XXXIX. A l'aube du combat, nos cœurs palpitent

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J'ai eu toute la nuit ou ce qui m'en restait pour me décider sur quoi faire : rester à squatter le canapé de Carl ou foutre un pied sur le campus de l'école. Une grande partie de moi se refusait à y retourner pour la simple et bonne raison que cela serait obéir à Nick et à ses désirs. Et puis je n'ai pas envie non plus de repasser le bas de la porte, la queue entre les jambes. J'ai perdu ma bourse et là, comme par hasard, je suis repris juste parce que Nick l'a demandé ? Non, non. J'ai beau être stupide, je ne suis pas con. Je sais que ça ne marche pas comme ça et c'est ça qui m'énerve. C'est que je sais qu'il y a eu un prix à payer et j'ignore lequel.

J'ignore ce que Nick a dû faire ou dire pour convaincre le gratin de l'administration de reprendre un cas social comme moi.

Ça me fout les boules. Qu'il ait dû marchander, troquer, accepter je ne sais quoi, et tout ça parce qu'il a pensé que c'est le mieux à faire pour moi. Je suis pas d'accord. Ni avec sa façon de penser ni avec sa façon de faire. Avec rien. Sur ce coup là, il m'a fait un petit dans le dos.

« Tu comptes au moins te laver ou pas ? »

Mon regard se pose sur Carl, sortant de la salle de bain, serviette autour du cou, me fixant avec l'air le plus interrogatif qu'il soit.

« Je suis une larve.

— Oui bah ça, il ne faut pas être né de la dernière pluie pour s'en rendre compte. Mais tu sais une larve, ça évolue au bout d'un moment.

— Pas moi. Je veux rester là. Toute la journée. Je ne veux pas bouger. Je veux larver. Tu crois que ça peut devenir une occupation à plein temps ?

— Ça fait déjà une semaine, donc je pense... »

Une semaine.

Et il n'est toujours pas venu. Il ne cherche même pas à avoir de mes nouvelles. Rien. Il s'en fout si ça se trouve. Il doit se dire « bon débarras ». Quel connard.

« Tobias, va au moins prendre une douche.

— J'ai rien à me mettre, je vais pas ressortir le cul à l'air.

— T'as laissé des fringues dans des cartons là.

— Ah ouais ? J'ai été intelligent à ce point-là.

— Faut croire que t'es pas con. »

Là, je m'aime.

J'ai oublié que j'avais laissé la quasi-totalité de mes affaires à Carl en attendant que je puisse les récupérer. Je n'ai même pas pris le temps de regarder ce que j'avais laissé depuis. Ça me manque un peu tout ça, il faut dire.

Voilà ce qui me motive à quitter le canapé : ouvrir des cartons comme un gosse déballant ses cadeaux de Noël, même si je sais pertinemment ce qu'il y a dedans. Des bricoles, des bibelots, des photos de mes parents.

« Waw... Qui c'est là ?

— Ça ? C'est ma mère. Elle était jolie, hein ?

— Ouais... Ton père était pas mal non plus. Pas étonnant en voyant ta tête de toute façon. T'as de bons gènes.

— Pourquoi tu dis ça ?

— Te fous pas de moi, tu vas me dire que tu sais pas que t'es mignon ? »

Si j'écoute Nick, je suis un « sac à patates », donc on ne peut pas vraiment dire que c'est ce qui m'aide vraiment à me faire idée de moi-même et puis quand bien même, je n'ai jamais été très regardant sur mon apparence physique. Je m'en fous un peu. Beaucoup même.

« Bon, va te laver. Et rase-moi ces trois poils qui se battent en duel aussi sur ton menton.

— Ça fait viril !

— Ça fait rien du tout à part que tu ressembles à une serpillère. D'ailleurs, t'en as l'allure. »

Toujours le mot amical qu'il faut.

Mais il n'a pas tort. J'ai une sale gueule. Plus qu'habituellement je veux dire. On dirait que je n'ai pas dormi depuis trois jours vu les valises que j'ai sous les yeux et puis cette coupe de cheveux mon dieu... Même un savant fou n'a pas une touffe pareille. Waw... Alors c'est ça de vivre sans Nick ? C'est ça d'être « livré » à soi-même ? Enfin, je l'étais avant, mais il n'y a que Nick pour me dire « Rase-toi », « Coiffe-toi », « Arrête de faire ça ». Il n'y a que Nick pour faire attention à moi... Pour me trouver beau.

En sortant de la douche et en me regardant de nouveau dans le miroir, c'est en affrontant mon reflet que je prends conscience qu'en fait, cette situation, c'est tout ce que j'ai toujours voulu depuis le tout début : me libérer de Nick. Avoir ma petite vie à moi. Je devrais en profiter et pour tout reprendre.

Il est hors de question que je refoute les pieds dans cette école de tarés aux culs dorés. Plutôt crevés. Je ne sais pas encore ce que je ferais, mais je trouverais, je suis loin d'être bête et y'a toujours besoin de mains quelque part.

« Tadam ! Regarde-moi cet homme.

— Tu brilles tellement tu es propre ! Jamais vu ça.

— T'as vu un peu ? Pas mal, hein ?

— En plus, tu sens bon faute de sentir le vieux pet.

— Face de prout toi-même hé ! »

Qu'est-ce que j'aurai fait sans Carl cette dernière semaine ? Aurais-je été dans le même état ?

« Et maintenant ? C'est quoi le plan ?

— Le plan de ?

— Tu sais, je t'aime bien Tobias, mais tu peux pas squatter mon canapé indéfiniment.

— Ça, je sais... J'sais pas, faut que je trouve un boulot, je présume.

— Oh ! Ça tombe bien que tu dises ça ! J'ai pensé à tout ce que tu m'as raconté et j'ai peut-être le job parfait pour toi !

— Sans déconner ? Tu me trouverais un travail ?

— C'est pas non plus le truc de dingue, mais ça peut te dépanner quelque temps.

— Qu'est-ce que c'est ?

— Tu débrouilles en cuisine ? »

En cuisine ?

« C'est bien ce que je pensais... ça te dirait d'être serveur ?

— Pourquoi pas... Dis-moi en plus.

— Tu sais que ma mère est friande de soirées et prochainement, elle cherche quelqu'un pour s'occuper du service lors de l'une de ces soirées à mourir.

— Bah écoute, je suis ton homme !

— C'est vrai ? Cool ! Tu me dépannes.

— C'est plutôt à moi de dire ça. »

Si c'est juste tenir un plateau d'argent en servant trois crevettes, je pense que c'est largement dans mes cordes. Tant que ça m'occupe l'esprit, mais surtout la tête, moi je suis preneur. Je ne vais pas dire non sur le seul moyen que j'ai, pour l'instant, de me faire du pognon.

« Par contre...

— Quoi ?

— La soirée est organisée chez la mère de Nick. »

NIQUEL ! Plus on est de fous, plus on rit, non ? C'est pas ça le dicton ?

« Et alors ? J'emmerde Nick. »

The Other Side (BxB) - Tome 1Where stories live. Discover now