☀︎︎ CHAPITRE 6 ☀︎︎

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— Lyah Akissi Kouassi. Ivoirienne, la vingtaine fraîchement entamée. Elle est arrivée à Oran il y a cinq ans et travaille dans une parfumerie qui est la sienne.

— C'est tout ?

— Oui, votre altesse.

Confortablement installé dans son fauteuil rouge, les bras croisés sous son menton, Aboubak écoutait attentivement les informations que lui livrait son fidèle bras droit à propos de Lyah. Il s'attendait à tout sauf à cela.

Savoir que cette guerrière était une Africaine, ça le choquait en même temps que ça ne l'impressionnait. Jamais, au grand jamais, il n'avait entendu dans l'histoire de ses ancêtres qu'il y avait des noires dans les combats d'élection.

Il n'arrivait pas à y croire. Enfin, si, mais il en était toutefois très surpris. Agréablement surpris.

Cependant, une question taraudait son esprit. Pourquoi cette jeune ivoirienne voulait-elle être la sultanat ? Du peu qu'il avait appris de son bras droit, elle n'avait eu aucune relation avec qui que ce soit depuis son arrivée à Oran. Et personne ne lui avait jamais remarqué un grand sentiment à l'encontre du Sultan, autrement dit, lui. Aboubak. Alors, pourquoi ?

Serait-elle soudainement tombée amoureuse de lui ? Non, certainement pas. Aboubak ne croyait pas en l'amour. Pour lui, si elle avait décidé de devenir Sultanat, c'était sûrement par recherche de profit. Oui, c'est ça. Elle cherchait à s'assurer un avenir aisé, et quoi de mieux pour cela qu'épouser l'homme le plus riche des environs ? Ainsi, elle s'assurerait non seulement une grande vie, mais aussi un poste qui serait gravé dans l'histoire. Son nom parcourerait toutes les contrées voisines, tous les pays aussi lointains qu'ils soient et elle deviendrait une référence dans les vestiges d'Oran. C'était parfait.

Mais tout cela lui semblait toujours aussi étrange. Dans sa tête, il s'était déjà fait un scénario du pourquoi de la décision de Lyah, mais cela n'en restait pas moins flou. Il se promit alors d'en découvrir les véritables raisons. Après tout, il ne pouvait pas laisser une inconnue partager sa vie aussi facilement et avoir accès à son environnement. Jamais. Il lui fallait la connaître, la découvrir, elle et les méandres de son existence.

Regardant par la vitre teintée de la voiture noire, Lyah ne savait plus si elle devait compter sur la chance.
Pas qu'elle n'y croyait pas, mais elle ne l'attendait pas. Tout au long de sa vie elle n'avait eu droit qu'à la malchance, ce n'était pas maintenant que la chance pointerait le bout de son nez.

Une chose était sûre pour elle : après cette visite chez le Sultan, soit elle n'en sortirait pas indemne, soit sa vie n'en serait tout simplement plus la même. Et elle penchait beaucoup plus pour la première option.

De loin, elle vit un grand portail menant à une allée incroyablement bien dessinée. Elle se redressa pour mieux regarder l'endroit.

Sa surprise fut grande lorsqu'elle vit le palais royal. Son cœur se remit à battre la chamade.

Jamais elle ne s'était imaginée que c'était là qu'elle perdrait sa vie.
Au moins, elle mourrait dans un magnifique endroit. Des pensées horriblement glauques fusaient dans son esprit alors qu'elle tentait de les réprimer. Il ne manquerait plus qu'elle ne se mette à pleurer.

Ses yeux s'écarquillèrent encore plus lorsqu'ils arrivèrent dans la cour royale. On se serait cru dans un rêve. Le palais était magnifique.
Chaque endroit était incroyablement bien entretenu, comme s'il représentait l'une des sept merveilles du monde. Tout un pays pouvait vivre dans ce luxueux espace tant il était immense. Des buissons taillés en différentes formes, des fontaines aux divers motifs et du marbre un peu partout. C'était atrocement beau. Beaucoup trop beau pour accueillir sa mort.

Lyah n'avait jamais mis les pieds au palais Royal, auparavant. Aucun citoyen n'avait le droit d'y pénétrer sauf invitation de son Altesse le sultan. Sa surprise et son admiration devant une telle beauté et grandeur étaient donc tout à fait fondées.

— Mademoiselle ?

La voix rocailleuse du chauffeur la tira de son conte de fée. Un bref regard sur sa droite et elle se rendit compte que celui-ci lui avait ouvert la portière et la lui tenait. La gêne s'empara immédiatement d'elle pour avoir fait patienter cet homme.

— Suivez-moi, lui dicta-t-il, le sultan est dans son bureau.

À cette annonce, Lyah se rappella instantanément du pourquoi de sa présence dans ce palais beaucoup trop beau. Elle déglutit difficilement avant de descendre de la voiture et suivre le chauffeur.

L'intérieur de l'édifice était encore plus magnifique que l'extérieur. La couleur dorée mélangée à du maron montrait toute la beauté de ce lieu. Les voiles étaient d'une originalité hors du commun. Jamais elle n'avait vu un intérieur aussi soigné. La decoration allait à la perfection avec les cultures et traditions de ce pays.

Elle faillit se tordre le cou à force de regarder les lieux. Mais, quitte à mourir dans les heures à venir, elle voulait que la dernière image qu'elle ait avant de fermer les yeux à jamais soit aussi belle que le visuel qu'offre l'intérieur de cette bâtisse.

— À gauche, s'il vous plaît.

Arrivés devant une grande porte en métal et étrangement trop épaisse, elle entendit des voix. Aussi distinctes qu'elles furent, elle peut discerner des personnes qui parlaient l'arabe, langue qu'elle avait finit par comprendre et adopter comme sa propre langue maternelle.

— Entrez.

Son cœur se remit à battre. Et quand les portes s'ouvrirent, elle fit face à plusieurs personnes qui se tournèrent tous pour la regarder.
Elle faillit s'évanouir mais se reprit bien aussitôt en s'appuyant contre l'un des battants des grandes portes.

S'il y avait bien une chose qu'elle détestait, c'était attirer les regards sur elle. Être le centre d'attention. Ainsi, elle avait l'impression de n'être qu'une vulgaire bête de foire. Un animal qu'on viendrait admirer au zoo parce qu'on est curieux de connaître son mode de vie. Cela lui était beaucoup trop difficile à supporter.

Néanmoins, là, elle se devait bien de prendre son courage à deux mains et garder son calme. Que dirait le Sultan si jamais elle perdait connaissance, là, dans son bureau alors qu'il l'avait expressément convoquée ? Elle se serait sûrement faite décapitée en plus d'égorgée.

Hésitante, elle dévisagea lentement chaque personne présente dans cette pièce. Pas assez longtemps quand-même pour soutenir leur regard.

Mais une personne en particulier attira son attention. C'était l'homme assis au fond. Il avait un regard étrange. Beaucoup trop étrange. Et sa curiosité digne d'un sort maléfique l'obligea à plonger ses yeux dans les siens et les soutenir.

Elle pu discerner une barrière. Oui, une grande muraille. Cet homme glissait, entre eux, d'énormes boucliers de métal.

Il ressemblait fortement à ces personnes qui ne laissent jamais transparaître leurs émotions, cela la perturbait. Mais ce qui la troubla le plus, c'était sa façon de la regarder avec ces yeux. Il avait de magnifique yeux, en amande. Des pupilles foncées. Un peu effrayantes. Sa machoire était crispée. Il était assis dans son fauteuil rouge comme un Dieu. Les jambes croisées et le menton soutenu d'une main accoudée à sa chaise.

Le sultan, en avait-elle conclu.

L'élue Du Sultan : La Passion D'Aboubak Al ZohraWhere stories live. Discover now