XXXVIII. Dans un océan de pensées

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Je crois que j'ai pu terminer mon histoire au bout de trois bières que mon corps tolère beaucoup mieux que cette horrible liqueur dont seul Nick avait eu le chic de supporter cette autre fois dans le bar, le tout accompagné de deux paquets de chips. Je lui ai absolument tout raconté, et ce, dans les moindres détails. Je n'ai pas honte du parcours que j'ai eu, ni même des choix que j'ai faits ou encore des décisions que j'ai prises, ce que je regrette c'est d'être incapable de vivre au futur. Je vis au jour le jour en me disant que c'est mieux comme ça. Je ne pense pas à demain, j'essaye de l'éviter au possible parce qu'honnêtement, ça m'effraie. J'ai peur. Peur de ce qui pourrait arriver. Peur de ce que je devrais faire.

Alors sous le regard estomaqué de Carl, je m'allonge sur le canapé et je garde le silence.

« Wow... C'est... C'est... Intense.

— Ouais...

— Et Nick est...

— Ouais...

— Mais du coup, maintenant, tu vas faire quoi ?

— Pas la moindre idée. »

Pas la moindre foutue idée. Je suis là allongé comme un pacha de tout mon long en me tapant le fond du paquet de chips, en me disant que dans deux heures j'aurais tellement mal au bide que je pourrais exploser, mais c'est tout. Je ne fais rien d'autre. J'évite de penser à Nick. En fait, je ne veux pas y penser tout court. Je lui en veux à ce petit con.

On s'est souvent battu ou disputé depuis que l'on cohabite, mais là, je crois que c'était la goutte de trop. Le seul truc que je pouvais pas tolérer. Il n'avait pas à choisir pour moi sans m'en parler.

« Bon en tout cas, tu peux rester là le temps de réfléchir à tout ça tranquillement.

— T'es sûr ? Ça te gêne pas ?

— Non et puis, je dois bosser pour mes examens donc t'inquiète. Tu me dis juste si tu veux quelque chose.

— T'es vraiment un type bien Carl. Je m'en veux de t'avoir caché tout ça...

— Je comprends et honnêtement ? Je crois que j'aurai peut-être fait pareil. »

Ça me rassure qu'à moitié. J'aurais dû lui dire à l'instant même où l'on s'est croisé dans cet hôtel. J'aurais dû vider mon sac au lieu de tout garder pour moi.

Nick.

Sa famille de tordue.

Bosser comme escorte débutant, même si ce ne fut pas pour très longtemps.

Tout.

Il retourne dans sa chambre et me laisse seul dans le salon avec les cadavres de canettes et de miettes de chips traînant au sol. En plus, je lui pourris sa chambre. Je suis vraiment un type lourd. Une sangsue.

Je devrais me casser d'ici au plus vite.

Néanmoins, j'ai beau faire mon malin, à chaque craquement du parquet, je me suis retourné comme un con en me disant que j'allais apercevoir Nick venant me récupérer. Mais non. C'est juste un bruit qui me monte à la tête. Nick n'est pas là et si ça se trouve, il ne viendra même pas. Je ne sais pas trop à quoi je m'attends avec lui.

« Tobias... Tobias...

— Hmm ? Quoi ? Qu'est-ce qu'il y a ?

— Tu ronfles un peu trop fort.

— Oh... Désolé. »

Je ne savais même pas que je ronflais. Je présume que c'est parce que je suis crevé. Ces derniers jours n'ont pas spécialement été de tout repos et on ne peut pas dire que Nick ménage mes nuits non plus. Bien au contraire.

« Je vais aller faire un tour.

— À deux heures du matin ? T'es fou ou quoi ?

— J'ai besoin de prendre l'air, je reviens promis. »

De toute façon, ce n'est pas comme si je pouvais me tirer d'ici, je n'ai nulle part où aller. J'ai juste besoin de prendre un bol d'air frais. Besoin de faire le point. Je dois vraiment me poser et réfléchir à quoi faire.

Reprendre mes études ? Et puis quoi encore. Cette école de cinglés m'a jeté dehors et a posé leurs grosses couilles en or sur mes rêves, ce n'est pas comme si je tenais à y retourner, mais d'un autre côté, Nick a certainement dû faire des pieds et des mains pour m'obtenir cette chance unique. Je pourrais y aller, tout reprendre là où je les avais laissés, avoir mon diplôme et montrer à ses bouseux de merde que finalement, j'y suis arrivé. Je pourrais et honnêtement, c'est ce qui me paraît de loin être la meilleure idée qui soit, mais ça serait encore me reposer sur Nick et ses énièmes faveurs.

Je ne veux pas de ça. Je ne veux pas vivre comme son petit gigolo qu'il entretient avec son argent. Je veux qu'il me considère autrement. Je pensais que sur ce point-là, c'était clair entre nous. Je pensais qu'on ressentait la même chose, qu'on pensait la même chose, mais comme d'habitude, je me suis peut-être un trop emballé pour rien. C'est mon éternel défaut ça !

Pas loin de la résidence de Carl, y'a un parc pour gosses. À cette heure-ci, y'a personne à part quelques personnes étranges et un ou deux drogués, mais j'aimais bien venir ici avant. Me poser sur un banc et regarder. Mes parents m'emmenaient souvent dans un parc comme celui-là. On jouait, on riait et je me disais que je les auraient toute ma vie avec moi. Chienne de vie !

Quand j'y pense, je me dis que je suis juste paumé et là, tout de suite, j'aimerais bien que quelqu'un me remette sur la bonne voie, ou au moins qu'on me l'indique. J'ai vraiment pris l'habitude que l'on me tienne par la main il faut croire, c'est terrible.

Et Nick, est-ce qu'il viendra me chercher ? 

The Other Side (BxB) - Tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant