Chapitre 2

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Les Enfers... Située sous le château, l'unique prison de Taewe accueillait les pires criminels de tout Riglian. Aidan sut qu'il était arrivé en sentant une puanteur acide, mélange éceurant d'urine, de crasse et de peur, traverser la cagoule qu'il portait sur le visage.

Le prince était déjà venu, une fois, quand il était enfant. Un défi de gamin qui joue à se faire peur initié par Clayton. Les gardes les avaient empêché de descendre en dessous du premier niveau, et pourtant, l'odeur et les cris qui s'élevaient des étages inférieurs l'avaient marqué au fer rouge. Il était revenu quelques années plus tard pour rendre visite à lord Bellamont avant que celui-ci ne soit exécuté. Il frissonna à ce souvenir. Le père de son ami lui était apparu faible et amaigri, mais il avait gardé cette douceur dans le regard qui avait toujours rassuré Aidan. Difficile d'accepter que cet homme qu'il considérait comme faisant partie de sa famille ait fomenté un complot visant à l'assassiner.

A cette heure tardive, les prisonniers devaient dormir, car seuls quelques gémissements s'échappaient des cellules. Les assassins se déplaçaient en silence, leurs chaussures glissant sur le sol en pierre sans émettre un seul bruit. Dans ce calme oppressant, Aidan entendait battre son propre cœur, tambour lancinant qui marquait la mesure des dernières heures qu'il lui restait à vivre.

Soudain, l'un de ses ravisseurs s'arrêta. Aidan, toujours aveuglé, lui rentra dedans. L'homme ne broncha même pas quand le prince heurta son dos musclé.

— Qui va là ? demanda quelqu'un.

Aidan ouvrit la bouche dans l'intention d'appeler à l'aide, mais fut stoppé par la pointe d'une lame qu'on appuyait dans le creux de ses reins.

— Si tu l'ouvres, tu es mort, lui susurra l'ombre à l'oreille. Et eux aussi.

Il s'adressa ensuite aux soldats, qui, selon toute vraisemblance, gardaient la porte extérieure de la prison :

— Nous avons reçu l'ordre d'escorter ce prisonnier au port. Le responsable des douanes pense qu'il aurait peut-être des informations concernant les vols de marchandises qui ont lieu en ce moment.

— Et il veut l'interroger en pleine nuit ? s'étonna une voix.

— Cela te surprend ? On ne dirait pas en le voyant, mais ce vieux Macrina est le genre de chien vicieux qui ne lâche pas un os avant d'avoir fini de le ronger, lui répondit son collègue. Ce n'est pas la première fois qu'il nous fait sortir un prisonnier de sa cage en pleine nuit, même si, d'ordinaire, c'est plutôt lui qui se déplace. Enfin bon, je suppose qu'il commence à prendre la grosse tête comme tous ces nouveaux « honorables ». Quelle idée, ça, comme si on avait besoin de nouveaux nobles.

Aidan serra les dents sous sa capuche, les honorables ou Onorachi était une nouvelle classe visant à récompenser ceux qui, bien que n'étant pas nobles, avaient brillé par leur dévouement au service de la couronne. C'était lord Bellamont qui avait soumis l'idée de ce titre, non héréditaire, au roi. Il avait été exécuté avant que le projet voie le jour, mais le père d'Aidan avait tenu à le mettre en place malgré la trahison de son plus fervent, voire unique, défenseur. En effet, la noblesse traditionnelle, les Curaidhi, n'appréciait pas ces rivaux tout neuf, promus, non pas pour leurs prouesses militaires, mais pour leurs talents de gestionnaires et de conseillers. Une évolution de la société que ces hommes pour qui l'honneur ne s'acquérait que par et dans le sang, et qui, à cause de la paix, se retrouvaient privés de toute possibilité de faire leurs preuves, ressentaient comme une insulte. Le prince, par sa faiblesse, avait souvent été le défouloir de cette rancœur que nourrissaient ses pairs, qui, malgré leurs discours bravaches, n'osaient s'en prendre directement au souverain. Du moins, pas encore.

Le prince et l'assassin - tome 1 : les rats [ a l'arrêt]Donde viven las historias. Descúbrelo ahora