3- La Meute Eclipse - Désir Écarlate

Chapitre 1.

Sous sa forme animale, Camille profitait d'un rare rayon de soleil qui venait briser la fraîcheur du début de l'automne. Ça faisait des jours qu'il pleuvait en discontinu, et en moins d'une semaine, les arbres avaient perdu leur vive couleur verte pour revêtir leur manteau d'automne, rouges, oranges et violets. Le sol entier de la forêt était recouvert de ces jolies feuilles colorées qui dansaient au grès du froid vent du nord. Les animaux encore dodus de l'été abondant qu'ils avaient eu fignolaient leur réserve pour l'hiver où se préparait à hiberner. Aucun ne doute là-dessus, l'automne était la saison préférée de Camille et lorsqu'elle se transformait en louve, son pelage roux se fondait à merveille dans le décor.

Et parce que l'automne représentait ses derniers souvenirs joyeux d'enfant, avant que...

Promets-le-moi, Camille ! Promets !

Camille secoua vivement la tête pour chasser cette voix horriblement brisée qui la poursuivait depuis des années. Elle haïssait la femme qui lui avait fait faire une promesse aussi horrible. Elle la haïssait autant qu'elle l'aimait. C'était pour cela qu'elle respecterait cette promesse.

Refoulant les émotions humaines qui lui donnaient envie de se rouler en boule dans un coin pour couiner comme un chiot, Camille laissa la louve en elle prendre le dessus. Elle suivait depuis quelques minutes déjà la piste alléchante d'une belette. Avec un peu de chance, elle ne tomberait pas sur une chimère belette-putois, comme ça lui était arrivé une fois. Elle avait eu une sacrée surprise ce jour-là, et l'odeur lui avait collé à la peau des semaines.

La chasse était exaltante, se déplacer sans bruit, pas à pas dans l'espoir de coincer sa proie, sentir son cœur accéléré, son souffle ralentir, ce frisson d'extase parcourir sa colonne vertébrale alors qu'elle se jetait sur le petit animal et l'exécutait vite et bien.

La belette n'avait pas eu le temps de comprendre ce qui lui était arrivé. Camille avait fait honneur à sa vie en l'achevant sans souffrance. En plus, c'était une vraie belette, encore dodue de l'été florissant qui avait précédé, comme si tous les problèmes de la meute n'avaient eu aucune importance pour la forêt.

Camille adorait être louve, tout lui semblait toujours... plus, lorsqu'elle était sous sa forme animale. Elle ressentait les battements de la forêt comme si elle en faisait partie intégrante. Elle sentait l'odeur de la terre humide et les épines de pin se mêler aux effluves de l'écorce et de la sève des arbres. Elle humait le passage de ses compagnons de meute, et des proies, comme autant de pistes distinctes dans son esprit de louve.

Ce n'était pas pareil lorsqu'elle revêtait sa peau d'humaine. Son odorat, son ouïe, sa vue... tout semblait péricliter. Bien sûr, en tant que changeline, elle avait de meilleures capacités qu'une humaine, mais c'était en louve qu'elle possédait le maximum de son potentiel. C'était sous sa forme louve qu'elle appréciait le mieux ses repas. Le sang encore chaud qui coulait dans sa gorge, la chair tendre qui se déchirait sous ses crocs, les os solides qui craquaient comme des brindilles sous la puissance de ses mâchoires.

Même en se délectant de sa proie, Camille ne baissa pas la garde. L'état d'alerte constant dans lequel la meute était tenue depuis presque un an maintenant devenait pesant, mais Lord Arthus guettait, menaçant, dans l'ombre, et ils ne pouvaient se permettre de se relâcher.

L'humain cupide dont les terres jouxtaient leur territoire lançait des frappes « préventives » sur leur villa proche, et plaçait des pièges aux bordures du territoire. Il envoyait aussi de temps en temps des chasseurs pour tirer sur les loups. Jusqu'à présent, la meute avait réussi à repousser toutes les attaques. Ils avaient perdu une villa le printemps dernier – brûlée par une personne depuis l'intérieur. Ça avait secoué la meute, mais tous en avaient conclu qu'une personne extérieure s'y était introduite. Ils s'en servaient désormais comme place forte pour repousser les attaques répétées de Lord Arthus.