Chantage

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« Vous ne sortirez jamais d'ici... fit le vieillard d'une voix traînante.

- Hé, l'ancêtre, on t'a pas sonné ! Retourne dans ton trou ! » cracha James.

Mais Homard l'ignora, focalisé sur la jeune femme, ses lèvres retroussées sur ses gencives noircies.

« Que c'est beau l'amour... Ce vil pirate agressif et sans cervelle faisant preuve de douceur avec sa rose... »gloussa-t-il en louchant sur les doigts de James toujours délicatement posés sur les lèvres de la princesse.

Léonore détourna le regard, mi-écœurée mi-embarrassée. Elle murmura :

« Vous n'êtes qu'un pauvre fou...

- ... Qui a tout à fait raison ! » s'exclama joyeusement James en s'emparant des mains de Léonore.

- Hé ! Ne vous y mettez pas ! Ce n'était pas le sujet! » protesta-t-elle.

Cependant, elle ne retira pas ses mains.

« En effet, ma jolie, je vous disais que vous ne sortirez jamais d'ici...  À moins que vous ne m'emmeniez avec vous. »

James eut un ricanement sans joie.

« Je vous ai dit que vous resteriez moisir ici, et ce sera le cas. Vous n'êtes pas en position de quémander quoi que ce soit.

- Si vous ne me libérez pas, je hurle que la princesse s'échappe, jeune imbécile. » fit Homard avec un rire maléfique.

- Pas question sale...!! s'exclama-t-il furieusement.

- ...Calmez-vous, James. » murmura Léonore en serrant légèrement la main du capitaine.

L'effet fut immédiat et James Crow étouffa l'injure salée qu'il allait proférer.

Néanmoins, le vieillard gonfla ses poumons et ouvrit la bouche :

« Chut ! C'est bon, c'est d'accord ! » s'exclama-t-elle.

James lui jeta un regard furieux qu'elle soutint :

« Ravalez votre piteuse fierté pour une fois, nous n'avons pas le choix.

- Pas si vite ma petite dame ! Ouvrez-moi d'abord ! Rien ne me dit que vous ne vous enfuirez pas directement après avoir délivré le petit salopiaud.

- Puisque tu y tiens, je te le jure, vieillard. » cracha James.

- Non, pas toi, ta promesse n'a aucune valeur. Je veux sa parole à elle. » répondit Homard en désignant Léonore du menton.

Cette dernière contracta la mâchoire mais acquiesça.

Elle tira de sa cape un lourd trousseau de clés qu'elle avait subtilisé et s'accroupit pour insérer tour à tour chacune d'elles dans la serrure.

James était au supplice : il lui semblait entendre des pas dans l'escalier et des chuchotements furieux, tandis que la princesse semblait ne jamais trouver la bonne clé. Lorsque la grille s'ouvrit enfin, il chancela hors de sa cellule, les côtes encore douloureuses, tandis que Léonore s'affairait sur la serrure de la cellule voisine. Homard,courbé sous le poids d'années d'immobilisation, se traîna jusqu'au Capitaine et la princesse.

Des bruits de bottes ferrées martelèrent soudain le sol des étages du dessus.

« Et merde... »murmura la jeune femme avant de se tourner vers les deux prisonniers qui se défiaient du regard « suivez-moi ! »

Ils s'enfuirent donc à toutes jambes, le vieillard parvenant étonnement à suivre la cadence malgré ses jambes squelettiques et rabougris, les pieds nus des deux prisonniers laissant des traces de crasse sur le sol marbré. Léonore les menait par des couloirs sinueux, les faisant bifurquer de nombreuses fois, si bien que le Capitaine Pirate fut rapidement désorienté. À chaque embranchement, il craignait de tomber sur les propriétaires des bruits de bottes métalliques qui se rapprochaient d'eux, et son cœur battait la chamade entre ses côtes malmenées. Léonore freina soudain des quatre fers, tendit l'oreille puis fila à droite, tandis que les deux prisonniers tentaient tant bien que mal de suivre sa cadence effrénée.

Mais ce qui devait arriver arriva. Une horde de soldats surgit devant eux à l'autre bout du couloir, les sommant d'arrêter de fuir. Léonore saisit le poignet de James et les fit rebrousser chemin au pas de course,ouvrit une porte à la volée et bondit au bas d'un escalier. Elle se blottit dans un recoin et intima aux deux autres :

« Descendez par cette échelle et passez par l'évacuation, ils ne vous attraperont pas.

- Et toi Léo ? »

Les soldats se rapprochaient. Elle fit un clin d'œil et murmura :

« Je vais les faire tourner en bourrique encore un peu, je dois passer récupérer quelque chose, puis je vais passer par une cache trop étroite pour vous, et vous donnez le temps de sortir. Soyez prudents. »

Elle s'apprêtait à s'élancer, mais Crow la rattrapa par le bras :

« Et après ? Que faisons nous ?! »

Elle le regarda dans les yeux et haussa les sourcils :

« C'est vous le Capitaine, non ? »


Sur ces mots, elle disparut au coin du couloir.

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