Chapitre 4 - 4

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IV

Le crépuscule était déjà bien avancé, quand Kal se décida à aller frapper à la forte de la maisonnette. Il fixa l'entrée, prit une grande inspiration, calma les battements de son cœur, et avança d'un pas assuré. Sur le seuil, en serrant sa manchette pour s'assurer que son poignard était bien là, il se garda un instant pour détailler la porte. Le bois était moisi sur certains endroits, et couvert de champignons sur d'autres. Trois plumes de corbeaux, attachées entre elles par une mèche de cheveux, y étaient suspendues, ce qui laissait penser que des malheurs avaient eu lieu ici.

Kal frappa à la porte, et attendit quelques secondes avant que l'on vienne lui ouvrir. Dès le premier instant, il eut un haut-le-cœur qu'il essaya de dissimuler comme il le put. L'odeur était nauséabonde, et c'était sans parler de la laideur de celle qui lui faisait face. Les deux êtres de sang muté se dévisagèrent un certain moment. Kal sonda l'objet de sa quête. Elle était de taille moyenne, avec un dos voûté. Sa peau, fripée, d'un teint blanc bleuâtre, laissait plusieurs boutons disgracieux pousser. Sa bouche était déformée, ainsi que décorée de croûtes rouges et jaunes. Le peu de dents qui lui restaient, étaient malpropres et déchaussées. Ses cheveux demeuraient si gras, que l'on aurait pu deviner la graisse qui coulait au niveau des racines. Ses mains tremblaient. Sa large robe cachait ses autres défauts, mais à certains endroits, on pouvait distinguer des bosses.

Elle prit enfin la parole :

- Que veux-tu ?

- Bonjour mon frère s'est perdu, et je me demandais si vous ne l'auriez pas vu...


Soudain, l'expression de son interlocutrice se modifia. Son plan semblait fonctionner.

- Il a 8 ans.


Le regard de à la vielle dame changea, devenant noir, presque méchant.

- Hum... comment est-il ?

- Brun, et assez petit... répondit-il en faisant attention à ne pas donner de détail sur le caractère, et en priant intérieurement pour qu'elle tombe dans son piège. Je... je suis fatigué de l'avoir cherché toute la journée. Auriez-vous l'amabilité de m'accueillir une nuit ?

- Je n'ai vu personne ici alors pars !


Le ton était monté d'un cran sans que Kal n'est rien vu venir, ce qui ne plaisait pas du tout au Chasseur. Il avait été maladroit sur ce coup-là, et il s'en voulait.

Qui foncerait chez elle tête baissée ? C'est bien trop suspect, pensa-t-il.

La femme s'approcha de lui avec un air menaçant, puis fit doucement glisser ses horribles ongles sur sa mâchoire

Elle le dévisagea. Longtemps. Puis elle s'écarta du seuil de la porte pour le laisser entrer.

- Merci...


Une vague de senteurs mélangeant odeur de cadavres, poussières, moisissures lui attaqua les narines, et instinctivement, il respira par la bouche pour éviter de vomir.

- J'ai un peu de viande, si tu veux manger, lui proposa-t-elle gentiment.

- Non, merci. J'ai mangé en route, lui dit-il le plus naturellement possible.

- D'accord. Tu prendras le fauteuil. Je peux te préparer un thé à la place.


Le grand brun s'apprêtait à refuser, mais après une rapide réflexion, il lui dit tout de même :

- Oui, si vous en prenez un avec moi. Est-ce que, par hasard, vous auriez du thé qui est bénéfique au sommeil ?


Elle le regarda en fronçant les sourcils. Kal s'empressa donc de rajouter :

- J'ai des problèmes de sommeil, je n'arrive pas à m'endormir et je me réveille souvent dans la nuit.

- Oh, je vois. Assis-toi à table, nous allons discuter.


Même s'il n'était pas très rassuré, il obtempéra. Un malaise était perceptible. Le Chasseur n'avait jamais eu l'occasion de faire ce genre de mission, et cela se ressentait. Il enchaînait les bourdes. Mais pour l'instant, elle semblait ne rien avoir remarqué de son petit manège.

En scrutant la pièce, il remarqua que la maisonnette était très sale. Tout était poussiéreux, et l'humidité avait créé de sales traces un peu partout. Le mur était donc zébré de vert, jaune, marron... Néanmoins, un détail surprit Kal. Il n'y avait que l'odeur qui pouvait laisser penser que des cadavres étaient passés ici, sinon, aucune goutte de sang, ou autres fluides n'apparaissaient. Il s'attendait au moins à voir des bavures, mais il avait beau chercher : rien. Ce devait être la seule chose à laquelle la Hag prêtait attention.

- Alors, Chasseur, dit-elle en revenant à table, pourquoi es-tu là ?

- Pardon ?


Il la regarda, plutôt hébétée.

Elle avait tout compris, sans rien laisser paraître. Kal la fixa pour essayer de percevoir quelque chose qui lui serait utile, mais rien. Aucune émotion ne parut sur son visage. Il ne pouvait pas deviner ses pensées.

- Tu crois qu'un simple voyageur aurait demandé l'hospitalité à une laideur comme moi ? Même les chevaliers de la Cour préfèrent me tuer. On ne t'a jamais appris la discrétion ? C'est pourtant la base de ton métier... Alors que veux-tu ?


Il resta muet.

- Je savais que vous, les Traqueurs, ne parliez pas beaucoup mais j'osais imaginer, que quand même, vous daigniez utiliser votre bouche lorsque cela était nécessaire.

- Chasseur d'Ombres, corrigeait-il. Je suis envoyé par le roi. Je veux te rendre ton apparence originale.

- Je suppose que tu voulais passer la nuit avec moi, en me rejoignant dans la soirée, quand je serais bien endormie, grâce au thé.

- Oui, en effet.


Quel sens de la déduction, pensa-t-il.

- Quelque chose m'intrigue. Tu es un Chasseur d'Ombres, mais tu accomplis des quêtes de Traqueurs.

- N'en ai-je pas le droit ?

- Si. Mais ce n'est pas commun. Je peux savoir pourquoi ?

- J'ai continué mon apprentissage, et je suis devenu Traqueur. Gâcher du potentiel n'est pas de ma philosophie. Puis, il faut bien que je m'occupe, répondit-il en se gardant bien de lui parler du Roi. 

- Contrairement à toi, j'ai fini ma tasse. Je vais me coucher, rejoins-moi si tu veux. Mais n'oublie pas, tu dois dormir avant que la nuit ne tombe complètement. Soit dans quarante minutes à peu près.


Puis elle s'arrêta, se retourna lentement, et le dévisagea avec un regard sombre et malveillant.

- Si je ne suis pas redevenue une belle femme à mon réveil, je ne donne pas cher de ta peau.

- Je te tuerais, rectifia-t-il.


Elle rigola avant de partir en silence.

Dans quoi me suis-je fourré ? se questionna-t-il, avant d'avaler son thé.

Hey !

Comment allez-vous?

J'espère que cette partie vous a plût, et on se retrouve mercredi :)

Nominé : Préambule du ChaosOù les histoires vivent. Découvrez maintenant