Le prince et l'assassin - tome 1 : les rats [ a l'arrêt]

Chapitre 4

Dans la salle du trône, la fête battait son plein. De longues tables, simples planches montées sur des tréteaux, avaient été dressées et débordaient maintenant de victuailles. L'alcool aussi coulait à flots, servi par de très jeunes gens bien peu vêtus. Quels que soient ses plans envers la couronne, Silus se réjouissait visiblement de ce qu'il considérait comme une première victoire.

Assis en face de Marcurio, Callum rongeait son frein en l'écoutant se vanter de son intrusion réussie dans le palais royal. L'assassin racontait en détail la frayeur qu'il avait provoquée au prince et la mort sanglante de l'esclave, ponctuant son discours de rire gras et de rots sonores. Quand il enchaîna sur le meurtre de la reine, le jeune homme se leva, incapable d'entendre un mot de plus. Les types comme Marcurio qui prenait plaisir à tuer le dégoûtaient. Si cela n'avait tenu qu'à lui, il aurait supprimé ce nuisible depuis longtemps, mais c'était un ami de Silus et Callum n'était pas prêt à payer les conséquences d'un tel acte.

— Que se passe-t-il, Callum ? J'ai dit quelque chose qui t'a déplu ? Demanda Marcurio.

Si le ton était neutre, le sourire mauvais qu'arborait l'assassin le trahissait. Il connaissait parfaitement ce que son collègue pensait de lui et se délectait de la colère que provoquaient ses paroles. Sachant cela, Callum ne se donna même pas la peine de répondre. Il lui tourna le dos et quitta la pièce.

— Ne t'en vas pas, Callum, j'allais raconter à nos amis ici présents la réaction de notre petit prince quand il a découvert le cadavre de sa nourrice.

Cette fois, l'intonation était clairement moqueuse. Callum serra les poings et continua sa route sans se retourner. Marcurio l'avait détesté dès le premier jour. L'ombre vouait une haine tenace à la couronne et tout ce qui s'y rattachait. Il n'avait jamais supporté l'idée que Silus l'ait pris sous son aile, lui, le petit noble déchu, et ne s'était pas gêné pour le faire savoir. Au fil du temps, alors que Callum grandissait et acquérait une réputation au sein des Rats, les deux hommes avaient dû apprendre à se tolérer, mais leur relation demeurait houleuse, teintée de mépris mutuel.

Callum se dirigea vers la salle d'entraînement. Il avait besoin d'évacuer toute cette rage qui bouillonnait en lui et, pour ça, il ne connaissait pas de meilleur moyen que l'exercice physique. En entrant, il tomba sur Edwane, en pleine « discussion » avec une des jeunes serveuses du banquet.

La fille poussa un petit cri aigu en apercevant l'assassin. Rouge de honte, elle se sépara de son amant et s'empressa de relacer son corsage. Callum ne lui accorda même pas un regard quand elle passa devant lui pour quitter la pièce.

— Tu pourrais t'excuser, lui lança Edwane en s'approchant, la chemise encore ouverte et une marque de rouge à lèvres dans le cou. Tu viens de me foutre mon coup en l'air.

Callum l'ignora et se dirigea vers un râtelier. Il était venu pour être seul. Il espérait maintenant que le gêneur comprenne le message contenu dans son silence et retourne à la grande salle conter fleurette à une autre courtisane.

La salle où les ombres s'exerçaient n'avait pas grand-chose à envier à celle du palais où le jeune homme avait grandi, que ce soit par sa taille ou par son équipement. Un arsenal conséquent et varié était accroché le long de ses murs, du simple couteau à la hache, en passant par tout un tas d'armes de jet. Callum soupesa l'épée d'entraînement qu'il avait choisi. Satisfait de son poids, il commença à la faire tournoyer, savourant la sensation de contrôle que lui procuraient ses gestes mille fois répétés alors même que sa vie lui semblait voler en éclat. Il avait cru avoir réussi à canaliser la rage qui l'habitait, mais en prononçant son nom Aidan avait ravivé des émotions que l'assassin ne se pensait plus capable de ressentir. Colère, tristesse, regret se mêlaient en lui dans un tourbillon qui menaçait de détruire les défenses qu'il avait mis tant d'années à ériger.