Chapitre 23

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Le bruit d'une clé qu'on insère dans une serrure tira Aidan de son autoapitoiement. Il essuya tant bien que mal les larmes qui coulaient sur ses joues, persuadé que Clayton avait changé d'avis et venait le chercher pour s'en aller loin d'ici. Qu'elle ne fut pas sa déception de découvrir la tignasse rousse de son visiteur.

— Vous semblez déçu, Altesse. Vous vous attendiez à quelqu'un d'autre ? Le charria le nouveau venu.

Aidan choisit d'ignorer cette pique.

— Je vous connais. Vous êtes un ami de Clayton.

Une grimace se dessina sur le visage du jeune homme.

—Eh de Callum, rectifia aussitôt le prince.

L'Ombre s'adossa au mur en soupirant.

— J'avais compris. Mais Callum n'a pas d'ami.

— Il y a Fleur-de-Lune, protesta Aidan.

« Et moi » ajouta-t-il en son for intérieur.

— Fleur-de-Lune n'est pas son amie, mais sa protégée. Ce n'est pas la même chose.

— Vous vous trompez. Ils prennent soin l'un de l'autre. Ils...

— Peu importe, le coupa l'assassin. Je ne suis pas venu pour débattre du sujet.

Il se pencha alors et souleva la jambe de son pantalon, laissant apparaître le couteau dissimulé dessous. Il détacha les sangles en cuir qui le maintenait plaqué contre sa cheville et le tendit à Aidan.

— Ne l'utilisez que si votre vie est menacée.

— Pourquoi ? demanda Aidan en se saisissant de l'arme.

— Vos chances de parvenir à fuir sont plus que minces.

— Ce n'est pas...

—... ce que vous vouliez dire, je sais. Callum ne reviendra pas vous sauver, Altesse. Il a ses propres démons à affronter. Si vous voulez survivre, il va falloir vous débrouiller par vos propres moyens.

Le prince contempla un long moment la lame dans sa main.

— Je comprends. Mais ce n'était pas le sens de ma question. Pourquoi m'aidez-vous ? On ne se connaît pas et vous seriez prêt à trahir les vôtres pour me sauver.

— Callum vous aime, même si cette tête de mule est trop butée pour l'avouer. Si vous mourez, il ne se le pardonnera jamais.

Aidan sentit son cœur s'emballer. Clayton ou Callum, peu importait son nom, l'aimait. Non, il fallait qu'il arrête de se voiler la face. Si Clayton l'aimait vraiment, il ne l'aurait pas enfermé ici.

— Comment savez-vous qu'il m'aime ?

— N'était-il pas étrange en votre présence ? N'a-t-il pas des difficultés à se contrôler comme s'il luttait contre des sentiments contradictoires ?

Le prince rougit tandis que lui revenaient en mémoire les sensations de son baiser avec Clayton, de son corps puissant serré contre le sien, de ses lèvres chaudes, de son souffle... Il avait eu l'impression qu'une rupture s'opérait à l'intérieur de l'assassin, comme s'il acceptait malgré lui de succomber à la tentation. Il avala sa salive en se souvenant des larmes qui avaient suivis. Clayton avait pleuré après qu'ils se soient embrassés. Fallait-il le voir comme une preuve d'amour ?

— Vu votre tête, Altesse, j'ai bien l'impression qu'il y a eu un peu plus que de la tension dans l'air, je me trompe ?

Aidan détourna le regard, gêné, ce qui fit rire le rouquin. Le prince regarda plus attentivement l'homme qui se trouvait en face de lui. Il n'y avait pas vraiment fait attention, l'individu s'effaçant derrière son uniforme d'ombre, mais celui-ci était jeune, sans doute pas plus de seize ans. Une petite part de lui, la plus sombre, ne put s'empêcher de se demander quel lien il partageait avec Clayton.

—Vous n'avez pas répondu à ma question. Pourquoi m'aidez-vous ?

— Je croyais l'avoir fait. Callum...

—... ne se pardonnera pas ma mort, d'accord. C'est donc lui que vous voulez aider. Mais pourquoi ? Je croyais que vous n'étiez pas ami.

Un éclat douloureux traversa les yeux verts de l'assassin.

— Callum ne veut pas d'ami. Cela n'empêche pas les autres de tenir à lui. Je suis désolé, je dois y aller, dit-il en tournant le dos à Aidan.

Le prince regarda son dernier lien avec l'extérieur, avec Callum, s'en aller.

— Attendez, appela-t-il.

Le jeune homme s'arrêta, la main sur la poignée.

— Qu'y a-t-il ?

— Si vous voulez vraiment m'ai... l'aider, aidez-moi à sortir de là. On peut encore arrêter tout ça. Je suis sûr que mon père vous accordera l'amnistie, il vous donnera même sans doute une récompense...

— Désolé, Altesse. Il est trop tard pour ça, dit le rouquin en quittant la pièce.

La lourde porte se referma derrière lui et Aidan entendit l'assassin la verrouiller. Il se laissa glisser au sol, sans se soucier de l'humidité ou du froid qui le faisait frissonner. Rien n'avait changé à part les murs de sa prison. Il se trouvait de nouveau mis à l'écart des événements importants comme cela avait été le cas toute sa vie. Cela ne l'avait jamais vraiment dérangé. Il avait toujours préféré les livres aux gens, le silence et la prière à l'action. Jusqu'ici. Car, pour la première fois, il aurait aimé être en mesure d'agir au lieu de rester caché en attendant que d'autres règlent le problème à sa place. Il serra son couteau. Il avait peur, bien sûr. Il était même terrifié, mais il comptait affronter ses démons. Il mourrait probablement en essayant, mais au moins, succomberait-il la tête haute. Comme un prince.


Un court chapitre de transition avant de commencer les choses sérieuses ^^

Le prince et l'assassin - tome 1 : les rats [ a l'arrêt]Where stories live. Discover now