Chapitre 8 - partie 1

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De grandes tables avaient été dressées dans la salle du trône pour que tout le monde puisse participer au festin. Comme toujours, une foule compacte s'y pressait. Silus aimait s'entourer de sa cour, la nourriture et l'alcool étant un bon moyen de récompenser ses sujets les plus loyaux et, ainsi, s'assurer de conserver leur loyauté. Mais quand même, deux banquets en deux jours, c'était pour le moins inhabituel.

Callum se fraya sans trop de mal un passage jusqu'à l'estrade royale où Silus était attablé en compagnie du mystérieux inconnu. De là où il était, le roi des rats avait une vue imprenable sur le reste des convives.

— Callum, s'exclama Silus en se levant pour l'accueillir. Te voilà enfin !

Il semblait étrangement gai. Son doute le verre vide que remplissait déjà un jeune garçon à l'allure craintive y était-il pour quelque chose. Callum échangea un regard avec le gosse. Tous deux avaient appris à craindre les sautes d'humeur alcooliques de leur souverain.

— Désolé de vous avoir fait attendre, marmonna l'assassin en esquissant une révérence.

— Ce n'est rien. Je suppose que tu profitais de ton cadeau d'anniversaire. Je suis heureux qu'il te plaise. Peut-être que moi aussi je devrais aller lui rendre une petite visite. Il paraît tellement fragile, cela donne envie de le casser en deux.

Callum serra les poings, puisant dans la douleur de sa main la force de garder un visage impassible. Ne jamais donner à Silus le moyen de vous atteindre. Il avait bien retenu sa leçon.

— Mais assez parlé de ça, poursuivit le monarque. Approche un peu, que je te présente notre invité. Capitaine Nabal-Dar, je vous présente Callum, mon héritier. Callum, le capitaine Nabal-Dar na Elirash de l'empire Islaodian.

L'étranger se leva. Edwane ne s'était pas trompé. Il s'agissait bien d'un Islaodian. Un noble de toute évidence, au vu de sa peau aussi sombre que la nuit.

— Que la lumière du soleil éclaire vos pas, salua l'Islaodian en s'inclinant légèrement devant Callum.

La voix d'Aidan résonna dans les oreilles de l'assassin : « Traître ». Il avala sa salive. Il fallait qu'il se sorte le prince de la tête.

Que celle de la lune veille sur vos rêves, répondit-il en Islaodian.

Son interlocuteur le dévisagea, l'air agréablement surpris, mais se garda de faire le moindre commentaire sur la maîtrise de la langue.

— Sir Nabal-Dar est venu négocier au nom de l'empire la reddition de Riglian, expliqua Silus.

Et voilà, les craintes de Callum se confirmaient. Les mots d'Aidan retentirent à nouveau de plus en plus accusateur. « Traître », « Traître », « Traître ».

— Excusez-moi de ma franchise, mais cela ne devrait pas plutôt se discuter dans une autre cour ? dit prudemment Callum.

Il savait qu'il jouait avec le feu. Remettre en cause la légitimité de Silus, qui plus est devant un étranger, voilà qui risquait fort de lui attirer des ennuis. Pourtant, à son plus grand étonnement, les deux hommes échangèrent un regard de connivence.

— Si, sans doute, lui répondit l'émissaire sans se départir de son sourire. Mais les rois sont rarement raisonnables quand il s'agit d'abandonner une partie de leurs privilèges. Ils ne comprennent que la force des armes. Or, mon impératrice déteste gaspiller des vies humaines. Nous préférons donc discuter avec des citoyens éclairés comme votre père, qui, eux, comprennent l'intérêt qu'il y a à rejoindre l'Empire.

Callum serra les dents en entendant l'étranger appeler Silus son père. Le roi des rats l'avait adopté deux ans plus tôt, faisant ainsi de lui son héritier officiel, mais il n'était pas et ne serais jamais son père.

« Traître » murmura à nouveau Aidan à son oreille et, cette fois, Callum ne pouvait pas vraiment lui donner tort. Silus s'apprêtait à livrer la capitale à l'Empire, précipitant ainsi la chute du royaume, et lui, ne n'allait rien tenter pour l'arrêter.

— Et que lui avez-vous promis en échange ? demanda-t-il, d'un ton plus sec qu'il ne l'aurait voulu.

— Callum !

Le ton menaçant lui rappelait que, si Silus tolérait une certaine dose d'insoumission en privé, ce n'était pas le cas en public.

— Ce n'est rien Silus, intervint Nabal-Dar. Ce garçon est intelligent. Il sait que rien n'est jamais gratuit. Mais n'aie aucune inquiétude, jeune homme, l'Empire n'oublie ni ses amis, ni ses ennemis. 

Le prince et l'assassin - tome 1 : les rats [ a l'arrêt]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant