombre de mon âme, était un oui assourdissant. Cet homme avait détruit tout ce que j'avais de précieux, avait ôté la vie à ma famille. La vengeance coulait dans mes veines, irrépressible.

Je rencontrai le regard de Clive, affirmant silencieusement ma détermination. Mais son expression se durcit, sa réponse m'assaillant comme une vague glaciale.

-Non, je crois que tu n'as pas bien compris ma question, Mauraa, dit-il d'une voix calme, mais empreinte d'une gravité indéniable. Es-tu prête à plonger dans mon monde, à tuer, à torturer, à te délecter de la souffrance ? Es-tu prête à franchir les barrières du bien et du mal ?