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Point de vue de Laurena :

Ça fait tellement d'années que je parcours ces couloirs que je pourrais le faire les yeux fermés. Tout est si triste à Beacon, des murs jusqu'au sol tout est gris et sans vie. C'est simple, on se croirait dans une morgue, même si je n'ai jamais mis un pied dans une morgue.

J'avance nonchalamment dans le long couloir qui mène au réfectoire ainsi qu'au bureau de Jimenez. De toute manière, tous ces satanés corridors mènent au même endroit. Beacon est séparé en deux ailes, est et ouest, qui se rejoignent à la cantine et au hall d'entrée, là où on croise souvent Tatiana.

Mon parcours est banal, je ne croise presque personne, juste quelques patients trop drogués pour faire attention à ma présence. Soudain, lorsque des cris de peur, même pire, de terreur, font écho jusqu'à mes oreilles, je me met à courir. Je me suis considérablement affaiblie depuis que je suis ici. Je ne bouge pas beaucoup alors mes muscles s'atrophie, et de toute façon je n'ai plus que la peaux sur les os. C'est douloureux de courir lorsque vous n'en avez pas l'habitude, mais j'ai reconnu ces cris, je dois y aller.

Au loin, la touffe de cheveux blancs de l'albinos virevolte dans les airs alors qu'une blouse verte le secoue violemment. Leslie est mon ami, j'ai promis de le protéger, quoi qu'il m'en coûte.

Je saute comme une lionne sur le dos de l'aide soignant pour le faire lâcher. C'est peine perdu, il est bien trop costaud pour moi. D'un simple revers de la main, il m'envoie valser quelques mètres plus loin en arrière. C'est toujours dans ces moments là que je regrette la fourchette en plastique.

Dans mes tympans résonne le bruit de pas rapides. Lorsque je lève les yeux, je tombe nez à nez sur une fille qui m'est totalement inconnue. Elle est mince mais à l'air bien plus musclée que moi, comme si elle pratiquait les arts de combat. Ses cheveux sont bruns et coiffés en une tresse indienne, si bien que je ne saurai dire leur longueur. Leslie est recroquevillé au sol, et malgré ses cris, la femme visiblement plus âgée que moi empoigne la blouse verte par le col.
Mes yeux croisent ses iris vertes. Elle a l'air décontenancé, un peu déboussolée, mais son visage reste de marbre face à l'agresseur de mon ami.

- Cache les yeux de ton ami. Je suppose qu'il n'aime pas la violence...

Je m'agenouille immédiatement. Sous la précipitation mes genoux cognent violemment contre le sol, ça fait mal, mais peu importe. J'obeis aux recommandations de l'étrangère et me dépêche de mettre mes mains devant les yeux de l'albinos. À cet instant, j'écoute quelques brides de sa conversation avec le sale type. Elle est de la police, alors le soignant est agacé d'avoir était pris la main dans le sac. Du moins, ce n'est pas avec des menottes aux poignets qu'il pourra remettre ses mains quelque part.

Les soignants ici sont lâches, mais ça elle n'a pas l'air de le savoir. La blouse verte tente de lui asséner un coup de tête, mais la brune évite de justesse et lui donne un coup violent qui l'assome sur le coup. L'agresseur de Leslie s'effondre au sol, visiblement dans les vapes. Demain, il se réveillera avec une sacré bosse sur le front.

L'inspectrice me dévisage longuement tandis que je console Leslie qui s'est recroquevillé sur lui-même. Je la regarde moi aussi de bas en haut pour juger qui elle est. Quand vous êtes à Beacon, vous n'avez pas d'autres choix que d'apprendre à vous méfier de tous le monde.

- Excuse moi pour la violence... Je pense avoir fait peur à ton ami.

- Merci d'être intervenu... Nous avons l'habitude, Leslie est le souffre douleur des sales types comme lui.

Je lui désigne la blouse verte assommé au sol avec mon menton. Je dédaigne et méprise les gens comme lui, ils font bien trop de mal aux gens comme moi.

- C'est tout à fait normal, ne me remercie pas. J'attendais d'en prendre un la main dans le sac. Celui là il va finir en garde à vue et je crois qu'il aura le droit à un petit aller simple au tribunal.

- C'est bien la première fois que j'entends que quelqu'un va enfin payer pour les crimes commis ici. Si je n'avais pas pris mes médicaments, j'aurai cru que vous étiez une hallucination.

Mon rêve depuis que je suis ici, autre que celui de sortir, c'est que les criminels paient pour leurs crimes. J'ai vu pleins de choses, tant de douleurs et de souffrances, et tout ça à cause des types comme cette blouse verte couchée sur le sol. Personne n'est jamais venu nous aider, c'est pour cela que j'ai dû mal à croire que notre sauveuse est enfin arrivée.

L'inconnue se met elle aussi à genoux face à Leslie. Elle pose sa main sur bras tout en détaillant le visage enfantin roué de coups et couvert de marques de Leslie. Je vois bien qu'elle est triste pour lui, mais au lieu de le montrer pleinement, elle se contente de sourire.

- Ça va, c'est fini.

- Ça va... Ca va...

L'inspectrice me lance un regard étonné, voir même alarmé.

- Il s'appelle Leslie.

- Très bien.

Leslie est particulier, il étonne toujours ceux qui ne l'ont jamais rencontré. Mais il ne mérite pas un tel traitement, j'espère qu'elle va pouvoir faire quelque chose pour l'aider. Elle est notre seule espoir.

- Et toi c'est comment ton nom?

- Laurena Beckett.

- D'accord, Laurena, tu serais d'accord de me faire une déposition? J'ai besoin d'un témoin des faits pour inculper ce crétin et tu sembles être la seule en état de me parler.

Mon rêve devient réalité en l'espace de quelques minutes. Quelqu'un va enfin écouter ce que j'ai à dire. Peut-être qu'elle ne me croira pas et qu'elle pensera que je suis folle à liée, mais au moins les secrets de Beacon vont sortir de l'asile. Cette inspectrice va apprendre ce qu'il se passe ici, la justice saura enfin la vérité.

C'est le plus beau jour de ma vie.

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