Chapitre 10

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Quand Callum découvrit la scène qui se jouait dans la cellule, son cœur rata un battement. Il arrivait trop tard. Dissimulé par le corps massif de Marcurio, il ne voyait d'Aidan que ses cheveux blonds, mais il sentait sa peur qui saturait l'air. Une odeur âcre que connaissaient bien les ombres.

— Lâche-le immédiatement, Marcurio ! gronda-t-il.

— Va te faire foutre, Callum, répliqua l'autre sans s'interrompre. Ils ont tous peur de toi, mais pour moi, tu restes ce petit orphelin misérable qui est venu nous supplier de l'aider à venger ton père. Alors retourne jouer les gentils toutous au côté de Silus. À moins qu'il commence déjà à se lasser de ta compagnie.

Cette dernière phrase libéra toute la colère que l'assassin avait enfouie en lui toutes ses années. Il haïssait ce type plus encore qu'il détestait Silus. Et Marcurio ne bénéficiait pas des sentiments ambigus qui le liait à l'homme qui l'avait recueilli à l'époque où il n'avait plus personne au monde, ce mélange de répulsion et de reconnaissance qu'il nourrissait envers celui qui lui avait donné un objectif auquel se raccrocher quand sa vie avait volé en éclat. Non, l'individu qui se tenait devant lui, pantalon baissé, lui donnait juste envie de vomir.

Callum s'obligea à prendre une grande inspiration. La colère est mauvaise guide. Une ombre se doit de garder la tête froide en toute circonstance, voilà ce que lui avait appris Silus.

— Je t'ai dit de le lâcher, répéta-t-il en avançant d'un pas.

— Ou sinon quoi ? Tu vas me tuer ? retorqua Marcurio en daignant enfin se tourner vers lui. Tu connais les règles, Callum. Les ombres n'ont pas le droit de se battre entre elles. Si tu as un problème avec moi, tu peux toujours demander à Silus l'autorisation de me défier en duel, mais je doute qu'il te l'accorde. En attendant, je compte bien m'amuser. Libre à toi de rester pour profiter du spectacle.

Callum grimaça. En effet, les tueurs les plus redoutés du royaume n'étaient guère plus que des jouets, soumis aux caprices du roi des Rats. Le jeune assassin savait ce qui lui en coûterait de s'opposer à sa volonté.

En face de lui, Marcurio éclata d'un rire gras.

— Qu'est-ce que je te disais, petit prince, Callum n'a pas les couilles de désobéir à Silus, déclara-t-il en raffermissant sa prise sur la nuque d'Aidan.

Le prince gémit faiblement et Callum sentit ses dernières défenses céder. Il dégaina son arme.

Un éclat de surprise traversa le regard de Marcurio quand la dague se planta dans son dos, au niveau du cœur. Il avait fait une erreur en surestimant l'emprise qu'exerçait Silus sur son apprenti. Ou alors était-ce l'ampleur de l'affection que ressentait Callum pour le prince qu'un monstre tel que lui ne pouvait imaginer. Peu importe. Il lâcha le prince et s'effondra à genoux.

Le jeune assassin demeura un instant immobile, ne parvenant pas à croire ce qu'il avait fait. Il avait agi sans réfléchir, aveuglé une rage telle qu'elle avait effacé toute autre pensée. Maintenant qu'il contemplait la grimace d'agonie de Marcurio, il réalisait toute la portée de son geste. Silus allait lui faire payer ce qu'il considérerait probablement comme un affront. Mais il était trop tard pour revenir en arrière. D'ailleurs, en avait-il vraiment envie ? Cet événement se serait produit un jour ou l'autre. Alors, à quoi bon se torturer en s'inquiétant des conséquences ? Pour l'instant, il devait s'occuper d'Aidan.

Quand il passa près de lui, Marcurio, pas encore tout à fait mort, tendit une main dans sa direction. Callum l'ignora et s'approcha du prince qui sanglotait, le visage toujours contre le mur.

— Aidan, dit-il en lui posant une main sur l'épaule.

Aucune réaction.

— Aidan, appela-t-il à nouveau. C'est moi, Cal... Clayton.

Le prince et l'assassin - tome 1 : les rats [ a l'arrêt]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant