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Point de vue de Laurena :

Quand on est venu me faire sortir, je n'y croyais pas. Je n'ai passé que quelques heures en isolement mais c'était déjà insupportable. Quand on m'a détaché de la chaise pour me conduire dans cette pièce dénuée de lit et de tout confort, j'étais à deux doigts de vomir mes tripes. Ça me rend toujours un peu malade les séances d'électrochocs.

Lorsque mon regard à croisé celui de l'inspectrice, j'ai cru que j'étais folle. Un peu plus tôt, Jimenez me disait que c'était une hallucination, et là elle était de nouveau devant moi en chaire et en os. Mais quand j'ai entendu sa voix qui me rassurait, j'ai su qu'elle était réelle.

J'ai eu le temps d'apercevoir le regard noir de Jimenez avant qu'elle me conduit dans le hall. J'imagine qu'il ne m'a pas libérer de gaieté de coeur.

Elle est là agenouillé devant moi, et maintenant je connais son prénom. Hannah, c'est jolie. La gentille inspectrice m'a fait sortir d'isolement, c'est le plus beau cadeau qu'on pouvait me faire. A part la remercier, je ne pouvais rien dire d'autre. Elle va nous faire sortir, Leslie et moi. Après des années d'attente on va enfin quitter cet endroit maudit.

- Jimenez m'a dit que vous n'étiez pas réelle, que j'avais passé la matinée à parler avec une hallucination. Il a demandé à ce que je sois conduite sur la chaise avant de mettre en isolement, d'après lui je faisais une crise de démence. Vous pensez qu'il a raison ?

Je ne veux en aucun cas qu'elle pense que je suis folle, mais j'estime qu'elle mérite de savoir la vérité à propos des raisons qui ont poussées Jimenez à me mettre en isolement.

- Salopard!... Oups pardon. Pince moi le bras tu verras que je suis réelle. Aussi réelle que les cookies que tu as mangé tout à l'heure !

Je rigole discrètement. Je n'ai pas ris depuis longtemps, ça fait un bien fou. En repensant aux cookies qu'elle m'a donné, je salive de plaisir. Après avoir mangé de la purée à l'eau et aux grumeaux, du steak grisâtre presque cancéreux, et des desserts périmés depuis des mois, un simple cookie représente l'Eden pour moi.

- Moi aussi je pense que vous êtes réelle, aussi réelle que l'est Laura. Je ne voulais pas que vous me voyez dans cet état. Regardez moi, avec mes marques violacées sur les poignets et les yeux rougies par les larmes, je ne ressemble à rien. Vous ne méritez pas de voir un tel spectacle. Mais je voulais savoir, qu'est ce qui vous a poussé à revenir si vite à Beacon ? Je croyais que vous aviez beaucoup de travail.

Hannah me regarde, un peu perplexe. Elle prend le temps de réfléchir un peu, puis semble convaincu de la réponse qu'elle s'apprête à me donner.

- Ne dis pas ça! Et il fallait que je trouve un moyen de te protéger. Du coup j'ai pensé à la protection des témoins. Pour être honnête j'ai comme un instinct et cet instinct m'ordonne à tout prix de te protéger. Ce sont les criminels qui finissent sur une chaise électrique pas une jeune fille de... Euh quel âge as-tu?

- C'est encore cette voix masculine, ce que vous appelez votre instinct qui vous a dit de venir rapidement ? J'ai dix sept ans, environ. À vrai dire quand je suis arrivée ici, je comptais uns à uns les jours qui passaient, maintenant j'ai un peu perdu le fil du temps. Je sais juste que je suis internée depuis plus ou moins deux ans.

Je croyais être la seule à avoir une voix dans la tête, du moins la seule à considérer que ma voix est réelle puisque qu'elle ne se tait pas même avec les traitements. Mais l'inspectrice aussi à une voix, masculine cette fois. Elle considère que c'est la personnification de son instinct, alors qu'elle n'est pas folle. Laura ne parle pas beaucoup, mais elle est utile en cas de danger, tout comme la voix qu'entends Hannah. Si on entend des choses que les autres n'entendent pas, c'est qu'il y a une bonne raison. Rien n'est dû au hasard.

- Oui, c'est étrange, je n'arrive pas à le décrire moi-même. J'ai mon instinct à proprement parlé et j'ai cet autre instinct... tu dois me trouver bizarre... Une minute tu es jeune! Dix sept ans c'est l'âge où j'aurais dû être internée.

- Comment pourrais-je vous trouver bizarre ? J'ai une voix, qui a un prénom, et qui hurle à longueur de journée. Croyez moi, je ne vous considère pas comme quelqu'un de bizarre. Vous êtes même la personne la plus normale dans cet asile à mon avis. J'étais une adolescente quand on m'a interné, je n'avais qu'un peu plus de quinze ans, mais à l'époque je pensais que je sortirai au bout de quelques mois. Vous avez eu de la chance d'échapper à l'internement inspectrice, moi j'ai dû regarder mes parents signer le papier d'admission, ma valise déjà prête à leurs pieds.

- Comment des parents peuvent laisser leur gosse ici? C'est ignoble! J'ai eu un coup de bol en effet mais si Myra n'avait pas fait des pieds et des mains, je pense que j'aurais finis ici.

Hannah me regarde avec une lueur de tristesse dans les yeux. Je ne veux pas la voir s'apitoyer sur mon sort. Ça me fait du bien de lui parler, mais j'ai un peu peur de lui briser le moral. Il n'a rien de plus déprimant qu'une malade qui vous raconte sa vie.

- Laura, elle ne crie pas quand vous êtes là. J'ai même l'impression de l'entendre rire. Vous êtes la seule personne qui parvient à la rendre calme. Ça me fait tellement de bien de ne pas l'entendre. Ne me laissez plus jamais, s'il vous plaît.

Je ne détache pas mes yeux de l'inspectrice. J'ai peur que les cris reprennent si je ne la regarde plus. C'est comme si Laura n'était plus là, et Dieu sait qu'elle est là depuis longtemps. Le calme qu'Hannah m'apporte vaut plus que tout l'or du monde à mes yeux

- Laura ne crie pas? Elle rit même? Ouah c'est peut-être parce que j'ai une meilleure tête que ce crétin de Jimenez. Ce qui est sûr c'est que je ne te laisserais pas moisir dans cet endroit. Tiens, la semaine prochaine c'est l'anniversaire de mon petit ami, je compte faire du gâteau. Tu veux que je t'en apporte une part? Ça te fera reprendre des forces!

- Je vous assure, c'est le calme plat dans ma tête grâce à vous. Vu comment je suis maigrichonne, il me faudrait plus qu'une part pour reprendre des forces ! Mais c'est gentil, je veux bien que vous m'en apporterez une. Et par la même occasion vous souhaiterez un joyeux anniversaire à votre petit ami. Il a de la chance de vous avoir.

Hannah sourit joyeusement, c'est l'un des plus grands sourires qu'on m'ait jamais adressé. La dernière personne que j'ai vu sourire c'était cet aide soignant qui s'apprêtait à taper Leslie. Mais le temps passe, et je me rend bien compte que l'inspectrice va devoir partir d'ici. J'ai été si heureuse d'avoir pu parler à quelqu'un que je n'ai pas envie qu'elle s'en aille. Sauf que je sais qu'elle a une vie à l'extérieur, et que Beacon n'est pas un endroit pour quelqu'un sain d'esprit.

Je tente de remercier Hannah par le regard, parce que j'ai bien trop parlé pour aujourd'hui. J'essaie de faire transparaître le bien qu'elle m'a apporté dans mes yeux. L'inspectrice sert mes deux mains squelettiques dans les siennes, et avant de partir, elle m'adresse un dernier sourire plein d'espoir.

Tandis qu'elle se dirige vers la porte d'entrée de l'asile, j'aperçois Jimenez du coin de l'oeil, qui m'observe avec les bras croisés sur son torse.

Le jour de sa défaite est proche, il va couler.

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