Que l'aube soit rouge !

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Lorsqu'ils empruntèrent le chemin précédemment foulé par Crow, après que tout le reste de l'équipage à terre se soit joint à eux, ils découvrirent d'abord un bandit remuant faiblement dans les fourrés, puis la sentinelle, du sang dégoulinant de son front à son menton, inconsciente sur un buisson au pied de la tour de garde. 

Enfin, ils aperçurent leur Capitaine, placidement installé en regardant le ciel étoilé, le visage maculé de terre mais sans blessures apparentes. Ils poussèrent un cri de victoire et attirèrent l'attention de Crow qui sortit de sa rêverie. Ce dernier se suspendit à la balustrade, se laissa tomber et se réceptionna en roulade près de ses marins. Il examina le prisonnier et fit remarquer :

« Vous n'avez pas l'air de vous être trop amusés avec lui. C'est quoi ton petit nom ma jolie ?

- Haté... » marmonna l'otage avec un drôle d'accent.

Il devait avoir quelques années de plus que Crow mais semblait écrasé par le charisme et l'autorité dégagés par le Capitaine Pirate.

« Bien, Haté, tu vas nous montrer le chemin. Mais à la moindre hésitation, je laisse mes hommes jouer avec toi. Tu as dû te rendre compte qu'ils ont une sacrée imagination en matière de destruction.

- On te fera vomir de douleur et rebouffer ton vomi, pourriture. » confirma un matelot.

Haté frissonna et hocha vigoureusement la tête, soucieux de montrer qu'il allait coopérer. 

« Si lâche... » grommela Greed avant de reprendre : « Je propose qu'on se lance à l'assaut du temple, maintenant. » 

« En parlant de lâcheté, justement... » murmura Léonore pour elle-même.

Elle intervint :

« Partez devant, on vous rejoint dans une minute. » intima-t-elle.

L'équipage guetta l'approbation de son capitaine qui hocha sèchement la tête.

James plissa les yeux et, dès que ses marins se furent éloignés, se tourna vers la jeune femme et écarta les bras :

« N'ai-je pas fait ce que tu voulais, princesse ? Que vas-tu encore me reprocher ?»

Léonore secoua la tête et désigna le corps de la sentinelle.

« James, as-tu plus de valeur que cet homme pour lui infliger cela ?

- Ne te méprend pas, il n'y a aucune différence entre ce tueur et moi. Mais moi, je tue par nécessité, et non par plaisir.

- Regarde-le ! Tu as vu comme il souffre ! Tu n'as même pas une égratinure ! Je parie que tu l'as pris par surprise, dans le dos, sans même lui laisser une chance de se rendre.

- Tu aurais voulu que je le laisse me frapper d'abord ?

- Non. Mais vous auriez pu le menacer avec ces lames sur vos poignets et lui laisser une chance de se faire attacher et bâillonner, et sauver sa misérable carcasse.

- Tiens, vous recommencez à me vouvoyer maintenant ?

- Ne changez pas de sujet. Je ne plaisante pas.

- Mais moi non plus, très chère.

- Alors répondez. Défendez le peu d'estime que j'ai encore pour vous.

- Je n'y ai pas pensé, dans le feu de l'action. De toute façon, je ne comprends pas pourquoi vous avez tant de scrupules envers ces misérables crapules.

- Je veux être libre sans être égoïste. Je veux être impulsive sans être injuste. Vous pourriez être à la place de cet homme le jour où vous tomberez sur plus fort ou plus perfide que vous. »

James se tourna, déboutonna sa veste de Capitaine qu'il laissa tomber au sol et remonta sa chemise jusqu'à son cou. De longues et profondes cicatrices barraient son dos et s'étendaient telles les racines d'un vieil arbre entre ses omoplates. Léonore fit un pas en arrière, les yeux écarquillés.

« Je crois qu'en matière de perfidie, j'ai déjà trouvé pire que moi. » sourit amèrement Crow.

Il laissa retomber sa chemise de lin, ré-endossa sa tenue noire et écarlate et se retourna.

« Il est mort. »

Léonore, encore choquée, ne répondit pas. D'une voix indifférente, James reprit :

« C'est dommage, je voulais me faire un nouveau tatouage sur la colonne vertébrale. Tant pis. »

La jeune femme prit une longue inspiration et reprit :

« Je ne vous demande pas de ne jamais tuer. Je désire juste que vous ayez l'occasion d'offrir une chance de se repentir à ces hommes stupides.

- Si j'étais à leur place, je ne voudrais pas qu'on ose essayer de remettre en doute ma foi en mon propre choix de vie.

- Mais vous n'êtes pas à leur place.

- Oh et puis foutez-moi la paix ! Vous ne savez que me juger et me faire la morale ! » répondit Crow en levant les bras au ciel et en s'éloignant sans attendre de sa démarche chavirante.

À moitié amusée et moitié exaspérée par le comportement adolescent de James, elle emboîta le pas de ce dernier, la mine boudeuse.

Ayant rejoint l'équipage, Crow et la jeune femme ne s'adressèrent plus un mot, et Haté s'empressa de montrer le chemin à un Capitaine Pirate extrêmement énervé.

Ce dernier attrapa une branche et se hissa souplement dessus, dominant ses hommes. Il resta un moment là à humer la brise tiède puis se redressa sous les étoiles, le regard clair.

« Mes amis. Cette nuit va être une nuit de violence, de sang et de douleur ! Mais cela sera aussi une nuit de victoire, de délivrance et de puissance ! »

Les yeux de Crow se posèrent sur Greed.

« Certains d'entre vous me suivent depuis le début. Depuis ce jeune capitaine sans expérience que j'ai été. Je mourrai peut-être ce soir, alors je tiens, pour la première fois, à vous remercier. Sans vous, je n'aurai jamais pu nous porter tous vers la jouissance et la liberté. »

Le regard de Crow se posa sur chacun des marins présents, s'attardant pour scruter avec bienveillance leurs yeux, tandis que les hommes avaient l'impression qu'il sondait leur âme.

« Mais trêve de sentimentalisme ! »

Les muscles de James étaient désormais tendus, vibrant de l'impatience de se battre.

« Laissez échapper votre force, laissez vos réflexes prendre le dessus ! Ceux qui ne se sont jamais battus ne savent bien sûr pas de quoi je parle, mais tous ceux présents ici devant moi ont conscience de cette formidable sensation que l'on ressent lorsque la rage de vaincre prend le dessus. Tous. Ouvrez-vous à votre instinct et laissez tout le reste de côté... »

Le regard de James était maintenant posé sur Léonore qui ne broncha pas. 

« ... la morale est inutile face à la mort. »

La mâchoire de la jeune femme se contracta mais elle resta silencieuse.

Le capitaine savoura une longue respiration, l'adrénaline déferla enfin dans ses veines, et il leva les poignets, faisant vivement sortir ses lames d'avant-bras qui brillèrent sous la lune, éblouissantes et subjuguant les marins..

« QUE L'AUBE  SOIT ROUGE DU SANG DE NOS ENNEMIS !!! »


Je profite de cette publication pour souhaiter une bonne année à tous mes lecteurs. Honnêtement sans vous, je ne me serai pas cru capable de terminer une histoire ! J'ai plusieurs chapitres d'avance sur mes publications, et j'ai bientôt finit cette histoire, alors je vous remercie du fond du cœur pour ça. Pour la première fois de ma vie, je suis en passe d'achever quelque chose, et ça, je vous le dois beaucoup.

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