XXVIII. Les quatre vérités

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Je suis parti sur une base de préjugés. De bons vieux préjugés. Pour moi le métier de garde du corps s'étale à celui d'escorte, le même costume noir, sobre et classe, mais une oreillette en plus.

Je me suis gouré. Complètement gouré.

Garde du corps, ça s'étale à faire la nounou d'une gamine courant les magasins, le tout en portant tous ses foutus sacs.

« Oh viens, on va dans celui-là ! »

Je n'ai pas signé pour ça.

J'ai l'impression que depuis le début, tout ce que veut cette pauvre fille c'est un peu d'attention et un garçon qui lui dise que non, de toute évidence, cette robe à pois est un mauvais choix. En plus, les couleurs sont fades.

« Hé Tobias ! Tu en penses quoi ? »

Elle se pavane devant moi, agitant ses cheveux de part et d'autre sous mon nez comme pour attirer l'attention alors que tout mon corps, lui, réclame de pouvoir se jeter dans l'un de ces fauteuils se trouvant juste devant les cabines.

« Alors ? Je ne vais pas y passer la journée tout de même ! »

Suis-je censé répondre ? Même à ça ? Quelle sorte de torture est-ce ? Cela m'insupporte assez quand Nick se prend pour le dernier styliste du coin, mais sa sœur jouant le mannequin, ça achève ma journée.

« Franchement, tu pourrais faire un effort !

— Qu'est-ce que tu veux que j'y fasse ? J'y connais rien en fringue, OK ? Et tu commences sérieusement à me casser les couilles avec tes caprices de gamine. Je suis pas ta copine avec qui faire du shopping et si je suis là, c'est juste parce que l'argument "Nick" pèse haut dans la balance. Maintenant, si t'étais un peu moins une grosse connasse et que t'essayais de sortir de ta tour Raiponce, peut-être que t'aurais des amies avec qui sortir et faire ce genre de chose et je suis presque certain que ça serait plus agréable pour les deux parties ! »

Ah. Ça fait du bien. Depuis le temps que j'attendais de lui balancer ça.

Prends-toi ça dans les dents mini Cruella avec tes fausses fourrures.

Du coup, la pauvre fille se retrouve à me dévisager, les yeux larmoyants.

C'est ça, chiale, tu pisseras moins.

« Quoi ? Tu vas pleurer et bouder ? Bah boude putain et lâche-nous la grappe ! Franchement, je ne sais pas ce que vous avez dans votre famille, mais va falloir régler vos petits problèmes d'égo. Vous avez rejeté Nick. Vous le traitez comme un moins que rien. Comme une merde et au final, vous utilisez son propre bonheur contre lui. Mais laissez-le tranquille putain ! S'il ne compte pas pour vous, alors pourquoi vous vous acharnez comme ça ?

— Il compte. »

Pardon ?

Qu'est-ce que tu as dit là ? Vas-y répète, je ne crois pas avoir super bien entendu.

« J'aimais Nick. Vraiment. Mais Maman et Marley... Ils sont... Ils ne sont pas comme moi, tu comprends ? Il faut toujours aller dans leur sens. Toujours tout faire comme ils souhaitent. Dire oui à tout. Être ce qu'ils espèrent que tu sois. Faire ce qu'ils attendent de toi. Alors quand j'ai vu Nick venir au repas après tout ce temps et le voir aussi calme, j'ai très vite compris que ça venait de toi. »

Calme ? Nick a juste fait l'éponge pour mieux se replier sur lui-même sous la douche et pleurer, déchiré par tout le mal que lui a fait et que continue de lui faire cette soi-disant « famille ».

« Je veux être heureuse moi aussi.

— Bah désolé, je ne suis pas ta marraine la bonne fée et je ne peux pas exécuter ton vœu. Démerde-toi. Le bonheur il n'apparaît pas d'un claquement de doigts, mais par contre, si tu te sors les doigts du cul, il peut se pointer à ta porte. Tu vois ? C'est ça la vie. »

Au fond, j'ai l'impression de me redécouvrir dans mes mots, ou du moins, je ne me reconnais pas. Je ne m'attendais pas à être aussi virulent avec elle, mais ce n'est pas non plus comme si j'allais lui montrer mon plus beau sourire.

Après le coup qu'elle m'a fait, elle ne mérite certainement pas. Oeil pour œil... dent pour dent.

Malgré toute sa mine attristée, elle s'enfuit dans les cabines tandis que mon corps se laisse tomber de lui-même dans le fauteuil en face, laissant les sacs de l'autre côté.

« Il aurait été fier de moi. »

S'il avait pu assister à la scène.

Ou alors il se serait contenté de me regarder du coup de l'œil avec son air désapprobateur en me disant « c'est quoi cette façon de parler ? »

Je t'emmerde. Ma façon de parler t'emmerde aussi.

« Bon, t'as fini ou pas ?! C'est pas tout, mais je n'ai pas que ça à faire ! »

En m'avançant vers les cabines, je m'aperçois que tous les rideaux sont tirés.

« Élisabeth ? »

Personne.

« T'es là ? Je te préviens, à poil ou pas, j'entre. »

Mais rien.

Il n'y avait plus personne. Personne sauf moi.

Où est-elle allée encore et comment a-t-elle pu me filer sous le nez ?

Certains égarent des montres, des clés, des portefeuilles... Moi, je perds la sœur de mon mec. De mieux en mieux mon job de nounou, de mieux en mieux.

The Other Side (BxB) - Tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant