Chapitre 7 - partie 2

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Tout à sa colère, Callum arpentait les couloirs sans but précis. Les autres rats s'écartaient de son chemin, effrayés par l'aura meurtrière qui se dégageait de lui. Un traître, il n'arrivait pas à croire qu'Aidan lui ait balancé ça à la figure. Mais à quoi s'attendait-il de la part de ce prince qui, tout en se prétendant son ami, était resté les bras ballants pendant qu'on menait son père à l'échafaud.

Callum avait assisté à l'exécution depuis la foule. Il se souvenait parfaitement de ce jour, chaque détail étant comme marqué au fer rouge dans sa mémoire. Aidan, le dos bien droit, tout fier dans ses beaux habits blancs et or. Le roi ordonnant d'un signe de la main au bourreau d'accomplir son devoir. La hache qui se levait. Le regard résigné de son père en chemise blanche, son cou posé sur le billaud. Sa tête qui roulait au pied de la famille royale. Ses yeux grands ouverts qui plus jamais ne se poseraient sur lui. Il s'arrêta et frappa de toutes ses forces contre le mur.

Un rire sonore s'éleva derrière l'assassin.

— Alors, Callum, on est de mauvaise humeur ?

Callum serra les poings en entendant cette voix. Marcurio était bien la dernière personne qu'il avait envie de voir aujourd'hui. Une vive douleur lui fit baisser les yeux vers sa main. Il écarquilla les yeux, surpris de la découvrir rougie et enflée. Il releva la tête. La paroi de pierre, plus vieille que la ville elle-même, ne portait aucune trace de sa crise de rage. Mur 1. Callum 0. Il fit jouer ses doigts pour vérifier que rien n'était cassé. Bien, il aurait mal pendant quelques jours, mais tout semblait fonctionner correctement. Tant mieux. Même s'il savait manier l'épée des deux mains, il ne pouvait pas vraiment se permettre de se retrouver en position de faiblesse.

— Ton nouveau jouet te cause du souci ? insista Marcurio. Je peux lui rendre visite si tu veux. Je te promets qu'après mon passage, il sera docile comme un agneau qui vient de naître.

Callum sentit la moutarde lui montait au nez. Il savait que son collègue cherchait à le mettre hors de lui, mais, même en le sachant, il éprouvait toutes les peines du monde à se maîtriser. Après sa dispute avec Aidan, il mourait d'envie de planter quelqu'un et Marcurio semblait le candidat idéal. Mais Silus le lui ferait payer s'il s'en prenait à lui. Il prit donc une grande inspiration pour se calmer avant de se tourner vers l'assassin.

— N'y pense même pas, Marcurio. Le prince est à moi.

— Ouais, je sais, grogna Marcurio. Silus te l'a offert pour ton anniversaire. J'étais là. Mais à ta place, je ne serais pas trop confiant. Le vent peut tourner très vite par ici.

Edwane arriva à ce moment-là, détournant l'attention de la menace à peine voilée que contenaient les paroles de l'ombre. Il était essoufflé et une fine couche de sueur assombrissait le roux de ses cheveux à la racine. Un sourire apparut sur ses lèvres quand il aperçut Callum.

— Callum, enfin, je t'ai cherché partout, dit-il en s'arrêtant à leur hauteur. Le roi requiert ta présence dans la grande salle. Dépêche-toi, tu sais comment il est quand on le fait attendre.

— C'est ça, dépêche-toi, Callum. Brave petit chien, ne fait pas attendre ton maître, lui lança Marcurio d'un ton moqueur.

Le regard d'Edwane passa de Callum à son maître, puis considérant qu'il y avait plus urgent que le sujet de leur dispute, il attrapa le poignet du plus jeune.

— Vite, insista-t-il. Cela fait déjà un bon quart d'heure qu'il m'a envoyé te chercher.

— C'est bon, j'ai compris, grommela Callum en se dégageant.

Il prit ensuite la direction de la salle du trône, Edwane sur les talons.

— J'ignore pourquoi Marcurio te déteste autant, lâcha soudain le rouquin.

Callum, lui, le savait, mais il se garda bien de partager son avis avec Edwane. Si le garçon n'était pas assez futé pour le deviner tout seul, il ne ferait pas long feu par ici. S'il y avait bien un domaine où la cour de Silus valait celle d'Arzhel, c'était celui des intrigues.

— Marcurio déteste tout le monde, répondit-il donc.

— Pas faux, acquiesça Edwane avec ce fameux petit sourire qui mettait toujours Callum hors de lui.

Avec une telle insouciance, l'assassin se demandait bien comment son collègue avait fait pour survivre aussi longtemps. Quoique sa gueule d'ange n'était sans doute pas étrangère à la chose. Tout le monde ici connaissait la faiblesse de Marcurio pour les jeunes et jolis garçons. Les très jeunes garçons. Une raison en plus de vouloir éliminer ce parasite de la surface de la Terre, la première restant que, si Callum ne lui réglait pas rapidement son compte, l'assassin risquait fort de lui régler le sien un jour. Dans cette affaire, le timing était primordial et la moindre erreur pouvait lui coûter la vie.

— Silus t'a dit pourquoi il voulait me voir ? demanda-t-il pour chasser le frisson que lui causait cette épée de Damoclès au-dessus de sa tête.

— Non, mais je suppose que c'est à cause de l'étranger.

— L'étranger ?

— Oui, il est arrivé tôt ce matin. Peau noire, richement vêtu, enturbanné...

— Islaodian ?

— Très probable, confirma Edwane.

Callum demeura silencieux. Que venait faire un ressortissant de l'empire ici ? Bien sûr, en tant que contrebandiers, les rats traitaient avec les Islaodians malgré l'embargo décrété après l'annexion de Falli par l'empire, mais les tractations avaient plutôt lieu à la surface dans les bordels que gérait Herduin. Ce n'était pas le genre de Silus, d'ordinaire si méfiant, d'admettre un étranger dans son repaire. L'enlèvement du prince n'était qu'un début, avait dit son mentor. Le jeune assassin craignait maintenant de deviner en quoi consistait la suite du plan. 

Le prince et l'assassin - tome 1 : les rats [ a l'arrêt]Where stories live. Discover now