Pas de chance ! Mais pour qui, au final ?

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De nombreuses heures plus tard, il était assis en tailleur sur le sol détrempé de la cale, bercé par le mouvement des vagues, sous la surveillance d'un garde verdâtre qui ne semblait pas apprécier le roulis incessant de l'océan sous ses pieds. 

 On lui avait confisqué ses lames de poignets, ses bottes, son pistolet à silex et sa chemise.

« Hé ! Mon gars ! » lança James.

Le garde lui jeta un œil sous ses sourcils broussailleux mais ne lui répondit pas. Sans se décourager pour autant, James demanda :

« Hé ! J'ai envie de pisser ! Tu peux pas m'emmener à la poulaine ? »

Comme le garde restait de marbre, il ajouta :

« À moins que tu préfères que je me pisse dessus ? Déjà que ces vagues te font mal au cœur, je te laisse imaginer l'odeur en plus... »

À cette seule pensée, le garde devint aussi pâle que la mort. Il jeta un regard nerveux autour de lui puis fit lever James en brandissant sa matraque.

« Je t'y emmène, mais pas d'entourloupes, sinon tu vas déguster ! »

James Crow eut un sourire en coin.

La Reine, sachant très bien que l'impudent prisonnier était capable de pousser ses geoliers jusqu'à leurs derniers retranchements, avait retiré leurs sabres à ses garde et les avait armés de matraques et de bâtons, afin qu'ils évitent de le tuer par inadvertance. Elle avait besoin de lui pour retrouver sa fille.

Le garde le poussa brutalement hors de la cale. James avait attendu que la nuit tombe pour faire sa requête, afin que le pont soit désert.

L'homme le fit avancer jusqu'à la proue et descendre à la poulaine puis s'arrêta, semblant attendre. James désigna impuissamment ses mains attachées dans son dos.

« Tu veux que je fasse comment avec ça ?

- C'est ça ! Pour que tu essayes de me frapper à la première occasion? Pas question !

- C'est toi qui as la matraque, pas moi je te rappelle. Bon ben si tu veux pas me détacher, aide-moi alors... »

Le garde écarquilla les yeux.

« Ah non, je ne toucherai jamais un sale gueux comme toi !

- Bon, mon gars, on va pas coucher là. Alors soit tu m'aides, soit tu me détaches, mais magne, ça presse ! »

Le garde contracta la mâchoire et se pencha sur les mains liées de James. Il ne pouvait pas voir que le visage de celui-ci rayonnait.

Lorsqu'il eut les mains libres, James baissa son sarouel et fit mine de se soulager.  Comme le garde ne le quittait pas du regard, il haussa un sourcil et déclara :

« Joli matos, hein ? La vue te plaît ? »

Le garde, habitué aux manières courtoises de la cour, ne savait comment réagir devant une telle situation. Serrant les dents, il détourna le regard pour échapper à la gêne.

James n'attendait que ça.

À l'instant même où le garde détourna son attention, le poing du Capitaine Pirate vint cogner de toutes ses forces contre sa tempe. L'homme, étourdi par la vague de douleur, laissa tomber la matraque que James ramassa afin d'en asséner un bon coup au même endroit. Le garde glissa au sol, inconscient.

« Sale voyeur, va... » sourit James en massant ses poignets endoloris par les cordes trop serrées.

Il attendit que le sang revienne dans ses mains engourdies, puis il serra la matraque dans son poing et remonta sur le pont, à la recherche des canots  de sauvetage. En repérant un, il se hâta de dénouer les nœuds qui retenaient la bâche qui le recouvrait.

C'est alors qu'un jeune marin poussa la trappe des quartiers d'équipages en baillant à s'en décrocher la mâchoire.

En apercevant James, il écarquilla d'abord les yeux puis un léger silence vint planer entre eux.

Un ange passa.

James, suppliant, mit un doigt devant sa bouche, mais le marin se mit aussitôt à brailler. Un groupe de gardes débraillés sortit en brandissant leurs matraques et tombèrent sur James dans un concert d'exclamations affolées.

Ce dernier lâcha son arme, se roula en boule et protégea son visage de ses bras tandis qu'on le rouait de coups de bâton. Il crut que sa cage thoracique allait exploser et qu'il allait mourir sous la douleur, mais les chocs s'espacèrent finalement, le laissant haletant, recroquevillé sur les planches détrempées. Il lorgna sur une poussière, sous son nez et ricana douloureusement:

« Si j'étais à votre place, je balancerais le mousse par dessus bord, il fait très mal son boulot. »

Il reçut un ultime coup au crâne qui l'envoya au royaume des songes.

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