Chapitre 22 - Remontée

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Je ne demande pas mon reste après le départ d'Alaster. Malgré l'intense frustration qui m'accable, je ramasse mes affaires, je rajuste rageusement ma robe et je rentre en quatrième vitesse. Je suis dégoûtée par ma propre faiblesse. J'aurais dû le repousser pendant son petit laïus et tout ce que j'ai trouvé à faire, c'est l'observer me pousser au fond du gouffre... après lui avoir montré le chemin jusqu'en haut de la falaise. Je me sens pathétique d'avoir osé écarter les jambes ainsi, de lui avoir donné le feu vert pour qu'il me traite de la sorte ensuite.

Alaster est un méchant, son message est bien passé. Et c'est la raison pour laquelle je compte bien lui montrer que son petit manège ne m'atteint pas autant qu'il le pense. Ça le fait sûrement bander de m'imaginer me tourner et me retourner dans mes draps, trop excitée pour dormir, ou mieux encore, il doit être impatient de me voir terminer toute seule ce qu'il a commencé!

Oh, comme il va être déçu!

J'aime le sexe, c'est vrai, et le vilain qui vient de m'humilier me plaît physiquement, mais je ne suis pas désespérée. Et s'il pense que je vais me précipiter pour lui préparer une nouvelle fournée de biscuits à l'avoine et aux pépites de chocolat demain rien que pour l'amadouer, il se met le doigt dans l'oeil bien profondément. Non seulement je n'ai pas besoin de son aide pour me soulager de la tension qu'il a créée, mais en plus je peux tenir très longtemps sans la moindre gâterie. Et lui, combien de temps peut-il passer sans les siennes?

Ah! Rira bien qui rira le dernier, Al!

Quand je rentre chez moi, je suis remontée à bloc. L'excitation est passée, ne reste plus qu'une détermination sans faille.

J'ai quand même une petite hésitation au moment de me déshabiller dans la salle de bain, une très courte. Je ne sais pas s'il observe le moindre recoin de cette maison, mais je ne compte plus me laisser faire même si ça veut dire m'exhiber sous ses yeux de "vil voyeur".

En fait, s'il m'observe c'est encore mieux, et avec une trique monumentale si possible. Ce serait bien fait pour lui. Il paraît que ça peut devenir très douloureux. Qu'il souffre pendant que je me savonne en prenant bien mon temps.

Je me rabroue mentalement. Jamais il n'a laissé entendre que je lui plaisais. Notre sortie n'était qu'une saynète, une redoutable mise en scène, et quoiqu'il m'ait embrassée avec fougue, je ne me fais plus d'idées pour la suite : à ses yeux, moi ou une autre, c'est du pareil au même. Je parie qu'il ne sait même pas la couleur de mes yeux. Et qu'il s'en fiche, d'ailleurs.

Il y a quelque chose de rassurant dans ces pensées. En effet, si je n'ai rien de particulier à ses yeux, pourquoi me surveillerait-il en tout temps? Si je me fie à ses méthodes récentes, j'ai toutes les raisons de croire qu'il me mène en bateau à ce sujet aussi. Alaster n'a aucun mal à tordre la vérité en sa faveur, à user de subterfuges pour obtenir ce qu'il veut.

Cet homme aime montrer qu'il a de l'esprit, qu'il a le pouvoir.

Eh bien il se trouve qu'un homme n'a que le pouvoir que les autres lui concèdent. Et si je lui concède volontiers qu'il a un certain pouvoir sur moi en tant que criminel sans scrupule, je refuse de lui en donner en tant qu'homme désormais. La prochaine fois, il devra me supplier s'il veut me toucher.

Après avoir enfilé un pyjama, je me couche avec la détermination d'une guerrière.

Pourtant je rêve de lui... ou plutôt de sa bouche et de ses mains. Puisque mes rêves sont la seule partie de ma vie actuelle qui soit encore privée, je profite de mon réveil durant la nuit pour me repasser en boucle les moments clés de cette scène onirique où Alaster m'égratigne les cuisses de sa barbe sauvage, me mordille les flancs et me suçote une fesse avec mesquinerie. Mon cerveau a bien cerné le personnage, on dirait. Je n'ai aucun mal à imaginer Alaster consteller mon corps de suçons juste pour m'embêter... je passe une main sur mon cou, là où je sais qu'il y en a un — je l'ai vu dans le miroir avant d'entrer dans la douche hier. Nos véritables étreintes de la veille se rejouent dans mon esprit, et je ferme les yeux en espérant me rendormir. L'Alaster de mon rêve est fou de moi et il est inoffensif... pas comme le vrai, qui est un calculateur et un connard arrogant.

Le fauve écarlateOù les histoires vivent. Découvrez maintenant