5.

58 4 2
                                    

Point de vue de Laurena :

Ça doit faire dix bonne minutes que l'inspectrice est partie et je n'ai pas décollé mes fesses de cette chaise. Je regarde un peu partout autour de moi, l'air un peu hagard, tout me rappelle tant de mauvais souvenirs. Ça a été difficile d'en parler à celle qui à défendu Leslie, mais ça fait du bien. Pour la première fois depuis toutes ces années, j'ai eu l'impression que quelqu'un m'écoutait réellement.

J'ai parlé pleins de fois à Jimenez de ce qu'il se passait ici, mais lui en n'a rien faire. Mais avec cette inspectrice, j'ai été écouté, même pris au sérieux, c'est tellement bon pour mon moral. Même mes propres parents se moquent bien de ce que je peux leur raconter sur mon calvaire. Il faut qu'une inconnue sortie de nul part apparaisse dans ma vie pour qu'enfin j'aperçois le bout du tunnel. J'ai même l'espoir secret qu'elle me fasse sortir d'ici pour que plus jamais je ne revive ce que j'ai dû endurer.

En attendant, je crois bien que nous avons un médecin en commun, et il doit rendre des comptes. Comment peut-il s'occuper de personnes extérieures alors qu'il ne sait même pas prendre soin de ses patients de l'intérieur ?

D'un pas décidé, je me dirige vers le bureau de Jimenez. Il n'y a personne dans les couloirs à cette heure-ci, au moins je ne serai pas dérangé. Ce type ne vaut pas mieux que les aides soignants qui frappe Leslie ou que celui qui gère la chaise à électrochocs. Il est même pire qu'eux, car lui nous fait miroiter une guérison, mais j'entends toujours une voix et l'inspectrice est toujours amnésique.

Je frappe trois coups bref à la porte qui me sépare de Jimenez. Il doit être en train de regarder les mouches voler.

Une voix grave me donne la permission d'entrer. Je n'ai jamais aimé le ton que Jimenez prend pour me parler, et de toute manière, c'est lui tout entier que je n'aime pas. Il était de mèche avec mes parents pour m'enfermer ici tout en me faisant croire que je sortirai très vite. Deux années plus tard, je suis encore là. Je ne trouve pas ça très rapide.

- Beacon va couler, et vous serez le premier à sombrer.

Jimenez me fixe avec son visage de marbre. Il ne semble pas saisir l'importance de mes mots. C'est vrai que je ne suis pas clair, mais je suis presque sûre qu'il a quand même une petite idée. Après tout, il a fait des études pour être médecin, il doit être un minimum intelligent.

- C'est à cause de vous que nous sommes malades, de vous et vos stupides gorilles qui servent de soignants. Vous nous rendez fous à force de nous maltraiter. Mais maintenant c'est terminé, quelqu'un m'a écouté et va vous faire payer pour ce que vous faites tous les jours.

Le médecin de l'hôpital se contente de soupirer en triturant son badge agrafé à sa blouse. Je sens une pointe d'exaspération chez lui.

- Tu as pris ton traitement ce matin, Laurena ?

- Comme tous les jours que Dieu fait, doc'.

Il hoche doucement la tête de bas en haut avant d'attraper son stylo entre ses doigts. Une feuille blanche devant lui se remplit rapidement de lignes d'une écriture baveuse et impossible à lire. C'est son passe temps favoris d'écrire sur moi. Bientôt on va découvrir une trilogie de romans à mon effigie dans les magasins de Krimson. Je vais être célèbre grâce à Jimenez.

- Regagne ta chambre pour te reposer, j'ai l'impression que tu es très fatiguée aujourd'hui. C'est la maladie qui te fait parler ainsi, Laurena. Je suis même sûr que tu n'as parlé à personne aujourd'hui.

Mais oui, c'est bien connu je discute avec des hallucinations visuelles tous les jours. C'est n'importe quoi ce qu'il raconte. Je ne suis pas folle ! C'est hors de question que je le laisse cracher son venin de la sorte. L'inspectrice était là, nous avons parlé, elle était réelle.

- Je me tue à vous dire que je ne suis pas malade, Jimenez, depuis le jour où vous m'avez contrainte à vivre ici. Que dis-je, à survivre ici.

Dans ma tête c'est le bazar complet. La petite voix qui a issu domicile à l'intérieur de mon crâne hurle et se débat violemment pour faire ravaler ses mots à Jimenez. La dernière fois que j'ai laissé Laura s'en prendre à quelqu'un ici, j'ai fini assise sur la chaise durant ce qui m'a semblé être une éternité. Je dois être forte, pour qu'un jour elle et moi puissions être prise au sérieux, et ce n'est pas en la laissant tenter de poignarder tous le monde avec une fourchette que je vais pouvoir y arriver

Jimenez attrape son téléphone fixe et appuie sur un chiffre qui doit être le raccourci d'un numéro. Je l'entends juste prononcer code rouge et il raccroche comme si de rien n'était. On se fixe comme des chiens de faïences, et ce n'est pas l'envie qui me manque de lui sauter à la gorge. Mais je suis quelqu'un de civilisé, et de bien élevé, alors je vais me retenir de sortir les dents.

Quelques minutes de silence plus tard, la porte s'ouvre derrière moi puisque je suis resté devant. Deux solides gaillards en blouse verte apparaissent, un de chaque côté de mon corps. Je sers les dents en sachant pertinemment ce qui m'attend dans peu de temps.

- Elle est en pleine crise, amenez la sur la chaise puis conduisez la en isolement pour une durée indéterminée.

Le ton de Jimenez est froid et monocorde, dénué de toutes émotions. Il ne me regarde même pas et préfère fixer sa feuille tachée d'encre. Mon coeur s'accélère lorsque ces sales types attrapent violemment mes épaules pour me tirer vers l'arrière. Dans ma tête c'est un déchaînement de grognement bestiale et de cris strident.

- Tout est de votre faute, Jimenez, vous paierez pour ça, elle vous le fera payer !

Je hurle comme une folle à liée alors qu'on me traîne dans le couloir. Mon calvaire n'est pas encore fini mais j'ai confiance, l'inspectrice fera en sorte que Jimenez soit puni. Aujourd'hui encore je vais souffrir, et je suis bien contente que la nouvelle venue ne soit pas là pour entendre le vacarme de mes plaintes de douleur qui ne vont pas tarder à résonner dans l'asile.

Elle est partie mais je suis sûre qu'elle va venir me chercher.

Sunflowers Sisters Wo Geschichten leben. Entdecke jetzt