Chapitre 6

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Point de vue de Louis

Je viens d'arriver au bar où je travaille, il est 15h, l'heure pour moi d'embaucher. Je me dirige vers les vestiaires pour poser mes affaires et enfiler ce charmant tablier rouge. Notez l'ironie. Je déteste ce truc, j'ai l'air d'un idiot. Si mes parents me voyaient en ce moment même, cela confirmerait ce qu'ils pensent de moi. J'entends de là les remarques de mon connard de père : «Regarde ça chérie, notre bon à rien de fils n'a pas été capable de trouver mieux que ce bar miteux pour faire la boniche», «Tu dois regretter maintenant de ne pas avoir écouté ton père» , «Tu avais un avenir si prometteur dans ma boîte et tu as tout gâché, regarde où tu es maintenant imbécile», «J'ai de la peine pour toi mon garçon»...Je serre les dents en terminant de nouer mon tablier. Qu'ils aillent se faire voir! J'ai mis du temps à prendre de la distance avec tout ça, mais à présent, je me fiche pas mal de ce qu'ils peuvent penser. Personnellement, j'aime ce bar. L'équipe est géniale, le patron est cool et les clients sont des perles. J'ai l'impression de me sentir à la maison. Enfin, pas réellement "à la maison", parce que chez moi, l'ambiance n'a jamais été aussi sympa. Loin de là, même! Mais je me sens bien, ici. Pour rien au monde je ne changerais de boulot, peut être que j'avais un avenir prometteur dans la société de mon père mais tout cela ne m'intéressait pas et il était absolument hors de question que je fasse quelque chose de chiant et ennuyant pour lui faire plaisir. Rien que le mot "père" m'écorche la bouche. Il ne l'est plus depuis bien longtemps à mes yeux. Lorsque j'étais enfant, nous étions très proches, je le suivais partout, il m'amenait avec lui au bureau, il m'apprenait tout un tat de choses et j'étais heureux. Mais au fur et à mesure que j'ai grandi, il a changé. Il devenait désagréable, méchant, aigri. Il me hurlait dessus sans arrêt pour que je travaille. «C'est pas comme ça que tu reprendras ma société plus tard, mon garçon. Fini les sorties, fini les pauses, fini internet. Maintenant tu bosses» Je passais mes soirées dans ma chambre à bosser, encore et encore. Je travaillais tellement que je finissais par m'endormir la tête sur mon bureau, et s'il s'en apercevait, il me hurlait dessus tellement fort qu'il ameutait tout le quartier. Ma mère, dans tout ça, ne bronchait pas un mot, elle ne s'occupait pas de moi, trop occupée à prendre soin de Lottie et à l'élever telle une parfaite mère de famille. Cela me rendait fou, non seulement moi j'étais enfermé dans ma chambre tel un prisonnier pour bosser mes cours jusqu'à épuisement mais Charlotte, de son côté, se tapait toutes les corvées ménagère et les repas chaque jour pour soi disant "apprendre à être une parfaite épouse". Elle avait à peine dix ans, merde!

Je suis sorti de mes sombres pensées par Anna, ma collègue, qui me dit que la table du fond attend sa commande. Je secoue la tête pour me remettre les idées en place mais c'est difficile. Difficile de passer au-dessus de tout ça, c'est ancré en moi et quoi que je fasse ça me revient sans cesse en pleine gueule. Je souffle et prends sur moi. «C'est du passé, C'est fini» : voilà ce que je me répète mentalement tout en récupérant le plateau posé sur le comptoir. Je me dirige finalement vers la table du fond, toujours légèrement perturbé par ce souvenir désagréable, et d'un coup j'aperçois cette touffe bouclée. Merde c'est Harry. Mon regard dévie sur la poussette à ses côtés : Harry et sa fille. Putain. Pas maintenant! J'ai apprécié que Eden s'endorme contre moi le 25, c'était agréable et je dois le reconnaître : elle est plutôt mignonne cette gamine. Mais aujourd'hui ce n'est pas un bon jour et je n'ai pas envie d'être désagréable envers eux s'il dit un truc qui ne me plait pas. Bon, je n'ai pas le choix de toute manière. Il faut bien que je fasse mon boulot. Je prends une grande inspiration pour me donner du courage et je l'appelle. Il relève la tête, l'air totalement ailleurs, et son regard se fige lorsqu'il tombe sur le mien. Surprise. Je fais comme si tout était normal et je lui sers son chocolat chaud. Le supplément chantilly me fait faiblement sourire. Harry est resté un enfant malgré le fait qu'il soit papa. C'est plutôt mignon. Il sort finalement de sa stupeur et me demande si je travail ici. Ben, ça paraît évident, non? Il en a d'autres, des questions idiotes dans ce genre-là? Je lui réponds avec une bonne dose de sarcasme, et sans le voir venir, je l'entends bougonner : «Toujours aussi con, ma parole» Quoi? Est-ce qu'il vient réellement de m'insulter? Comme ça, sans raison? Non mais il est pas bien ce type? Incapable de faire quoi que ce soit, je reste là, devant lui, comme un idiot. Je ne bouge pas, je le regarde seulement, les yeux écarquillés. Mais qu'est-ce qu'il lui prend enfin? C'était une simple blague. Merde! Voyant que je ne bouge toujours pas, il attaque une nouvelle fois et m'envoie chier. Pour qui il se prend putain? J'ai envie de lui faire avaler son sourire en coin et de lui retirer cet air hautain. Ça ne lui va pas du tout. Merde! C'est pas lui ça. Ce n'est pas le Harry que je connais. Quoi qu'en y réfléchissant bien, justement, je ne le connais pas. J'ai juste passé quelques heures avec lui le soir de Noël. Si ça se trouve, je me trompe complètement, et il est vraiment comme ça. Sortant de ma torpeur, je le dévisage à nouveau. Il me défie toujours du regard, avec cet air renfrogné et provocateur à la fois. Mais quel abruti! Je sens que s'il continue à me fixer comme ça, je vais finir par lui mettre mon poing dans la figure au beau milieu du café. Non, je ne dois pas faire ça! Il est hors de question que je provoque un scandale et que je me fasse renvoyer parce qu'Harry Styles est un mec complètement lunatique, capable de parler gentiment avec les gens un jour, et de les insulter sans raison le lendemain. Je serre les poings pour ne pas exploser. Je finis par tout laisser en plan, et par me barrer. J'ai pris sur moi là, et il peut me remercier d'ailleurs, parce que je me suis retenu. J'essaie de me détendre, je continue mon service en souriant comme si tout allait bien. Puis vient le moment où il se lève. J'ai plusieurs fois croisé son regard. A la lueur dans ses yeux et à sa manière de se mordiller la lèvre, je me demande s'il n'est pas en train de regretter son comportement. Il a cet air coupable des gamins qui ont fait une bêtise. Il semble presque triste...enfin je crois. Je n'en sais rien, en fait. Mais de toute façon, c'est trop tard. Le mal est fait. Tant pis pour lui. "Réfléchir avant de parler", il ne connaît pas? Oui bon d'accord, je ne suis peut-être pas le mieux placé pour dire ce genre de choses, sachant que j'ai été le pire des cons la première fois que je l'ai vu. Mais moi, j'avais des raisons d'être énervé. Sa gamine m'avait quand même vomi dessus. Alors que lui, c'était gratuit, son agressivité. Je ne lui avais rien fait! Bref, passons. Soudain, je le vois se diriger droit sur moi. Ce que je prenais pour un air coupable a complètement disparu, et il a de nouveau les sourcils froncés, comme quand il s'est mis à m'insulter. Je crois bien que je me suis fait des idées. Il ne regrette rien du tout. Qu'est-ce qu'il veut encore? En rajouter une couche? Non, merci. J'en ai eu assez pour la journée! Moi qui commençais presque à le trouver sympa, je me suis bien trompé. Dégoûté, je secoue la tête et me tire. Putain j'y crois pas! J'ai une forte envie de lui en foutre une. Je suis énervé. J'ai besoin de me défouler alors sans même écouter ma collègue qui m'appelle au loin, je descends directement au sous-sol ou se trouve un sac de frappe. Mon patron l'a installé ici parce qu'il sait que j'ai besoin de me défouler. J'arrive devant, je ne prends même pas le temps de mettre les protections. On s'en fout. Je frappe, je frappe encore et encore. De plus en plus fort, avec de plus en plus de hargne. Je grogne, je crie, je frappe. Ça fait mal mais je m'en fous. J'en ai besoin. Sa gueule d'ange apparaît dans mon esprit alors je grogne et frappe plus fort. Qu'il sorte de ma tête putain! Sans le voir venir, je suis tiré en arrière d'un seul coup. Je sais directement de qui il s'agit : John, mon patron. John est un gros baraqué qui fait au moins 2m et qui a des muscles en béton. Il a tout d'une grosse brute mais c'est un chamallow. Tout le monde ici l'appelle Nours. C'est quelqu'un de bien, et sans doute l'une des personnes qui me connaît le mieux. L'un des rares membres de mon entourage que je laisse s'approcher de moi. Il me serre fort contre son torse alors que j'essaie de me débattre. Les minutes passent et c'est peine perdue, je sais que je n'y arriverai jamais. Alors je cesse de gesticuler et je me calme en respirant fortement.

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