Chapitre 13 - Tétanisée

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— Ne bougez pas.

J'ai l'impression d'être écrasée contre un bloc de béton avec des bras. L'un entrave ma poitrine, et l'autre me retient par les hanches. Même si je voulais bouger, je ne le pourrais pas. Sans compter que je suis tétanisée. L'homme est plus grand que dans mon souvenir, sa barbe de trois jours me gratte le scalp. Il a une voix qui me fait frémir.

— J'ai aiguisé ce couteau en vous attendant. Il est tranchant.

Ses paroles sont dites avec une tendresse effrayante. Je tressaille quand il les ponctue d'un resserrement de sa prise sur mon corps crispé. Je n'ai aucun mal à imaginer la lame qui s'appuie sur mon larynx comme si son propriétaire s'apprêtait à éplucher un fruit. L'expression "pomme d'Adam" prend un tout nouveau sens. Je retiens à grand peine un sanglot; j'ai peur de sentir une rigole de sang couler si je remue plus que les lèvres. J'ai une folle envie de déglutir l'épaisse salive qui m'entrave la bouche. J'arrive à délier mes lèvres d'un passage de langue furtif.

— C'est vous Al?

Ma voix n'est qu'un filet de frayeur, et mon souffle erratique la fait chevroter. J'ai l'air beaucoup moins vaillante qu'à notre première rencontre, sans aucun doute. Je me demande laquelle des deux Lyv' il préfère.

— Je ne crois pas que nous en soyions encore à l'étape des diminutifs. Ou même du dévoilement des prénoms, en fait. Mais puisque je sais déjà tout de vous, Lyvie Beauregard, et que Maximilien ne sait pas se taire, je ferai une exception. Je m'appelle Alaster.

Sa voix chaude et caressante dans mon oreille offre un vif contraste avec ses propos froids et factuels. J'entrouvre la bouche pour répondre par un "enchantée" machinal, mais la situation rendrait cette formule un peu dangereuse. Puisque je ne souhaite paraître moqueuse, je me tais. J'attends la suite.

— Vous m'avez adressé une drôle de requête, la semaine dernière, susurre-t-il au creux de mon oreille. C'est d'ailleurs la première fois que je reçois un tel ultimatum.

Je déglutis finalement, consciente que cet entretien ne tient qu'à un fil. Celui de cette lame sur ma gorge. Je tremble, et mes genoux semblent avoir du mal à me soutenir.

— Votre missive est toutefois arrivée à point nommé. Mon patron est dans une situation délicate, et nous avons besoin d'aide.

— Votre patron?

Il ricane, et je me sens rougir. Je sens qu'il s'amuse à mes dépens.

— Vous êtes mignonne. Vous croyiez vraiment que j'étais tout en haut de l'échelle?

Je ne réponds pas. J'ai trop peur de provoquer chez lui un nouveau rire qui me serait fatal. Il n'a pas l'air pressé de retirer son arme de ma carotide. Heureusement qu'il n'appuie pas plus fort!

— Lyvie, souffle-t-il.

Je frissonne.

— Les bonzes d'une organisation comme celle pour laquelle je travaille ne se montrent jamais au grand jour. Ils ne font pas le sale boulot. C'est ce qui assure leur pérennité.

— Vous êtes quoi, alors?

— Je suis... celui qui tient votre vie entre ses mains.

Je garde le regard fixé sur le lit, tentant d'ignore la position de son bras qui entrave mon corps.

— J'en suis consciente, oui.

— Bien.

Je retiens mon souffle et ferme les yeux pour tenter d'apaiser mon angoisse. Je me remémore qu'il a dit avoir besoin de moi. Cela signifie donc qu'il ne compte pas m'égorger. Pas tout de suite du moins. Mais alors pourquoi continue-t-il de me menacer avec sa lame? Je viens de lui faire comprendre que je ne ferais rien d'inconsidéré, que je sais que ma vie ne dépend que de lui.

Le fauve écarlateWhere stories live. Discover now