Juste comme cet oiseau bleu

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James, voyant que le vieillard peinait à respirer et ne faisait pas mine de bouger, le saisit par le col et le fit descendre à l'échelle :

« Grouille papy, on a pas le temps. » fit-il avant de sauter lui-même dans le liquide nauséabond de la cuve, mélange de déjections, de déchets de cuisine et d'eau de mer.

Craignant qu'un petit détachement de soldats ne persiste à les poursuivre, ils se hâtèrent de pénétrer dans le tunnel qui les amènerait à l'air libre.

C'était périlleux et épuisant car le liquide montait peu à peu de leurs mollets à leurs tailles puis jusqu'au torse de James et au menton du vieillard. Leurs pieds nus glissaient et s'écorchaient sur des objets non-identifiés, leurs muscles encore faibles étaient mis à rude épreuve, les odeurs leur montaient à la tête et les étouffait. La lumière ne semblait jamais se rapprocher...

James sortit de son apathie en entendant un silence étrange derrière lui. Il se retourna et constata que le vieillard flottait à la surface.

« Depuis quand je suis un gentil moi ? » grogna James en le hissant sur son épaule malgré son dégoût, et en vérifiant que le vieillard respirait toujours.

Ses poumons compressés par l'effort, il crut qu'il n'atteindrait jamais la sortie, mais lorsque les rayons du soleil vinrent se poser sur sa peau pour la première fois depuis des jours, il eut l'impression de renaître.

Il tituba jusqu'à un ponton de bois où il hissa tant bien que mal Homard, avant de lui-même s'y affaler. Il contempla autour de son torse les bandages souillés et ramollis par le liquide fétide et les arracha puis les jeta au loin.

La respiration du vieillard n'était plus qu'un filet d'air irrégulier.

« Je suis trop vieux pour toutes ces conneries... » haleta-t-il.

Il plissa les yeux et contempla le soleil levant.

« Tu sais quoi petit ? Je vais te dire un truc...

- Ah parce qu'on est amis maintenant ? Je croyais que je n'étais qu'une vil raclure agressive et sans cervelle...

- Et rancunier avec ça ! » ricana le vieillard avant de reprendre « En fait, j'attendais juste de pouvoir sentir une dernière fois un air léger, avant de partir... Je m'étais juré de ne pas crever seul dans mon putain de trou à rat.

- Vous êtes dehors. Et vous n'êtes pas seul. »

Les lèvres du vieillard s'étirèrent et il murmura avant de lâcher un dernier soupir :

« Bonne chance pour la suite petit... Quant à moi, je vais être libre, juste comme cet oiseau bleu. »

Sa tête retomba sur le pont. James Crow ne cilla pas, et se contenta d'abaisser ses paupières.


Que faire maintenant?

Blue WaveWhere stories live. Discover now