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Point de vue de Laurena :

Ces derniers jours ont été un enfer, mais pas pour moi. Hannah ne pleure pas devant moi, elle attend d'être dans sa chambre la nuit pour laisser couler ses larmes. Elle doit penser que je ne l'entends pas, mais après des années à Beacon mon ouïe s'est bien développé. Il fallait mieux entendre correctement pour écouter les plans sordides des aides soignants.

L'enterrement de Piers était il y a trois jours. Je sais qu'on a beaucoup de boulot, mais j'ai voulu laissé Hannah souffler, comme elle l'a fait avec moi à ma sortie de l'asile. Aujourd'hui, ses yeux sont encore cernés et son teint un peu pâle, mais je la sens déterminée à aller de l'avant en commençant nos recherches. On est en plein après-midi et le soleil brille sur les tas de feuilles qu'Hannah a éparpillé sur le sol du salon. Ce sont ses trouvailles dans les archives concernant la famille Victoriano.

Je suis assise sur le sol, a détailler les feuilles. Il y a un mini portrait de la famille, les deux parents avec le père austère et la mère soumise, et les enfants sages qui posent debout. Ernesto et Beatriz ressemblent comme deux gouttes d'eau à mes parents, comme si celui qui avait organisé le développement de Laura dans mon crâne avait fait exprès de trouver une famille sosie de celle des Victoriano. Il fallait que Laura se développe dans un environnement familier, c'est ce que j'en conclu. Ma famille est plutôt aisée et chrétienne comme l'était les Victoriano, ça ne peut pas être du hasard.

J'attrape entre mes doigts la photocopie d'un extrait du journal de Krimson. Le gros titre noir affiche "un incendie se déclare dans une grange, une jeune fille y perd la vie." Des gouttes salées tombent sur le papier qui perd de sa couleur à cause des larmes. Ce n'est pas moi qui pleure, c'est Laura.

- L'incendie qui t'as tuée.

Hannah relève la tête mais je lui fais signe que ce n'est pas à elle que je parle. J'ai besoin d'être dans ma bulle avec Laura pour l'instant, pour qu'elle ressent qu'elle n'est pas seule dans cette douloureuse épreuve que sont les recherches qui nous conduisent dans son passé. Sa mort à fait les gros titres et pourtant personne ne s'est posé de questions sur les raisons de son décès. Il n'a suffit que de quelques instants pour que son existence s'évapore et que tous le monde oublie Laura Victoriano.

De nouveau, je prend entre mes mains une feuille, un autre extrait du journal, avec pour sujet "l'incendie de la grange : possibilité que ce soit un incendie criminel.". Je caresse du bout des doigts les lignes noires tout en lisant les informations contenues dans le papier. L'incendie aurait pu être d'origine criminel mais par manque de preuves l'affaire est abandonnée, c'est ce qui est écrit si je résume bien.

- Nous étions en train de jouer dans la grange, on riait tellement qu'on n'a pas entendu les paysans arrivés. C'est l'odeur de l'essence puis l'apparition des flammes qui nous ont alertés. Mais le feu s'est développé beaucoup trop vite, alors j'ai fais monté Ruben à l'étage pour qu'il puisse sortir par la minuscule ouverture. J'ai essayé de le rejoindre mais l'échelle s'est effondré, j'ai brûlée vive pour quelques bouts de terrain.

Je retiens un haut le coeur alors que les souvenirs de Laura me passent devant les yeux. Comment peut-on sacrifier deux enfants juste pour des champs ? Il n'y a rien de plus inhumain que l'humain lui-même.

Mes yeux s'attardent sur les deux dernières coupures de journaux. Elles ne sont pas datés du même jour mais ont le même sujet ; Ruben. "Deux personnes retrouvée morte. Beatriz et Ernesto Victoriano : Toute la fortune appartient au fils." et "incendie dans les sous-sol du manoir Victoriano, aucun corps n'est retrouvé.". Ils démontrent que Ruben à survécu à l'incendie, mais qu'il aurait ensuite disparu dans un nouvel incendie. Se pourrait-il qu'il ait lui-même incendié les sous-sols ? Ruben à vécu dans l'ombre de son père toute sa vie, le meilleur moyen de se sentir libérer était de tuer ce père autoritaire. Ainsi, il a pu librement faire ce qu'il souhaitait, et d'après Laura ce qu'il aimait c'était les cerveaux. Dans la deuxième feuille ils parlent d'un laboratoire secret. Le frère de Laura l'a sûrement incendié afin qu'aucune preuves ne soit retrouvées. Il a voulu se volatilisé mais pourquoi ? Jamais il n'a été arrêté pour le meurtre de ses parents, alors de quoi avait-il peur ?

- La douleur change les gens, Laurena.

Je repose les feuilles sur le sol et regarde Hannah qui lit une nouvelle fois les dossiers de Jimenez. Maintenant je pense que nous avons eu assez de temps pour nous préparer, il est l'heure d'aller visiter la demeure des Victoriano.

- Hannah, j'ai fini, on peut aller au manoir.

****

L'inspectrice a garé sa voiture dans une allée de gravier face à une immense bâtisse en pierres sombres. Tout autour de nous, des champs de tournesols à perte de vue, et pas de voisin aux alentours. On souffle un bon coup avant de gravir les quelques marches en pierres qui nous séparent des deux portes d'entrées. Hannah ouvre l'une des deux portes et me laisse entrer en première. L'intérieur du manoir est figé dans le temps. Le mobilier en bois est ancien, tout comme les tapis et les murs. Il y a deux escaliers distincts qui mènent tout deux au premier étage. Mais Hannah se dirige machinalement dans les pièces du rez de chaussée alors je la suis sans rien dire.

Nous passons dans deux chambres, grandes et belles à la décoration similaires, avec une cheminée dans chacune d'elle. Mais Hannah se stoppe net dans la seconde pièce, devant un panneau de bois où est accroché des schémas et des photos floues. Je détaille les feuilles et découvre avec stupeur qu'il s'agit de dessins d'expériences scientifiques sur des êtres humains.

- Ruben.

L'inspectrice lâche le nom du petit frère de Laura en baissant le regard vers le sol pour ne plus voir les horreurs schématiques. Quant à Laura, elle reste muette, de déception ou de tristesse je ne sais pas. Cela doit être douloureux de découvrir ce que la chaire de notre chaire à fait de sa vie sauvée.

- Il faut aller au sous-sol.

Je ne contredis pas Hannah bien que je sais qu'il y a sans doute plein d'autres pièces à visitées. Mais elle a raison, il ne faut pas perdre de temps. L'inspectrice a les yeux plissés à chaque fois que nous passons devant un portrait de la famille, comme si des souvenirs étaient en train de réapparaître dans sa mémoire. Le laboratoire se trouve entre les deux escaliers, la porte est en ferraille mais s'ouvre facilement. On s'y engouffre, avec une Hannah déterminée et une Laura de marbre face à son passé. Le sous-sol est glauque, froid et humide, décoré par des toiles d'araignées et des statuettes explosées au sol. Ça me rappelle Beacon mais en encore plus glauque.

On traverse un dédale de couloirs avant de tomber sur une nouvelle porte, verrouillée cette fois. Un symbole étrange, rouge avec des étoiles et une lettre inversé attire notre regard. Hannah devient soudainement muette, et figée. Elle regarde fixement la chose inscrite sur la porte en se tenant le crâne, comme si elle avait mal à la tête. Puis pour brisé le silence glacial qui s'est installé, elle ne prononce que quelques mots.

- C'est Mobius, c'est eux depuis tous ce temps.

Sunflowers Sisters Where stories live. Discover now