XVIII. Au son des vagues

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Il y a des gestes, des mots, que l'on regrette avec le temps. Ceux qui nous échappent, à nous et à notre contrôle et qui sortent prématurément sans que l'on puisse avoir le temps d'y penser. Non, on y pense après. Quand c'est trop tard.

Je ne sais pas si je regrette mon comportement vis-à-vis de Noah, à vrai dire, j'en rêvais et sur le moment ça m'a fait un bien fou de lui coller mon poing dans sa figure en lui effaçant son air suffisant, mais peut-être regrettais-je mon comportement vis-à-vis de Nick. Je me dis que j'aurai pu rester loin de l'école et du campus. J'aurais même dû en fait.

On dit que le criminel revient toujours sur la scène de crime et je crois que c'est vrai.

Mais ça m'a énervé. Savoir qu'ils vivaient tous heureux et qu'au final, mes quatre ans là-bas n'ont marqué personne. Je ne manque à personne. C'est triste, mais c'est comme si mon départ n'avait rien changé. On ne s'est pas stupéfait, ni même choqué qu'un énième étudiant disparaisse. On s'en fiche. On fait sa petite vie parce qu'il n'y a que sa gueule qui compte.

C'est du chacun pour soi. Au fond, je l'ai toujours su, mais j'aurai eu espoir que quelqu'un viendrait pour moi, pour me dire « Tu nous manques ».

« Je viens en paix. »

Nick m'a suivi jusqu'au port, je le savais. Il a gardé ses distances, marchant derrière moi, mais une fois que j'eus quitté le campus, il m'a suivi jusqu'ici. Jusqu'aux rochers sur lesquels se jetaient les vagues.

Je me rappelle que je venais souvent ici, avant. Je venais me calmer, m'apaiser l'esprit. Je me demandais s'il n'y avait pas une vie meilleure qui m'attendait de l'autre côté de l'immensité de l'océan.

Nick s'assoit alors à côté de moi sur une pierre et me tend un sac plastique contenant un pack de bières.

« Soignons le mal par le mal. Sauf si tu veux encore m'en coller une... Moi qui te prenais pour un petit gringalet, t'en as dans le pantalon finalement.

— Je suis désolé. »

Peut-être que lui ça le fait rire et qu'il s'en fout d'être dans la merde, après tout, on parle de Nick là. Il devrait même en avoir l'habitude de ce genre de situation, mais au fond, ça me gêne.

« Pourquoi ? Pour m'en avoir mis une ? Je t'ai frappé le premier.

— Du coup, t'es suspendu...

— Bof. Tu sais, l'école pour moi c'est couci, couça. Je ne brille pas par mon assiduité. Puis ça me fait des vacances loin de ces petits bourgeois de merde.

— Dit-il alors qu'il vit dans une maison énorme.

— C'est vrai... Mais tu sais Tobias, l'argent ne définit pas une personne. Moi si je pouvais, je donnerais ma place au premier qui la voudrait. »

On trinque devant les vagues, laissant le bruit de l'océan combler le silence de notre conversation.

« N'empêche, je t'ai pas loupé. T'as un repas demain non ?

— ON a un repas et je cacherais ça avec le fond de teint de Rachel. Elle a l'habitude maintenant.

— Je peux te poser une question Nick ?

— Vas-y...

— Comment tu as connu Rachel ? Je veux dire, vous avez quel genre de relation ? »

Il pose sa bière et me dévisage du coin de l'œil avec un petit sourire en coin, posant sa main sur mon épaule.

« Tu es jaloux ?

— Même pas en rêve. Je suis curieux.

— Hmmm. Comment t'expliquer ça ? Peut-être que le mieux c'est de voir ça par toi-même demain. Je pense qu'il y a plein de choses que tu commenceras à saisir.

— Tu vas me payer ?

— Tu ne perds pas le nord toi !

— Bah quoi ? Je demande, c'est tout !

— Théoriquement, je suis ton patron, pas ton client, mais exceptionnellement, je ferais un effort. Si tu fais un assez bon travail, je te donnerais quelque chose.

— Inutile de me faire ce petit sourire lubrique, je ne prends pas le paiement en nature.

— Crois-moi, tu finiras par y prendre goût.

— Ce n'est pas avec le sexe que je vais réussir à refaire ma vie.

— Tu pourrais être gigolo.

— Non merci ! »

Je ne sais pas vraiment ce qui nous attend à ce repas, ni même pourquoi Nick m'a demandé de l'accompagner. Tout ce que je sais, c'est qu'à chaque fois qu'il en est question, son regard se perd dans le vide comme s'il cherchait lui-même à oublier ce qui nous arrivait droit dessus.

« Tobias, t'es prêt ?

— Cinq minutes, j'ai presque fini. »

Alors qu'il est encore torse nu, ne s'étant donné la peine que d'enfiler un pantalon, Nick se tient contre l'encadrement de la porte de de ma chambre en me regardant amusé, tandis que je bataille avec mon nœud de cravate. Un jour, peut-être, j'y arriverais du premier coup.

« Au lieu de te foutre de ma gueule, tu pourrais m'aider.

— Demande-le plus gentiment et peut-être vais-je l'envisager.

— Tu fais chier... »

Pourtant, un soupir m'échappe et je me retourne vers lui.

« Nick, s'il te plaît, aurais-tu la bonté et l'extrême gentillesse de bien vouloir m'aider à faire mon nœud de cravate avant que je ne m'étrangle avec ?

— Tu vois quand tu veux ! Bon, ne bouge pas. Lève la tête. Déjà, tu as mal boutonné ta chemise. »

Il passe ses doigts à travers les boutons du vêtement, le faisant délibérément et en pleine conscience de l'effet qu'il pourrait me faire à travers cette simple caresse.

Je ne craquerais pas. Non, non. Je suis plus fort que ça.

« Tu n'es même pas drôle.

— Je sais à quoi tu joues et il est hors de question que je rentre dedans. En plus, avec tes conneries, tu vas nous mettre en retard.

— Franchement, on peut bien avoir dix minutes de retard. Personne ne s'en apercevra.

— Nick... C'est moi où tu ne veux pas y aller ? Qu'est-ce qui te fait peur ? »

Il reboutonne le tout correctement, s'applique sur le col de la chemise, fait le nœud de ma cravate et pose sa tête sur mon épaule.

« C'est un repas de famille. »

Je crois que je ne suis pas prêt pour ça. 

The Other Side (BxB) - Tome 1Where stories live. Discover now