XV. Du pareil au même

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Hé Nick, t'as déjà eu cette impression de vide en toi ? Comme s'il te manquait quelque chose ? Comme si, du jour au lendemain, un trou se formait à l'intérieur de toi et que, malgré tous tes efforts, tu ne puisses jamais rien faire pour le reboucher. Pour le remplir.

J'ai cette impression-là. Cette impression dégueulasse d'être faussement heureux.

C'est comme une drogue. Le bonheur, ça dure quelques minutes et après, ça se casse sans prévenir. Ça vous quitte et ça vous fait un mal de chien quand vous vous en apercevez.

Quand j'ai ouvert un œil, je me suis senti misérable.

C'est la deuxième fois qu'après avoir essayé de me tirer d'ici, j'y reviens. À croire que l'histoire se répète.

Dehors, la pluie fait rage et je crois même entendre le grondement du tonnerre. C'est de pire en pire.

Comme ce que je ressens.

Près de la fenêtre, il y a Nick. Ses cheveux sont complètement écrasés, il semble égoutté. Il est encore trempé.

« Nick...

— Non. Ne parle pas. Je ne veux rien entendre. »

Je ne saurais dire si sa voix tremble à cause de la colère ou à cause d'autre chose ? Forcément, j'ai joué l'idiot et il est encore venu me chercher. Il aurait très bien pu me laisser sous la pluie, sur le banc, mais il ne l'a pas fait. Il m'a ramené ici.

« Tu sais, quand Rachel m'a appelé pour me dire que tu étais parti précipitamment, mon cœur a raté un battement. Mais genre vraiment. Quand je t'ai retrouvé dans le parc après avoir cherché pendant près de deux heures, t'étais là, tout seul, recroquevillé sur toi-même, mon cœur a raté un deuxième battement. Puis t'es tombé, d'un coup. Là, j'ai cru mourir. C'est la première fois. La première fois que je ressens ça. Au début je me suis dit "laisse-le partir" et tu sais quoi ? Je crois que c'est ce que je vais faire. Je n'ai jamais eu l'intention de jouer les psychopathes à te séquestrer ici si ce n'est pas ce que tu veux Tobias. Je t'aiderais financièrement s'il le faut, mais si tu tiens tant à partir. Alors, va. »

Il marque une pause sans prendre la peine de se retourner vers moi. Le tonnerre couvre un bruit et s'il n'y avait pas eu l'orage, j'aurais presque cru entendre Nick renifler.

« Pars. »

À l'instant, j'ai moi aussi eu l'impression que quelque chose en moi venait de mourir. Comme une flamme qui s'éteint subitement.

Je me suis réfugié sous la couette sans rien dire et silencieusement j'ai pleuré. Je ne sais pas depuis quand ça a commencé, mais j'ai subitement pris conscience de toute l'importance que je lui donnais. J'ai réalisé que sans lui, je ne serais rien.

Au même instant, j'ai senti un poids sur le lit, comme si quelqu'un s'étalait sur moi.

J'ai chaud. Trop chaud.

« J'étouffe bordel ! »

Je sors de la couette et je le retrouve juste à côté de moi, son visage à quelques centimètres du mien. C'est la première fois que je croise des yeux comme les siens.

Sombres. Malheureux.

« Dis-moi Tobias, tu veux partir ? »

Sa main passe sous le drap et vient se poser contre mon bas ventre. Il la remonte délicatement, comme si ses doigts ne faisaient que me frôler la peau... pourtant, je le sens. À l'intérieur de moi, je le sens.

« Ce n'est pas ça, c'est juste que...

— Que quoi ? Vas-y dis-le moi, je t'écoute. »

Sauf que je sais très bien que non. Il ne m'écoutera pas. Il sait pertinemment que moi-même je vais me perdre dans mon flot de pensées.

Parce qu'il joue avec moi. Il s'amuse de moi.

« Je sais ce que tu fais Nick.

— Ah bon ? Tu sais ou tu crois savoir ? »

Son visage s'approche dangereusement et ma main vient alors se plaquer sur sa bouche.

« Je vais te contaminer avec mes microbes si tu t'approches plus.

— Je m'en fous. Je suis déjà malade. »

C'est vrai. Tout son être irradie d'une chaleur folle. J'ai l'impression d'avoir un radiateur humain dans le lit avec moi.

« Nick, tu es tout chaud !

— Oh oui ! Tu n'imagines pas à quel point !

— Je suis sérieux, pousse-toi ! »

Par réflexe ou inquiétude, je me suis libéré de sa main, lui grimpant dessus, allant jusqu'à prendre sa température en posant ma main contre son front.

« Tu as de la fièvre, je le savais ! Triple idiot quelle idée de rester trempé aussi !

— Ahaha !

— Et ça te fait rire. Franchement tu me désespères ! Bon, ne bouge pas, faut t'enlever tout ça.

— Ouuuh ! Tu vas me déshabiller ? C'est rare que tu prennes l'initiative.

— C'est la fièvre qui te fait délirer mon pauvre. Ne va pas croire que j'ai envie de toi. Je ne profite jamais des malades.

— Pourtant... Tu pourrais profiter de moi là, tout de suite, si tu le voulais. »

Et je mentirais si je disais que je ne le voulais pas. Je le veux. Je le veux terriblement.

« Hop ! Enlève tes bras de la chemise.

— Ouais !!! »

Nick malade, on dirait qu'il a l'âge mental d'un enfant de quatre ans. Il s'excite pour un rien, souris bêtement, plus que d'habitude, et s'agite dans le lit.

« Voilà, c'est mieux, couche-toi maintenant. Je vais demander à Rachel si elle peut appeler un médecin.

— Oh, mais tu es le seul médicament que j'ai besoin. Tu sais, j'ai eu mal au cœur toute la journée à cause de toi... Alors... Soigne-moi.

— Quand tu seras en meilleur état.

— Pff ! T'es même pas drôle.

— C'est ça. Allez, couche-toi et dors. »

Soudain, il attrape mon poignet et me regarde avec plus de sérieux tandis que sa poigne se resserre.

« Tu vas rester ? Tu vas veiller sur moi ?

— Je vais faire en sorte que tu ne meures pas dans ta propre connerie oui. »

Il pose sa tête contre l'oreiller et s'endort peu de temps après en murmurant quelques mots, qui, pour une raison que je connais bien, ont trouvé écho en moi.

« Reste avec moi... Ne pars pas... Ne me laisse pas. »

Au final, on était peut-être deux à ressentir la même chose. Deux idiots ne sachant pas comment communiquer et comment se dire les choses.

« Je resterais près de toi. Promis. »

Mes lèvres se perdent sur son front et étrangement, j'aime assez ce Nick-là.

L'enfant en détresse plein de tendresse.

The Other Side (BxB) - Tome 1Where stories live. Discover now