Chapitre 9 - Partie 1

740 97 29
                                    

Les plats se succédaient à la table principale : soupes, tourtes, viandes rôties... Un repas qui devait paraître plutôt banal à un capitaine de l'Empire, mais qui, chez les rats, demeurait exceptionnel. L'alcool aussi coulait généreusement ce qui était déjà beaucoup plus habituel. De jeunes gens d'une grande beauté circulaient entre les convives pour remplir les verres vides. Silus avait sorti le grand jeu, visiblement décidé à impressionner son invité et à lui montrer que sa cour n'avait rien à envier à celle d'un véritable roi.

Assis à côté de l'étranger, Callum renvoya gentiment le garçon qui s'approchait de lui, un pichet à la main. Le verre de l'Islaodian était encore plein. L'assassin ne l'avait pas vu boire une goutte. Était-ce sa culture qui le lui interdisait ou voulait-il simplement garder les idées claires ? se demanda-t-il.

Ainsi donc, vous parlez ma langue ? dit Nabal-Dar en se penchant vers l'ombre.

Un peu. J'ai grandi à la cour. L'autre cour, précisa-t-il en jetant un coup d'œil à Silus en pleine conversation avec son voisin de gauche.

Je vois. Cela reste tout de même plutôt rare, même parmi la noblesse. Les relations entre nos deux peuples n'ont jamais été très bonnes.

« Et ça t'étonne » se dit Callum. L'Empire islaodian n'avait jamais caché ses intentions belliqueuses. Le Nord avait toujours su qu'un jour viendrait où il devrait se défendre contre ce dangereux voisin et son dieu sanglant. Malheureusement, le savoir n'avait pas suffi à empêcher le pire. Bemeyasia, la méridionale était tombée en première, puis Fivetonia avait suivi. Les autres royaumes, eux-mêmes en plein conflit, n'avaient rien fait pour les aider. Les envahisseurs avaient stoppé leur conquête, et la noblesse du Nord avait peu à peu commencé à croire que ça s'arrêterait là, mais l'année dernière Falli et Yavetsheskia avaient été conquises, en quelques mois seulement, amenant l'Empire aux portes de Riglian. Et maintenant, c'était à leur tour.

Mon père estimait que la connaissance était la plus grande des armes, répondit-il finalement.

En effet, Lord Bellamont, contrairement aux autres Curaidhi qui considéraient qu'un garçon noble devait surtout maîtriser le maniement des armes et la stratégie militaire, avait veillé à ce que son fils reçoive une éducation complète. Comme le prince héritier avec qui il partageait presque tout, Callum avait eu les meilleurs précepteurs du pays. Et même s'il s'était révélé un élève beaucoup plus dissipé que son ami, il parlait et lisait couramment trois langues et était capable de se débrouiller dans la plupart des autres, comme l'Islaodian. Il possédait également de solides bases en calcul, physique, astronomie et pouvait reconstituer l'arbre généalogique de la plupart des grandes familles Riglian ainsi que de ses plus proches voisins. N'en déplaise à son père, cela ne lui avait pas servi à grand-chose jusqu'ici.

Un homme sage. Mais je suis curieux. Dites-moi, comment un membre de la noblesse de Riglian est-il devenu l'héritier du chef de la pègre locale ?

« Parce que tu es un traître, comme ton père » entendit-il répondre Aidan avec son accent parfait. Le prince avait un véritable don pour les langues.

C'est une longue histoire, parvint-il à articuler entre ses mâchoires serrées.

Son regard croisa celui interrogateur de Silus, toujours en pleine discussion avec son voisin. Même s'il lui avait demandé de mettre leur invité à l'aise, un malade du contrôle tel que lui ne devait pas apprécier de les entendre parler une langue que lui ne comprenait pas. Callum repassa donc au riglianien.

— Votre voyage s'est-il bien passé ? demanda-t-il en s'obligeant à avaler un morceau de caille rôtie à la broche. La route a dû être longue depuis Toskor.

Le prince et l'assassin - tome 1 : les rats [ a l'arrêt]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant