Chapitre 13

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L'émissaire parti, Fleur-de-Lune entreprit d'appliquer l'onguent sur les blessures de Callum. L'assassin frémit quand la fillette posa ses mains froides sur ses chairs martyrisées, puis, une fois la brûlure initiale passée, une douce chaleur se répandit dans ses muscles endoloris. Il se détendit tandis que l'enfant poursuivait sa tâche.

Son esprit dériva, le ramenant au jour de leur rencontre quelques mois plus tôt.

Il sortait de la rose blanche quand il était tombé sur un groupe d'hommes passablement éméchés. Ceux-ci portaient des vêtements sobres, mais trop neufs et de trop bonnes factures pour appartenir à des gens du Dédale ou même de la ville basse. Il s'agissait probablement de jeunes bourgeois ou nobles, venus s'encanailler dans les bas-fonds, croyant que leur mauvais déguisement leur permettrait de se fondre dans le décor. Des cibles faciles pour les bandes de ratons des guildes qui ne manqueraient pas de les dépouiller avant qu'ils ne quittent le quartier. Mais pour l'instant, ils riaient fort, semblant s'amuser à martyriser quelque chose, sans doute un de ces chiens faméliques qui pullulaient dans le coin et se disputaient les poubelles avec les gosses de rues. Il s'apprêtait à poursuivre sa route quand l'un des pochtrons s'écarta, dévoilant une petite chose en haillon prostrée sur elle-même. Ce n'était pas un animal sur lequel ces sales types jetaient des pierres, mais une enfant. Comme si elle avait senti son regard sur elle, celle-ci leva vers lui ses grands yeux bleus ruisselants de larmes, et, aussitôt, l'assassin ressentit un besoin irrépressible de la protéger.

Le premier individu s'écroula sans un bruit, la gorge tranchée, et le caillou qu'il prévoyait de lancer sur la fillette roula sur le sol. Ses camarades mirent quelques secondes à réaliser ce qui se passait. Callum aurait sans doute pu tous les tuer avant même qu'ils ne dégainent leurs armes, mais il se contenta d'attendre de voir si ces types étaient assez bêtes pour l'affronter.

— Espèce de salaud, tu vas voir ce que tu vas voir, cria l'un d'eux en pointant sur lui une épée bien trop finement ouvragée pour être fonctionnelle.

Mais un de ses amis, plus intelligent ou peut-être simplement moins ivre, le retint par l'épaule. Son visage sembla familier à Callum, mais dans cette demi-obscurité, impossible pour lui de mettre un nom dessus.

— Arrête. Tu vois bien qu'il s'agit d'une ombre.

— Ombre ou pas, je vais lui faire sa fête.

Sur ces mots, il se dégagea et fonça sur l'assassin comme s'il voulait l'embrocher sur sa lame. Mauvaise tactique. Callum n'eut qu'à se décaler d'un pas et l'homme, emporté par son élan, le dépassa. Déséquilibré, il trébucha et finit à quatre pattes, sous les rires des clients de la Rose Blanche qui étaient sortis pour assister à la scène.

L'ombre lui jeta un regard méprisant avant de lui tourner le dos. Il traversa le cercle de nobles sans se soucier des épées pointées vers lui. Ces types empestaient la peur à des kilomètres, jamais ils n'auraient le cran de s'attaquer à lui. Derrière lui, la foule le huait, l'encourageant à faire couler le sang. Mais il s'en fichait. Pour l'instant, seul comptait cette petite fille qui l'observait à travers ses larmes.

— Comment tu t'appelles ? demanda-t-il en se penchant vers elle.

La fillette demeura silencieuse, se contentant de jeter des regards inquiets autour d'elle.

— Tu veux partir d'ici ? Je comprends. Tu peux marcher ?

Elle hocha la tête et saisit la main qu'il lui tendait. À l'instant où leurs paumes se touchèrent, il vit les yeux de l'enfant s'écarquiller sous l'effet de la peur. Au même moment, il perçut un mouvement dans son dos. Sans réfléchir, il pivota, prêt à intercepter le coup, mais son épée ne rencontra que le vide. L'un des nobles, le même qui avait essayé de retenir son camarade un peu plus tôt s'était interposé, bloquant l'attaque destinée à l'assassin.

Le prince et l'assassin - tome 1 : les rats [ a l'arrêt]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant