Au bord du vide

Chapitre 42

Le temps s'était figé, suspendu dans l'attente de ma réponse. 

Les yeux de Clive, d'un vert hypnotique, ne cessaient de me fixer, scrutant mon âme avec une intensité déconcertante. 

Devais-je me laisser emporter par cette vague d'émotions qui bouillonnait en moi ? Étais-je prête à ouvrir mon cœur à nouveau, à risquer d'être brisée une fois de plus ?

Je sentais chaque fibre de mon être lutter contre cette décision imminente. L'idée de laisser entrer quelqu'un d'autre dans ma vie, avec tout le poids de son histoire et de ses démons, me terrifiait autant qu'elle m'attirait. 

Mais dans les méandres de mon esprit tourmenté, une voix susurrait que peut-être, juste peut-être, Clive représentait une lueur d'espoir dans l'obscurité de ma solitude.

Alors que j'allais enfin rassembler le courage de formuler une réponse, le propriétaire du restaurant nous interrompit en apportant nos plats. 

Un soupçon de frustration m'envahit, mais Clive, lui, resta impassible. Son regard brûlant continuait de me transpercer, me laissant sans échappatoire face à la vérité de mes propres sentiments.

Le propriétaire s'éloigna avec discrétion, nous laissant seuls dans un silence pesant. Mes lèvres s'entrouvrirent légèrement, cherchant les mots qui pourraient éclaircir l'incertitude qui planait entre nous. Les yeux de Clive, d'un vert intense, semblaient chercher quelque chose en moi, une réponse peut-être.

- Qu'est-ce que ça implique ?  demandai-je, mes mots empreints d'une curiosité mêlée d'appréhension. Si j'accepte de donner une chance à notre histoire, quelles sont les conséquences ? 

Un éclair fugace traversa son regard, comme s'il appréciait ma lucidité. Il prit une profonde inspiration, semblant peser ses mots avec précaution avant de répondre.

- Mes ennemis seront les tiens, et je dois t'avertir que leur nombre est considérable. Chaque fois que tu franchiras les limites de notre domaine, tu seras escortée, protégée, car la menace sera toujours présente. Il te sera impossible de quitter ce lieu, même si nos chemins venaient à se séparer, car tu détiendras des connaissances trop précieuses. Si jamais ces informations tombaient entre de mauvaises mains, cela mettrait en péril des vies. 

Il ponctua ses paroles d'un regard grave, insistant sur l'importance vitale de cette clause.

-Malgré ces contraintes, Mauraa, je t'offrirai un chez-toi. Tu seras maître des lieux, à égalité avec moi. Tes décisions seront respectées, ton autorité reconnue. Tu ne manqueras de rien. Je ne te promets pas le grand amour, ni la douceur constante, ni les petites attentions. Mais à mes yeux, tu seras bien plus qu'une simple présence. Tu seras une force, une part essentielle de ma vie. Tu ne seras jamais insignifiante.

Jamais insignifiante.

Ces deux mots résonnaient dans mon esprit, comme une promesse, une reconnaissance de ma valeur. 

La proposition de Clive était bien au-delà de ce à quoi je m'attendais. Il me promettait un chez-moi, une place où je compterais vraiment. Et malgré moi, je me laissais emporter par l'idée, par les possibilités d'un avenir que je n'avais jamais envisagé auparavant.

-C'est beaucoup, je veux dire, je partage les mêmes sentiments que toi. Mais j'ai besoin de réfléchir. Parce que tu n'es pas un homme ordinaire, et je suis consciente que officialiser notre relation aura des conséquences. C'est pour ça que j'ai besoin de prendre du temps pour y réfléchir.

Mes paroles, empreintes de sincérité, étaient le reflet de mes pensées tourmentées. Je devais peser chaque aspect, comprendre pleinement les implications de chaque décision. C'était un tournant dans ma vie, et je ne pouvais me permettre de le prendre à la légère.