Chapitre 43 - Bernée

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En attendant l'arrivée d'Alaster, je remue sur mon siège à défaut de pouvoir faire les cent pas. L'impuissance devient ma plus fidèle acolyte. Je ne me débrouille pas si mal dans les circonstances, je crois, pour une simple mère de famille célibataire qui n'avait jamais touché au crime de plus près qu'en omettant de payer une amende pour excès de vitesse pendant trop longtemps. J'aimerais tellement avoir la certitude que je suis assez forte pour passer au travers de la brume épaisse qui commence à m'étouffer...

Un bruit de loquet me ramène au moment présent, et je me retourne sur mon siège pour observer Alaster pénétrer dans la pièce de son pas indolent, leste. Sa carapace bien en place me hérisse, et je me mords la lèvre inférieure avec virulence pour éviter d'exploser.

Je choisis le calme et le bon sens. Une chose à la fois.

— Est-ce un bon endroit pour discuter?

Ma question semble lui plaire, car il esquisse un sourire chafouin que je ne l'ai jamais vu arborer auparavant. Mes entrailles se tordent sous le coup de la surprise.

— C'est un excellent endroit pour discuter. Il n'y a pas de caméras dans cette suite.

Mettant de côté l'effet monstre qu'il produit dans mon corps, je me lève. La douleur qui m'électrocute me rappelle la raison pour laquelle je suis ici, et j'éructe :

— Je veux des réponses, et je les veux toutes maintenant, Alaster. Toutes.

Évidemment, il n'est pas ébranlé par ma requête.

— En es-tu certaine? Tu n'aimeras pas ce que tu entendras, de ça je suis certain.

— Un jour tu as dit que notre relation serait fondée sur la confiance. Aujourd'hui je te demande de t'en tenir à tes propres mots pour une fois. Ou bien n'était-ce qu'une façon de me demander de te porter une confiance aveugle?

Ses paupières me menacent, mais je n'en ai cure. Ce ne sont toujours que des volets de chair. Leur propriétaire n'est pas encore à portée. Son attention se reporte bien évidemment sur un sujet différent, perpétuelle manie chez lui d'éviter les sujets délicats, et je lui procure la meilleure diversion en soulevant légèrement mon pied pour le soulager.

— Que s'est-il passé? Pourquoi es-tu blessée?

Pendant un instant, sa question me perturbe, et j'en perds contenance. Je me souviens ensuite de la déclaration de Maximilien au sujet des caméras.

— Un tesson de verre, gracieuseté de Maximilien.

— Quoi?

Si son ton est égal à lui-même, les muscles de sa mâchoire, eux, hurlent à sa place. Je me rends compte de l'ambiguïté de mes paroles. Évitons à Maximilien un traitement appliqué par le Chuchoteur pour un simple verre brisé par accident.

— C'est un accident. Et c'est ma faute en plus, ajouté-je rapidement. Je lui ai lancé un oreiller.

Alaster hausse un sourcil interrogateur. Je lui explique mes doléances à l'égard de son subordonné, ce qui le fait éclater de rire. D'accord, alors il ne fait que sourire franchement, mais c'est équivalent le concernant. L'effet est le même.

— Je vois. Tu as vu un médecin?

Sa question me donne l'impression de m'aventurer en terrain miné. Étant donné que je n'ai rien fait de mal, je réponds avec innocence :

— Si on veut. Éloi était dehors quand j'essayais de monter dans ma voiture pour me rendre aux urgences. Il a affirmé être médecin. Il dit vrai?

Après une courte hésitation, Alaster me gratifie d'un hochement de tête sec.

— Alors oui, j'ai vu un médecin. Il a également eu la gentillesse de me conduire jusqu'ici.

Le fauve écarlateTahanan ng mga kuwento. Tumuklas ngayon