Blue Wave

Drôle de genre !

Tandis que les anciens esclaves se jetaient à la mer et commençaient à escalader le Blue Wave , les deux hommes restant enjambèrent les cadavres sanguignolents des gardes et Fiday ramassa au passage la deuxième hache.

Léonore sauta à terre et s'élança vers le second, Greed, qui bataillait avec deux gardes portants des perruques et des chapeaux à plumes indiquant leur rang aisé dans la société. Le navire négrier était probablement un convoi plutôt important.

La demoiselle dégaina l'ancien sabre de Crow et attaqua le premier qu'elle força à reculer. Malheureusement pour elle, les cours qu'elle avait pris au château n'étaient pas suffisants pour vaincre un soldat expérimenté. Alors que son adversaire souriait, persuadé de sa victoire, elle se laissa glisser au sol et écrasa violemment le pied de l'homme qui hurla de douleur et se mit à sautiller à cloche-pied. Elle n'eut qu'à le pousser pour qu'il tombe, se fasse piétiner et ne bouge plus. Greed, qui s'était débarrassé de son adversaire s'apprêta à repartir à l'attaque mais Léonore le retint par le bras.

« Attendez, je vais avoir besoin de votre aide. ».

Fiday désigna du menton le voile séparant la cale d'un autre compartiment et se plaqua contre une caisse en bois. James Crow s'avança précautionneusement et passa sous le voile, son sabre dégainé pointé devant lui. Ce compartiment était vide mais il entendait plus loin des pas nerveux, probablement le dernier rempart de gardes entre les pirates et la cale.

James posa un doigt sur ses lèvres à l'intention de Fiday, qui dissimula tant bien que mal son imposante carrure derrière une étagère.

Le Capitaine Crow s'avança alors d'une démarche sûre vers les pas qu'il entendait, et proclama d'un air joyeux tout en pénétrant dans le dernier compartiment:

« Alors, les gars, vous attrapez du pirate? »

Les six gardes, qui étaient de dos, tournés vers l'entrée de la cale puisqu'ils ne devaient pas craindre une attaque intérieure, ne le virent d'abord pas. Un d'eux répondit:

« Rien à signaler, par contre, ça se bat dur là-haut.

- Ah, ouais, je crois bien que cet équipage négrier est en train se prendre une sacrée raclée! » acquiesça James.

- Qu'est ce que tu raconte? Et t'as une voix bizarre, t'as chopé un rhume?

- Absolument pas! Je me sens en pleine en forme! », répondit le Capitaine en assénant une claque amicale sur l'épaule du garde avec qui il discutait tranquillement.

Celui-ci se retourna alors et poussa une exclamation qui alerta les cinq autres.

Ils restèrent ébahis un long moment devant l'énergumène étrange qu'ils avaient devant eux, simplement vêtu d'un sarouel et d'une chemise à jabot trempée et collant à son torse. Mais l'étoffe écarlate qu'il portait à la ceinture et son comportement arrogant trahissait le respect habituel que lui vouait les autres, ainsi que son statut de capitaine.

Un pistolet argenté était accroché à une ceinture sur sa poitrine et un sabre à l'aspect déplaisant pendait à son flanc gauche. Pourtant, il avait les poings sur les hanches dans une attitude plus provocante qu'offensive, et un grand sourire barrait son visage.

D'un geste si rapide qu'il en parut flou, James Crow en abattit alors un à bout portant avec son pistolet à poudre et asséna son coude sur le visage du second.

Les autres sortirent alors de leur ébahissement et se jetèrent sur lui.

Crow para tant bien que mal tout en reculant, parvenant à en pourfendre un, avant que la pression exercée sur lui ne le fasse se replier et courir vers le deuxième compartiment.

Dès qu'il eut passé le voile, il vit la hache de Fiday s'abattre derrière lui et du sang gicla dans son dos, tachant sa chemise blanche.

Avec une vague grimace de dégoût devant les deux gardes décapités qui gisaient aux pieds de Fiday, James se retourna et constata avec plaisir que les deux derniers gardes reculaient devant le Géant Noir et le Capitaine fou, comme ils seraient plus tard surnommés par les négriers survivants.