Chapitre 16

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Les deux gros bras qui gardaient l'entrée du souterrain les saluèrent d'un signe de tête amical quand ils quittèrent le refuge. Callum sentit leur regard s'attarder sur son dos tandis qu'il remontait les escaliers menant à la salle commune. La nouvelle de sa punition avait dû faire le tour de tous les rats. Il s'en était douté, mais son humeur s'en trouva quand même assombrie.

La Rose Blanche s'élevait sur trois niveaux. Le rez-de-chaussée ressemblait un peu à une auberge, on pouvait y manger et y boire pour peu qu'on ne soit pas trop exigeants. C'était aussi le principal lieu de négoces des bas-fonds. Dans cette atmosphère enfumée, saturée par les vapeurs des pipes à épices et les parfums bon marché des courtisanes, on pouvait tout vendre ou tout acheter : informations, drogues, sexe ou pires encore. Les étages, eux, étaient occupés par les chambres où les filles et les quelques garçons d'Esmée se livraient à toutes sortes de pratiques pourvu que le client y mette le prix. Une maison de passe comme il en existait beaucoup d'autres dans la capitale.

Avant d'entrer dans la pièce, Callum rabattit la capuche de sa cape pour masquer son visage. Pas Edwane. Nonchalant, le rouquin se dirigea vers une table au fond de la salle et les hommes qui s'y trouvaient se levèrent pour lui laisser la place. Callum s'assit à côté de lui, observant les lieux. Il s'attardait rarement ici suffisamment longtemps pour le faire. Bien qu'on fût encore en plein milieu de l'après-midi, l'endroit était bondé. Une faune hétéroclite composée aussi bien de rats, d'habitants du quartier que de nobles venus s'encanailler dans le dédale. Ces derniers parlaient fort, sans chercher plus que ça à cacher leur rang social. Callum serra les poings. L'assassinat de l'un des leurs ne leur avait visiblement pas servi de leçon. Ils étaient revenus, plus nombreux et plus insolents que jamais.  

— Du calme, lui lança Edwane en suivant la direction de son regard. On est là pour s'amuser, pas pour commettre un massacre. Et tu te souviens des nouvelles règles de Silus, pas d'esclandre à moins d'un pâté de maisons du repaire. Sans compter qu'Esmée te fera la peau si tu attaques de nouveau l'un de ses clients. En parlant du loup, regarde qui arrive.

En effet, une grande blonde, un poil plus âgée et plus habillée que ses consœurs qui déambulaient entre les tables, venait vers eux.

— Edwane, espèce de voyou, cela fait des jours que je ne t'ai pas vu.

— J'étais occupé, lui répondit Edwane.

— Dis plutôt que maintenant que ton maître est mort et que tu es devenu une ombre à part entière, tu n'as plus besoin de mes services.

Elle parlait doucement, d'une voix claire et envoûtante, son buste penché vers eux laissant voir la naissance de ses seins.

— J'aurais toujours besoin de tes services, ma belle, murmura-t-il d'un ton enjôleur. Il n'y a pas mieux qu'une courtisane pour obtenir des informations. Mais aujourd'hui, je ne suis pas là pour ça. Serait-il possible qu'on nous apporte à boire à mon ami et à moi ?

— Mais bien sûr.

Esmée se tourna ensuite vers Callum et celui-ci lut dans ses yeux qu'elle l'avait reconnu malgré la capuche.

— Callum, le salua-t-elle. Ça fait longtemps que tu n'es pas passé me voir, dit-elle avant de s'éloigner, son parfum poivré flottant derrière elle comme une traîne.

Cette odeur si singulière rappela à Callum le souvenir d'une nuit, bien des années plus tôt. Il avait douze ans et venait d'honorer son premier contrat. Silus l'avait confié à la jeune femme après avoir ordonné à celle-ci d'en faire un homme.

— Mais ma parole, tu es tout rouge, s'exclama Edwane. Vas-y, raconte : qu'est-ce qu'il y a entre Esmée et toi ?

— Rien du tout, grogna Callum.

Le prince et l'assassin - tome 1 : les rats [ a l'arrêt]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant