Chapitre 31 - 1

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I

    Les jours défilaient sans que Kal ne daigne sortir de sa chambre. Voilà maintenant une semaine qu’il n’avait rien avalé. Une semaine qu’il n’avait pas dormi. Une semaine qu’il rongeait sa colère. Une semaine qu’il se remplissait chaque jour un peu plus de haine envers les Ombres, cette Ombre, Evrard, Lélia, lui-même. Il en voulait à la terre entière. Dès que celle qui l’hébergeait voulait entrer dans la pièce, ou voulait lui adresser la parole, elle se faisait sévèrement envoyer paître.

    Il visualisait tous les jours la scène qui avait mis fin à sa vie. Qui avait mis fin à son ancienne vie. Celle où il avait encore tout ce à quoi il tenait.

    Il broyait ses idées noires. Sans cesse. Kal voulait devenir plus fort, toujours plus fort. Mais plus seulement pour avoir la force de venger les défunts. Il voulait obtenir plus de force par pure haine envers les Ombres, pour déverser sur ce qu’il ressentait envers tout le monde sur celles qu’il devait chasser. Qu’il devait tuer. Qu’il devait éliminer. Quitte à se tuer à l’entraînement ou au combat, il devait être ce puissant Chasseur capable de trouver, et de rayer de la carte toutes les Ombres qui lui faisaient face. Il n’avait plus rien à perdre.

    Soudain, il entendit des pas précipités dans la cage d’escalier. Lélia allait encore vouloir lui parler.

- Kal ! C’est bon maintenant sors de ce trou ! Tu vas finir par mourir de faim si tu continues comme ça.

- Qu’ai-je à perdre de toute façon !

- Tu as une mission, personnelle et impersonnelle à accomplir. Tu crois que l’Ombre Originelle va se combattre seule ?

- Je suis le seul fautif !

- Peu importe ce que tu penses, ça ne change rien à ton devoir.

- D’autre Nominé peuvent s’en charger.

- Malheureusement pour toi, ils ont tous péri, ou presque.

- Ou presque, comme tu dis.

- Certes, mais ça m’étonnerait beaucoup qu’à soixante-dix ou quatre-vingts ans ils soient vraiment très efficaces.

- Quand je te dis de me laisser seul tu comprends quoi exactement ?

- Je comprends que tu broies tes idées noires, et que cela ne nous avance à rien. Mais alors rien du tout.

    Il savait pertinemment qu’elle avait entièrement raison. Sans réponse, Lélia entra dans la pièce constata avec effroi l’état de Kal. Le jeune avait perdu un poids considérable. Ses joues s’étaient un peu creusées, et on voyait qu’à travers ses vêtements il y avait du vide… Sur son visage fatigué, de sombres cernes s'installaient au fur et à mesure que les jours défilaient. Elle ne s’était pas attendu à le voir comme ça, étant donné qu’il était habitué à ne manger que très peu. Les derniers événements et les pensées qu’il avait en tête avaient dû participer à cette chute considérable.

- Si tu voyais ton état… Je t’ai apporté de quoi manger. 

- Je n’ai pas faim.

    S’il y avait bien une chose qu’il avait retenue de son enseignement avec Evrard, c’est qu’il devait se mettre dans des conditions extrêmes pour progresser.

- Tu dois récupérer et reprendre des forces avant d’aller t’entraîner. Tu vas devenir physiquement faible, sinon.

- Je ne suis pas faible.

- Alors mange.

    Pas de réponse. Cependant, il attrapa tout de même l’assiette qui était posée en face de lui. Il avait le ventre noué, et la nourriture était fade.

    Lélia fut tenté de lui caresser l’épaule, puis se rappela la froideur de Kal quand il recevait un geste d’affection.

- C’est bien. Continue comme ça et on commencera ton entraînement.

    Elle se retint, évidement, de lui avouer les doutes qu’elle avait tant aux dégâts qu’Evrard avait fait sur lui.

    Après quelques minutes à bouquiner en bas, la femme entendit des pas descendre de l’escalier.

- Tu as tout fini ?

- Oui.

- Vas te reposer à présent.

    Il la regarda avec un air froid et blasé qui lui fit comprendre qu’il n’en ferait rien.

- Prends ce livre, et vas l’étudier dans ta chambre.

    Il regarda le livre, puis la femme :

- Merci. Je suppose que je vais pouvoir en apprendre plus sur les Ombres ?

- En effet.

    Il remonta dans sa chambre et commença sa lecture, allongé sur son lit. Mais après quelques pages, il sentit ses paupières devenir lourdes. Il sentit la fatigue peser sur lui. Puis il plongea dans un sommeil profond.

    Ce ne fut que quelques heures plus tard que Lélia entendit hurler à l’étage.

- Ça ne m’avait pas manqué… soupira-t-elle en se levant du fauteuil dans lequel elle lisait un livre d’apprentissage ancien.

    Elle grimpa quatre à quatre les escaliers de bois, et arriva à l’étage, qui était assez petit. Il n’y avait que quelques mètres qui séparaient les chambres, en face de l'escalier se trouvait une salle de bain, qui séparait aussi les chambres. La femme ouvrit la porte en face de sa chambre, et trouva Kal agité dans son sommeil. Il avait de la sueur qui lui collait à la peau, et ses muscles étaient tous plus contractés les uns que les autres.

    Lélia s’assit alors sur le lit, et observa le jeune homme. Elle déposa le livre sur sa table de chevet. Kal poussa un nouveau cri en balançant un bras contre le mur.

    Dans la poche de sa veste, elle sortit une petite boîte. Elle l’ouvrit et passa ses deux doigts dans la crème verte qui y était contenue. Elle fit ensuite un trait sur le front de Kal, avant de la lui étaler. Quelques instants plus tard, il redevint calme, et continua son sommeil paisiblement, tandis que Lélia retournait à sa lecture tout en demeurant pensive… de quoi pouvait-il bien rêver ?

    Un sentiment de culpabilité l'envahit peu à peu. Elle commençait à regretter amèrement de lui avoir laissé la possibilité de partir. Bien sûr, elle savait depuis le départ qu’il tomberait forcément sur de mauvaises personnes, mais de là à le pousser autant à bout, elle ne l’avait pas envisagé. Ou du moins, avait rapidement écarté la possibilité pour ne pas se faire un sang d’encre à tous les instants…

    L’Éveil était une étape importante dans la vie d’un Chasseur d’Ombre, car elle était à l’origine de sa force, du surdéveloppement d’un sens, et du développement de l’œil blanc. C’est surtout ce dernier point qui inquiétait Lélia. En poussant Kal de trop, à un si jeune âge, Evrard avait grandement augmenté la résistance de Kal, ce qui lui permettrait d’acquérir une force plus puissante que la normale au cours de son Éveil. Mais il lui avait en parallèle inculqué la capacité de dissociation de son réceptacle et de son esprit trop rapidement, ce qui le rendait plus vulnérable psychologiquement. Cette capacité influait particulièrement sur les zones du cerveau gérant la conscience, les émotions et le raisonnement, puisque son esprit était plus malléable, contrôlable, et donc plus vulnérable… Un esprit vulnérable, équivalait à un gros point faible face à une Ombre. C’est ce point qui inquiété la femme par rapport au développement de l’œil blanc de Kal.

    Le jeune Chasseur était devenu son propre danger.

Bonjour :)
Comment allez vous ?
Voici un nouveau chapitre qui aura besoin de correction...
Bonne journée à vous :)

Nominé : Préambule du ChaosWhere stories live. Discover now