Chapitre 26 - Paniquée

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— Je comprends, ne vous inquiétez pas.

Lorsque je raccroche d'avec la mère de Maxime, je suis dépitée. J'ai la vague impression que je ne suis pas au bout de mes peines pour cette fête d'anniversaire. Je ne suis pas stupide, je sais reconnaître une excuse bancale quand j'en entends une. J'aurais été plus convaincue par « C'est le jour du Seigneur » un dimanche que « C'est la journée en famille »... la fête ne durera que trois heures, au plus. Quel parent ne rêve pas d'envoyer son enfant ailleurs pendant une infime période pour qu'il en revienne complètement épuisé?

Une partie de moi veut croire qu'il n'y a que moi, actuellement, qui fasse preuve de mauvaise foi dans cette histoire, et pourtant... l'autre partie avance qu'Emmett n'a jamais invité ses amis chez sa mère et que, par conséquent, les parents doivent être frileux.

Je ne peux m'empêcher de compatir et de les maudire du même coup.

Le cellulaire dans mes mains, je me laisse tomber peu élégamment sur notre banc, à Jessica et à moi, et je soupire. Cette semaine n'est franchement pas géniale...

Consciente des paroles soufflées par Thomas avant que nous mettions fin à notre entretien, j'observe les alentours à la recherche d'une personne suspecte. À l'arrêt de bus non loin, j'ai l'embarras du choix : un gothique mélancolique au teint laiteux qui regarde plus qu'il ne lit le livre qu'il tient d'une main, un punk avec sa crête écrasée par un casque d'écoute trop gros pour sa tête, et une fille à l'air revêche qui mâche sa gomme avec la grâce d'un bovidé, mais le style vestimentaire d'un mannequin. Sur les trottoirs, nombre de personnes déambulent sans m'accorder la moindre attention.

Du coin de l'œil, j'aperçois un homme aux cheveux sombres qui pianote sur son téléphone. La capuche de son coton ouaté gris à l'effigie de l'Université d'Ottawa est rabattue sur sa tête, mais j'ai l'impression de reconnaître ses traits.

Et ça, c'est mauvais pour moi.

Je dois m'en aller pour éviter d'attirer l'attention de quiconque. Si je suis vraiment suivie, je refuse d'entraîner une connaissance dans cette situation. Je resserre ma prise sur mon sac à main et me lève, à la recherche d'un endroit tranquille pour communiquer ma trouvaille. Songeant aux précautions à prendre, je me contente d'envoyer un message court à Maximilien : « J'ai un renseignement important à transmettre. »

La réponse ne se fait pas attendre : « Restez où vous êtes. »

Aucune surprise de sa part sur mon emplacement, c'est donc qu'il sait que je suis à Ottawa. En même temps, le contraire aurait été étonnant, puisqu'il semble être toujours chargé de me surveiller. J'envoie un accusé de réception tout simple d'abord, un « OK » sans fioriture, puis, sur un coup de tête, j'ajoute : « C'est vous qui nous surveilliez, Thomas et moi? » Ce serait tellement logique, je me sens stupide de ne pas y avoir pensé avant! Thomas connaît-il Maximilien? A-t-il déjà eu affaire au larbin de celui qu'il appelle Alan?

Le temps passe, et bientôt l'absence de réponse me rend nerveuse. Si Maximilien avait été à proximité, il me semble qu'il aurait déjà dû me rejoindre. Je me faufile parmi les passants pour rejoindre une ruelle qui mène à la porte de service d'un bistro. L'endroit est calme, sombre malgré le soleil matinal qui inonde la rue principale qu'elle rejoint. Non loin de la porte en fer sont empilés des caisses et des sacs poubelles. D'où je suis, impossible de voir ce qui se cache derrière.

En attendant un signe de sa part, je m'appuie contre le mur du bâtiment qui m'abrite des regards. Je réfléchis à ma discussion avec Thomas, le revoit blêmir, et je souhaite que cette situation trouve une résolution heureuse. Une boule se forme dans ma gorge, et je sursaute quand mon téléphone émet un signal.

Le fauve écarlateWhere stories live. Discover now