The Other Side (BxB) - Tome 1

XI. Pipe et Kebab

Je me demande encore comment j'ai pu me laisser embarquer dans une situation pareille. Comment j'ai pu accepter et comment j'ai pu... lui obéir.

« Tobias ? Est-ce que tout va bien ? »

Le fait de voir que trois pairs d'yeux me regarde avec autant de curiosité continue de me mettre mal à l'aise, sans compter le fait que Carl est parti je ne sais où et je veux en avoir fini avant qu'il ne me voie en compagnie de sa mère et de ses copines. Je ne peux pas lui faire ça. Il est vraiment ce qui se rapproche le plus d'un ami.

« Je suis désolé. Apparemment, j'ai dû mal à digérer le plateau de fruit de mer.

— Oh, mon pauvre, peut-être devrais-tu rentrer ? »

Rentrer.

Rien qu'à l'idée de croiser le regard de Nick, mon corps entier tremble. Je n'ai pas oublié ce qui venait de se passait dans les toilettes. Je n'ai pas oublié notre baiser. Son regard ardent.

« Ton visage est tout pâle, mon pauvre. »

Oui, mais ce n'est certainement pas à cause des fruits de mer en fait.

Tout est de sa faute à lui ! Quel crétin.

« Je vais sûrement rentrer, je m'excuse, je n'ai guère été d'une grande...

— Oh, mais ne t'excuse pas mon petit ! Je ferais certainement appel à tes services à nouveau. J'ai été charmé. »

Au moment même où je quitte ma chaise et m'apprête à sortir de la salle, Carl revient.

« Tu t'en vas ?

— Ouais... Je ne me sens pas très bien.

— Les fruits de mer ? J'en étais sûr ! Ils ne m'ont pas paru très frais.

— Un truc comme ça. »

J'ai un nœud à l'estomac.

« Tu as été plus lent à sortir que ce que j'imaginais. »

En parlant du loup, on en voit le bout de la queue. Nick est là, appuyé contre la portière d'une voiture, portant son petit sourire fier et ne cachant en rien ses intentions à mon égard.

« Tu m'attendais ?

— Je me demandais combien de temps il te faudrait pour rentrer. Est-ce que ce que je t'ai dit dans les toilettes t'a suffisamment motivé ?

— Rêve. Je suis pas au mieux de ma forme, c'est tout.

— À d'autre le numéro du malade imaginaire. Allez, monte. »

Mais mon corps se refuse à bouger. Mes pieds sont comme vissés au trottoir et Nick s'arrête de son côté de la voiture.

« T'attends qu'il neige ou quoi ?

— Tu savais que j'allais foirer ma première soirée, n'est-ce pas ?

— Disons que je comptais dessus.

— Pourquoi ? »

Il lâche un soupir, se passe la main dans les cheveux et se met à rire à gorge déployée.

« Tobias, Tobias, Tobias... Que vais-je faire de toi ?

— J'attends ma réponse.

— Monte dans la voiture et je te la dirais. Sinon, rentre à pied, toi qui vois. Ça va juste te faire un bout de chemin.

— Nick !

— Tu as dix secondes, le temps que le moteur chauffe. »

Étrangement, dès que j'ai entendu ce dernier démarrer, j'ai sauté dans la voiture sans même me poser la moindre question ou sans avoir une once d'hésitation. Je ne me reconnais plus. Je ne sais plus ce que je fais. J'ai l'impression de lui obéir au doigt et à l'œil pendant que lui s'amuse à me mener par le bout du nez.

« C'est tellement facile de t'avoir, je me demande comment tu as fait pour survivre jusqu'à présent par toi-même.

— J'avais mes moyens...

— Oh ? Je suis curieux de savoir lesquels, car pour qu'un gars n'ayant qu'une bourse d'études se fasse son bonhomme de chemin... C'est rare. Tu devais être la seule exception à cette école élitiste.

— J'ai fait ce que j'avais à faire pour y rester, c'est tout. Ne me prends pas pour un saint. Je n'en suis pas un.

— Loin de là. Je sais clairement qui tu es Tobias. »

Il défait sa ceinture alors que les lumières extérieures défilent à travers le vitrage teinté du véhicule

« Qu'est-ce que tu fais ? C'est hyper dangereux ! Rattache-toi !

— Quel rabat-joie ! Y'a un chauffeur qui a ses deux yeux sur la route, donc toi et moi, là tout de suite, on peut faire ce que l'on veut. »

Ses doigts habiles passent à travers le nœud de ma cravate tandis qu'il la défait d'un simple geste.

« On pourrait prendre de l'avance sur le reste de la nuit, qu'est-ce que tu en penses ?

— Arrête ça !

— Oh allez ! Juste pour s'amuser un peu.

— J'ai dit non. Ça suffit maintenant !

— Pourtant, tu ne m'as pas dit "non" dans les toilettes tout à l'heure. »

Dit-il avec sa moue boudeuse de petit garçon fâché tandis qu'il s'écarte pour retourner à sa place.

Et si je n'ai pas dit « non » c'est parce que j'ai été pris par surprise ! Ça ne compte pas !

« Au fait, comme ta première soirée était un échec cuisant, mais que ça t'a permis de faire tes armes, tu as un nouveau client.

— Quand ?

— Et moi qui pensais que tu allais me faire un scandale ! Tu m'étonnes...

— Je présume que tu ne me payeras pas pour ce soir, je ne suis pas con. Donc il faut que je rattrape le tir. Alors ? C'est quand ?

— Ce week-end. »

Au moins, j'aurai trois jours pour moi tout seul. Je vais pouvoir rester cacher sous les draps du lit à me morfondre et à me dire que je mène une vie misérable.

Papa. Maman. Je suis tellement désolé. Ce n'était pas censé se passer comme ça. Ça n'aurait même jamais dû se passer comme ça.

« Ton client, c'est moi. Tu vas m'accompagner pour une soirée. »

Pardon ?

« Et tu ne veux pas non plus une pipe et un kebab tant qu'on y est ?

— Bah maintenant que tu le proposes...

— MAIS JAMAIS DE LA VIE ! L'espoir fait vivre Nick, mais il y a des limites à ne pas franchir.

— Tu n'es vraiment pas joueur. Je suis déçu. Je boude. »

C'est ça, boude. Comme si ça allait me faire quelque chose.