Chapitre 15

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« - Le roi Mordyn est mort. Vive le roi Arzhel. »

C'en était trop pour Callum. Il quitta le lit, refusant d'en entendre davantage. Après la mort de Mordyn, le général Arzhel était entré dans l'histoire Arzhel I, un souverain respecté et aimé de la population comme de la noblesse. Le capitaine Bellamont, celui qui avait rendu tout ça possible, était devenu le régicide, l'homme qui avait lâchement attaqué l'ancien monarque par-derrière. Son père avait tout sacrifié pour son ami et le peuple de Riglian. Sa famille, son honneur... Et comment l'avait-on remercié ? En l'exécutant pour un crime qu'il n'avait pas commis.

— Clayton, tu ne devrais pas bouger. Ton dos..., s'exclama Aidan en se levant à son tour.

Un petit rire amer s'échappa des lèvres de Callum. Depuis sa punition, deux semaines plus tôt, Aidan le couvait comme une mère poule. Une prévenance poussée à l'extrême qui commençait sérieusement à l'agacer.

— Mon dos va très bien, merci. Maintenant, laisse-moi, j'ai du travail, grogna-t-il.

Aidan blêmit en l'entendant prononcer le mot « travail ». L'assassin savait très bien que le prince tentait de se voiler la face sur ses activités. Il se raccrochait à l'idée, illusoire, que celui-ci pourrait redevenir le garçon qu'il avait connu. Clayton était pourtant bel et bien mort. D'une certaine manière, il s'agissait de la première personne que Callum avait tuée.

—... et combien de fois, devrais-je te le répéter ? Je m'appelle Callum, pas Clayton.

Callum contourna le jeune homme en essayant de faire abstraction de Fleur-de-Lune qui, postée derrière Aidan, le fixait d'un air désapprobateur. Il ne manquait plus que ça. Lui qui n'avait jamais eu de mère se retrouvait maintenant avec deux. Dont l'une était une enfant de six ans et l'autre un prince aux émotions à fleur de peau. Qu'avait-il fait aux dieux pour mériter un tel duo ?

Ignorant du mieux qu'il pouvait les regards réprobateurs qui lui brûlaient la nuque, il se pencha pour récupérer une tunique propre dans sa malle. Mauvaise idée. Il se figea, le visage déformé par un rictus de douleur.

— Attend, je vais t'aider, dit Aidan en se précipitant vers lui.

— Je peux le faire seul, protesta-t-il, mais il ne chercha pas à lutter quand le celui-ci lui prit le vêtement des mains.

La vérité, c'était qu'il n'était pas sûr d'y arriver, du moins pas sans rouvrir ses blessures. Il serra les poings tandis que des larmes de rage perlaient au coin de ses yeux. Il ne supportait plus de se sentir aussi faible et vulnérable, une pauvre petite chose dépendante des autres. Comment pouvait-il espérer défendre qui que ce soit s'il n'était même pas capable de s'habiller tout seul ?

— Tu es trop grand, il va falloir que tu te baisses, commenta Aidan, comme si la situation était tout à fait normale.

L'assassin s'assit sur le lit, vaincu. La colère qui, jusqu'ici, lui avait permis de tenir, menaçait de laisser place à l'abattement. Aidan s'agenouilla en face de lui, lui présentant la tunique maintenant dépliée. Docilement, Callum se pencha en avant pour qu'il puisse la lui enfiler.

Quand sa tête émergea du tissu, il se retrouva littéralement nez à nez avec Aidan. L'espace d'un instant, le monde disparut et plus rien n'exista à part ses yeux aussi bleus qu'un ciel d'été. Callum avança légèrement, comme attiré par une force irrésistible, réduisant encore la distance entre eux. Ils étaient si près l'un de l'autre qu'il pouvait entendre leurs deux cœurs battre à l'unisson.

Un raclement de gorge mis soudainement fin à ce moment d'éternité. Fleur-de-Lune ! Le temps recommença à s'écouler et Aidan recula, les joues écarlates. Debout à côté d'eux, Fleur-de-Lune les observait d'un air curieux.

Le prince et l'assassin - tome 1 : les rats [ a l'arrêt]Onde histórias criam vida. Descubra agora